Y’a-t-il une vie après la quarantaine, le succès et la vie en major ? Et après l’autotune et les albums subventionnés, on fait quoi ? On fait « DRAME 2 », nouvel épisode instrumental emmené par Rubin Steiner, avec des photos presse tellement faites à l'arrache et un nom d’album si banal qu’il devait bien se tramer quelque chose d’un peu plus étrange chez ces cinglés qui refusent de raccrocher les gants.

Nous vivons la fin d’un cycle musical. C’est une question générationnelle, et l’histoire se répète ainsi depuis les années 60, décennie par décennie. Des musiciens apparaissent, des courants naissent puis, l’âge aidant, la majorité des mêmes musiciens s’éteignent, se répètent, tournent en boucle pour une foule de moins en moins épaisse. Vient alors le moment où, comme dans une fête d’anniversaire qui aurait trop duré, chacun cherche discrètement à s’éclipser. Pas Rubin Steiner.

Dans la dernière ligne droite des années 2010, et alors qu’il est déjà un vétéran dont la carrière a débuté à la fin du vingtième siècle, lui continue d’appuyer à fond. Si la fête est finie, pour paraphraser le poète Orelsan, lui décide d’allumer la lumière plein pot (je vous rappelle qu’il est quatre heures du mat’ et que tout le monde veut aller se coucher) pour vous matraquer avec une musique de club un peu tordue, et dont les pères spirituelles se nommeraient aussi bien Terry Riley en version dancehall que Zombie Zombie à la sauce clubbing ou Beak en version mongoloïde (et si vous ne connaissez aucun de ces groupes, c’est que vous auriez du partir vous coucher à minuit.)

En 20 ans, cet homme qui est passé du « James Murphy français » au « Geoff Barrow Français » a presque tout vu. Suffisamment pour se dire qu’il allait encore peu tirer sur la corde et publier, avec ses copains, une suite à la première blague intelligente que fut « DRAME », disque sorti voilà 3 ans. Le temps est tout relatif, c’est Einstein qui nous l’a appris. John Cage aussi. Avec ce nouveau disque d’improvisation sans leader, DRAME est une petite espérance. Petite, parce qu’elle ne bouleversera pas des millions de vies. Espérance, car même si l’acte est isolé et que l’album dont il est ici question a couté 0 euro (pas une fierté), il permet au moins de relativiser les échecs de tous ceux qui ont arrêté trop tôt, qui se sont compromis dans des projets parallèles à la con et sans avenir, qui sont tombés dans la drogue ou qui, pour X raisons, ont perdu de vue ce qui les animait au tout début, le jour où ils avaient décidé que rouler dans un van pourri pendant 20 ans vaudrait mieux que de choper une vie normale, comme on choperait une maladie.

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C’est cette constance quasi métronomique dans l’effort qu’on retrouve dans « DRAME 2 ». On y entend parfois des hommages inconscients (l’intro de basse du Baby’s on fire de Brian Eno sur Poésie parfaite), parfois on rit (qui pourrait nommer la piste de son disque d’ouverture Patinoire mondiale de l’UNESCO ? QUI ?), et par moment on arrête de réfléchir parce qu’on a tout simplement envie de danser dans son salon (C’est toi le chat en do).

Quand viendra le moment de faire le bilan de l’époque, on pensera donc très fort à Rubin Steiner. Et comme cette époque, du moins pour lui, n’est pas encore terminée, c’est le moment de reprendre une page blanche pour comprendre, avec le principal intéressé, pourquoi DRAME est et reste une anomalie dans la marge. Allo, Rubin ?

Comment ça va ça va ?

Bien bien.

Bon j’ai l’impression que ce disque, il sort un peu de nulle part.

Oui et non. Nos disques continuent de sortir chez Platinum, mais on fait toujours les trucs dans notre coin. Comme tout le monde quoi.

Du moins on a l’impression que vous vous êtes affranchi de tous les codes, que vous en avez plus rien à foutre.

On n’a plus 20 ans ; on a vécu en temps réel l’apparition de la professionnalisation de la musique, des dispositifs d’accompagnement, tous ces trucs là ; c’est pas du tout notre histoire, notre logique est plutôt DYI. Même si aujourd’hui le DIY c’est devenu ce truc pittoresque typique de Youtube. Disons qu’on n’attend pas que quelqu’un s’occupe de nous.

