Zombie, Def. 1 : revenant, mort vivant ; dans le vaudou, mort sorti du tombeau et qu’un prêtre met à son service. Zombie, Def. 2: personne qui a un air absent, amorphe ; personne sans volonté.
« Du fait qu’ils soient fabriqués de vieux composants électroniques plus ou moins instables et que la variation de position d’un seul millimètre d’un potentiomètre change tout, il est très difficile de reproduire deux fois le même son » Etienne Jaumet, 2006
La salle est pleine ce soir, comme bien souvent à la Maroquinerie, la coupe est remplie et le bar regorge de minets et pépettes qui n’ont qu’un désir, qu’une volonté : voir ou revoir Zombie Zombie, groupe happy hype du moment. Duo batterie-synthés, formé d’Etienne Jaumet, « l’un des musiciens français du genre les plus prisés à l’étranger » (source Wikio, sic), collaboration avec the Married Monk notamment, et Neman Düne à la batterie, collaboration avec qui on sait (des barbus). L’installation sur scène est à elle seule une performance : installation vintage. Etienne Jaumet, l’ngé son de formation, capte l’attention, ne serait-ce que pour l’amour qu’il porte à l’installation et au fonctionnement de ses machines, la précision du son et de l’aléatoire qui en découle. Et connaissant les influences rock voire expé’ des deux gars (en vrac et entre autres : Can, Suicide, Silver apples …), le propos du groupe revendiquant l’interactivité, une réelle écoute mutuelle basée sur l’improvisation, et cette fameuse notion d’aléatoire donc.
Et de fait le concert commence plutôt bien, ça roule comme sur une longue autoroute californienne.
Les premiers morceaux me touchent et j’ai la sensation de m’embarquer à bord d’une chouette décapotable, batterie régulière et ma foi terriblement entraînante. Les mélodies aux synthés caressent les oreilles, remontent le cérumen sans abrasion. Will we drive this road until death pour autant ? Malheureusement non. Les gimmicks s’enchaînent, s’enchaînent … et se ressemblent. Nos deux musiciens font preuve de détermination mais pas de courage. Ne poussent pas leur recherche musicale très loin, ni leur implication très haut (malgré une courte prestation pseudo énervée de Neman qui a failli faire tomber son micro, le bougre). Je fais preuve de ténacité, je reste et j’attends. Mais tels des membres pourris, de gros bouts d’attention tombent peu à peu à mes pieds, seul l’ennui reste, festonné de chair noire. Un dernier incident m’achève, la dernière once de bonne volonté tombe à mes pieds : la photographe (pourtant très belle) qui m’accompagne se fait refouler après trois clichés. A la demande du groupe, pas de flash, malgré la lumière épileptique mise en place et qui nous fait chier grave le sens visuel. Las, je laisse tomber, le spectacle restera kawaii et policé mais ne m’a fait franchement pas frémir.
Etienne Jaumet, qui déclarait encore qu’ « il joue sans réfléchir à ce qu’il fait » (technique périlleuse, ça marche … mais pas tous les soirs) me fait songer aux soldats de la Première, « blêmes et barbouillés d’argile », toute volonté et toute individualité annihilée, tributaire des armes comme nous le serons plus tard de la technique en général (analogique ou numérique) : « nous nous engouffrâmes enfin dans l’un des boyaux qui, comme des serpents blancs, à travers la nuit, rejoignaient en méandres la position de combat » (1). Sauf que, de combat, ce soir-là, point. Bon moment mais souvenir périssable et qui a effectivement périt depuis.
www.myspace.com/therealzombiezombie
Photos: Gaelle Riou-Kerangal
(1) Ernst Junger, Orages d’acier, La Pléiade, Paris, 2008.