Au printemps dernier, une publicité télévisée pleine de bons sentiments et de « vérités » a squatté les écrans. Celle de Veolia, anciennement Compagnie générale des eaux puis Vivendi. Celle qui assène qu’il est banal de boire un verre d’eau du robinet, de prendre une douche, de n’avoir ni trop chaud, ni trop froid… j’en passe et des meilleurs.
Aujourd’hui plus d’1,5 milliard de personnes vivent sans eau potable (alors pour le verre d’eau et la douche, ils repasseront). Vingt personnes meurent par minute de maladies dues aux conditions d’hygiène. Dans le village que les politiques se plaisent à appeler « mondialisé », un groupe comme Veolia peut se contenter de communiquer sur la vérité d’une situation pour une minorité en omettant la catastrophique réalité de milliards d’autres.
L’enjeu de l’eau sera indéniablement celui du XXIe siècle. Outre les problèmes d’approvisionnement et de traitement (soyons cynique ces problèmes ne sont pas les nôtres), la pénurie (alimentée par le réchauffement climatique) commence déjà à toucher les pays qui se pensaient à l’abri. Ainsi l’Europe du Sud (Espagne, Italie, France, Grèce…) mais aussi des pays plus à l’est (Ukraine, Roumanie, Hongrie, Croatie…) ont vu leurs précipitations s’effondrer durant les 40 dernières années, la salinisation des nappes phréatiques (pollution) ainsi qu’un pompage abusif (agriculture intensive) ont fait le reste. Alors que l’on devrait entrer dans une ère d’économie hydrique, l’un des premiers groupes mondiaux ne trouve pas mieux que de communiquer sur l’accessibilité (et non la difficulté d’approvisionnement), l’abondance (et non la rareté) et la consommation (et non le rationnement).
Mais loin de n’envisager « l’or bleu », comme certains la nomme déjà, que comme un bien de consommation banal (alors que depuis 2002 l’ONU considère l’accès à l’eau comme un droit fondamental de la personne), Veolia fait encore parler d’elle pour un autre de ces secteurs d’activité : les transports.
Veolia Transport, filiale de Veolia Environnement, accélère son développement international depuis les années 2000. En charge de réseaux ferroviaires (Allemagne, Suède, Etats-Unis…), métro (Séoul, Bombay, Stockholm…) et tramways (Bordeaux, Hong-Kong, Nice, Dublin, Nouvelle-Orléans…), Veolia, déjà très présente en Israël (transport, traitement des eaux) a remporté le contrat d’exploitation d’un tramway avec Alsthom (qui, gère la partie conception). Problème, la ligne raccorde Jérusalem ouest à des territoires en Cisjordanie. L’état hébreu peut-il décider d’infrastructures à construire sur un territoire qui ne lui appartient pas ? Comment un groupe français peut-il sciemment s’inclure dans un projet éthiquement et légalement controversé ?
Devant la levée de boucliers internationaux et la mise en place d’un boycott, timidement relayé par les médias français (sans doute le patriotisme économique cher à notre président), Veolia a perdu gros. Sept milliards de dollars de contrats envolés rien qu’en Europe. La Suède, l’Irlande mais aussi Bordeaux ont ainsi annulé des commandes pour faire pression sur le géant de l’environnement. Assignée en justice devant le tribunal de Grande Instance de Nanterre, pour un contrat jugé illégal en vertu de la convention de Genève, la compagnie française est dans la tourmente. Elle serait actuellement sur le point de se désengager de ce fameux tramway en revendant ses actions.
Multinationale dans l’environnement, sans conscience affichée des urgences écologiques futures. Multinationale dans le transport, sans vigilance politique dans ses choix de partenariat. Veolia semble obsédée par son développement, son chiffre d’affaire et ses actionnaires. Quoi de plus logique, me direz-vous, pour un groupe qui a peur du robinet à sec.
« Le monde prend de la valeur » nous disait le slogan de feu Vivendi. Visiblement, Veolia n’a pas manqué la bonne affaire de cette augmentation. On peut cependant se demander au détriment de qui. A force de se faire inonder par le bon sentiment, on en viendrait presque à croire que l’écologie nouveau siècle c’est une tempête dans un verre vide.