« On a enregistré l’album dans le salon de mes parents. »

Tout cela alors que le DIY est presque devenu un acte marketing. Plus personne n’ose dire aujourd’hui qu’il ne fait pas du Do It Yourself. Pourtant pour toi, cela a encore un sens.

On ne le revendique pas, faute de mieux. Mais si quelqu’un voulait nous donner 10 000 € pour qu’on file en studio pendant une semaine, on ne dirait pas non, aha ! Disposer de gros moyens, pour moi, c’est presque un rêve. Surtout que dans le cas de DRAME, on pousse le DIY à l’extrême. Pour le nouvel album par exemple, on a tout enregistré dans le salon de mes parents… Je devrais pas tuer le mythe…

Pourquoi chez eux ?

Parce que c’était le seul endroit disponible pour l’enregistrer ! Le premier disque on l’avait fait chez des copains qui disposaient d’un lieu de résidence de danse, du côté d’Amboise, mais cette fois on n’avait pas les moyens de le louer. « DRAME 2 », il a littéralement couté 0 €. Même les clips on les fait nous même.

C’est la première fois que j’entends qu’un groupe parvient à produire son disque pour 0€.

Tous mes albums, y compris ceux de DRAME, n’ont quasiment rien couté. Mais ce n’est pas une philosophie de vie, je précise. Ca oblige simplement à se creuser la tête pour faire en sorte que ça marche. Rien que le mix de l’album m’a pris deux mois.

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Ce qui tombe bien, puisqu’il sonne bien. Quid du premier album : il avait bien « marché »  au final ?

Oui oui. D’autant plus qu’on n’en attendait rien. Au départ il ne devait même pas sortir. Et puis contrairement à ce qu’on pouvait entendre, le disque a semblé satisfaire tout le monde en live, on a fait une quarantaine de dates, et ça a plu à tous les mondes, les enfants comme les tontons. DRAME ce n’est absolument pas « une musique difficile ».

Qui disait cela ?

Certains programmateurs qui ne savaient pas où le foutre et qui pensait que ça ne plairait qu’aux « connaisseurs ». Moralité on avait pressé 500 vinyles, tout est parti. Et puis DRAME aujourd’hui, c’est un vrai groupe. Et je n’en suis que le porte parole.

« Mon combat historique il est contre ce système français qui veut institutionnaliser la culture et aider l’underground à devenir mainstream »

C’est intéressant que tu évoques ce point, car j’ai l’impression que dès qu’un incompétent souhaite qualifier une musique à laquelle il ne comprend rien, c’est l’expression « c’est trop musique de niche » qui ressort. Pour toi qui a été programmateur (au Temps Machine, à Tours), es-tu en colère contre ce reflexe quasi pavlovien que peuvent avoir les « décideurs » pas très éclairés ?

Non, car il faut savoir rester à sa place : on ne vise ni les rotations sur France Inter, ni les Victoires de la musique. On sait bien que ce n’est pas là qu’on s’éclaterait. Je crois que je vais m’arrêter là, j’ai pas envie de dire de saloperies aha ! Faut juste se détendre avec le mainstream ; moi mon combat historique il est contre ce système français visant à institutionnaliser la culture et à « aider l’underground à devenir mainstream ». Dans les autres pays, les deux cohabitent et ça ne pose de problème à personne. En France à l’inverse, on tente de rassembler les deux et cela donne naissance à des intégrismes. Pourtant il y a de la place pour tout le monde. « Juliette Armanet c’est vachement bien, c’est presque de l’indé, etc » : NON. Commençons par plaire aux gens qu’on connaît, et si après ça plait à Marie Claire, tant mieux. Sinon…

Tu peux m’expliquer ce tracklisting sidéral et la méthode de délibération pour le nom des morceaux (C’est toi le chat en do, Défonce humanitaire, etc) ? C’est du cut-up à la Bowie ?

Euh… Quand on enregistre, les bons mots fusent en permanence. Avec la fatigue parfois, les noms fusent et coup de bol, ça colle très souvent au morceau qu’on est en train de jouer. Donc les sens sont à chaque fois multiples.

Par exemple, sur Dérapage américain, y’a-t-il un sens caché ?

Pas si caché que ça en l’occurrence ! Par contre C’est toi le chat en do, c’est venu du jeu entre les deux synthés, et puis c’est aussi un petit clin d’œil à Terry Riley (pour In C, morceau écrit en Do, Ndr), en version cour de récréation.

