Enregistré au cours d’une éphémère carrière au début des années 90, l’unique album de Miss Marvel (futur Ulan Bator) vient tout juste de finalement voir le jour chez Jelodanti Records. Imaginez une armoire à vaisselle en chute libre depuis le trentième étage : en termes de lourdeur, c’est à peu près sur ce spectre que se situe le disque.

Au début des années 90, quand le post-punk parisien était une notion qui avait encore lieu d’être (c’est-à-dire un peu plus que la version noir et blanc de la terrifiante « pop acidulée »), la scène alternative de la capitale fourmillait de jeunes formations plus ou moins comprises sous ce grand étendard. Le terme est déjà vaste et représente surtout une mutation d’un grand nombre de genres musicaux, eux-mêmes tiraillés entre une multiplication de références et un désir de s’en émanciper. Sous un même étrange blason, le curieux peut donc aussi bien retrouver noise, musique bruitiste ou expérimentale, indus, no-wave, (post-)punk, voire même un peu de rock, tout simplement. Au cœur d’une scène dont toute la force résidait dans ses marges, Miss Marvel est l’un de ces obscurs projets.

De la courte année d’existence du groupe, en activité de 1992 à 1993, il ne reste que peu de traces. Seulement le souvenir de concerts « très puissants » et de scènes partagées avec Sister Iodine ou Deity Guns (futurs Bästard et ZËRO). Leur disque, auto-produit quelque part au milieu de cette année de bruit et de fureur et enfin pressé en vinyle par le label parisien Jelodanti Records, existe maintenant en 250 exemplaires (de quoi ravir les ogres de la spéculation) et témoigne, effectivement, de cette puissance. Entre punk sismique et énergie black metal, la moiteur des caves étouffantes est aussi palpable que la rage des membres de ce trio. À l’issue de cette aventure, Amaury Cambuzat et Olivier Manchion fonderont l’illustre Ulan Bator. Franq de Quengo lancera Dragibus et (entre autres) L’Autopsie A Révélé Que La Mort Etait Due à l’Autopsie (oui, c’est le nom du groupe), avant de devenir programmateur du festival Sonic Protest.

Bref, Miss Marvel est à cette micro-frange de la scène alternative française ce qu’Eraserhead est à la carrière de David Lynch : un objet brut, violent et surtout, pour les curieux, le sésame qui permettrait de (presque) tout assembler.

Miss Marvel // Miss Marvel // Paru le 15 juillet
https://jelodanti-records.bandcamp.com/album/miss-marvel

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