Etonnamment, le premier morceau Patinoire mondiale de l’UNESCO sonne vraiment comme l’hymne parfait pour ce qui pourrait être la patinoire mondiale de l’UNESCO.

Figure toi que c’est exactement ce qu’on s’est dit. On est bien d’accord. C’était évidemment pas l’objectif initial, mais je crois qu’au final c’est le meilleur morceau.

En tout cas contrairement au premier album, celui là est plus électrique ; on ne pourra plus vous cantonner au Krautrock.

Probablement. D’autant plus qu’on nous compare souvent à Zombie Zombie, mais je n’ai pas l’impression qu’on fasse exactement la même musique. On n’est pas trop dans un truc cinématographique non plus. En fait je ne sais pas trop à quelle esthétique on se raccroche.

CMJN de base

Bon, c’est quoi cette pochette au fait ?

C’est une image qui représente, pour nous, parfaitement cet album. Un truc de boite de nuit miteuse où tu sens que ça danse sans les strass et les paillettes.

Drame // Drame 2 // Platinum
https://platinumrecords.bandcamp.com/

En concert au FGO Barbara (Paris) le 29 mars et le 27 avril au Lieu Unique (Nantes, Gonzaï Night)

29 commentaires

  1. Super album, du début à la fin.
    Bon, les photos genre « on prend les plus ratées, un peu floues si possible, pour montrer qu’on est genre grave cools à l’arrache tu vois et qu’on s’en fout »… à 40 ans passés, mouais, c’est moyen crédible comme plan marketing les filles…

  2. j’attens l’avis de nesta15 le pere_tubé! mais la quand même, @ 4Oans, faut rentrer @ l’infirmerie & y rester—————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————

      1. allo que dites vous qui êtes vous! je ne veux pas être acuuser de quoi queue ce soite, levez les mains! passez au tableau! restez/nesta TRANKILL! puceau ? on vous envoi une silly-conne.

  3. je m’abstiens de tout commentaire sur la musique de rubin steiner car cela serais lui faire que trop d’honneur , »tu as le look coco « je dirais juste qu’au vu des photos de lui ou du groupe,ils ont tous des look de putain de fucking hipsters ,

  4. Beaucoup de posture, beaucoup de plagiat, beaucoup de melon, la meuf au synthé qui ne sert à rien, c’est poussif c’est pas ouf c’est chiant, c’est pas attachant, ils ne sont pas attachants…

    1. les meufs mignonne qui joue du synthé ,deux accords maximum et avec deux doigts en plus ,c’est le mal endémique de la chansonnette frenchy des années 2000 et 2010 .

    1. Jacques Samouraille, vous devriez essayer l’huile de Tea Tree, Marin Marais ou le sexe transcendantal.
      Cela vous éviterait grossièretés et familiarités.
      N’oubliez pas qu’on n’a pas gardé les communistes ensemble.
      Salutations distinguées.

  5. ce groop, c comme chez ‘l’intelectuel benet’ du midi festival f landini, get back guinozzi, ranze riviera, ils/elle se prennent pour indirock (the clsh!ah ah ah! animal c!) bordel t’a vu sa calvicie sous sa casquette estampilliée! ils/elle font quoique maintenant, du surf au marché de tomates! crack boum zut!

      1. j’ai demandé le 818, on m’appporte le 008, mais qu’importe, ‘ELLE’ joue au rude-bi, ou enfile les boxing gaines? cela change TOUT!

  6. les commentaires ci-dessous me donnent envie de me petit-suicider (Rubin = le compte FB le plus meilleur du monde)

  7. Ceux qui savent qui est sympa et attachant, qui savent parfaitement ce que tout le monde devrait écouter, ceux qui savent quel pantalons il faut porter pour être ou pas un hipster, ceux qui savent qu’ils ne sont vraiment pas des hipsters, ceux qui prennent très au sérieux leur avis si éclairé sur un disque tiré à 500 exemplaires, ceux qui savent qui méritent ou pas de gagner à peine sa vie en faisant de la musique, ceux qui savent ce que les filles devraient faire dans la musique, ceux qui se permettent de les trouver moche sans nous montrer leurs propres faces de rats, ceux qui commentent juste en racontant des trucs que personne ne comprend, Alexandre Persévérance et clones. Vous êtes… vous êtes…
    Vous êtes des nuls.

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