Maintenant que l’époque est à la société de services et que le tertiaire a supplanté toute idée d’un monde où les plombiers seraient aussi bien payés que les graphistes freelance matant des documentaires sur la Corée du Nord financés par des marques de sneakers sur Vice Tv, on se dit que le nouvel album des Growlers est un album de son temps.

a3980528907_10Dit autrement, et plus crument : un disque de branleurs qui n’ont pas plus à dire sur le monde qui les entoure que sur le bout de gras qui délimite leurs nombrils. C’est un constat comme un autre qui n’amène pas d’autres conclusions, mais « Chinese foutain » s’avère aussi inconséquent que leur dernier EP « Not. Psych! » était distrayant. Alors, quoi de neuf, depuis un an, pour que le groupe californien soit passé dans le camp ennemi ? A l’échelle du monde, pas grand chose. Il fait toujours aussi chaud sur Venice Beach, Obama est toujours aussi noir et le rock garage sert toujours cette même bande-son d’un film publicitaire où les kids sont blancs, rebelles et affublés d’un skate-board qui leur permet de fuir à toute vitesse la prise de responsabilité ; à priori rien de révoltant sauf que depuis que Thee Oh Thees – ou plutôt devrait-on dire John Dwyer et les deux nouvelles momies permanentées qui l’accompagnent – remplit les festivals avec une recette que même Ducasse n’aurait pas eu l’audace de resservir identique matin, midi et soir à tous ses clients à travers le monde, on sent comme un malaise dans ce sous-genre qu’est le garage-pop ; à écouter « Chinese fountain » il suffirait donc de capter une voix trainante de type cool étirant les voyelles à la fin de chaque couplet et de foutre un coup de guitare aigrelette pour obtenir une chanson. Est-ce donc ça, le monde qu’on souhaite laisser aux enfants qu’on n’aura pas ? Des disques de vide intersidéral où il n’est question de rien, où l’idée même d’un refrain sonne une hérésie et où le groupe, à peine plus captivé par l’idée d’une production ambitieuse que par un boulot stable, empile des clichés sur l’american way of life au kilomètre ?

Le disque des Growlers parle de tout ça : du vide qui nous entoure et qui fait dire à certains que le rock est mort. Si l’assertion est évidemment fausse, on peut tout de même émettre des doutes sur la sincérité de ce groupe qui se traine en concert comme une armée de lémuriens sous sédatifs et qui, sur ce disque, pédale dans la semoule marocaine à tel point que Brooks Nielsen et ses copains livrent par instant l’idée même qu’on se fait d’un groupe balloche débarqué à Hawaï pour vous casser les burnes pendant votre repas d’anniversaire. Arrivé à la fin d’un disque interminable se clôturant par un titre qui porte bien son nom (Purgatory Drive), on a soudainement l’impression d’avoir joué au Monopoly en accéléré avec des types qui finiront certainement patrons de bar dans la périphérie de Los Angeles : retour à la case départ sans même passer par la case prison. Les Growlers doivent, dans le meilleur des cas, avoir un casier pour vol de stylos Bic au Monoprix, ou pire même, fumer des cigarettes au menthol en écoutant Barbra Streisand.

Qu’on en finisse avec ce garage américain à peine bon à illustrer le désert intellectuel des boutiques American Apparel, et que tous ces justiciers d’un monde meilleur commencent par trouver un job pénible où l’on se salit les mains pour 7 $ de l’heure. Le monde n’est pas tel qu’on le raconte sur les pochettes de disque, mais après tout, on a les groupes qu’on mérite.

The Growlers // Chinese Fountain // Everloving Records (Differ-Ant)
http://www.thegrowlers.com/

10 commentaires

  1. quelle célérité pour dégommer ce disque. En train de l’infuser pour voir si une sorte de magie va opérer après la 15ème écoutes mais rien…..horriblement déçu…..par le disque.

  2. L’ère commerciale qui te vend des artistes, dont la notoriété dépasse rarement les 3 mois, pour tes soirée joystick avec Popol…
    D’autres, plus notables, qui visent les têtes de gondole, et envahissent tes festoches, pour te vendre leurs tee-shirts…
    Et ceux qui préfèrent se laisser pousser la chemise à carreaux, parce que c’est raccord avec la moustache à Dali…

    Une Chinese Foutain qui fait office de pluie dorée sur ta face.

    Une tournante pour tes oreilles.
    Le monde est bien fait!

  3. Je comprends que tu puisses dire du bien du précédent album et démonter celui-ci en flèche simplement parce que tu es deçu qu’il ne t’aies pas surpris (contrairement au 1er). C’est la seule raison que je vois. Mais on ne peut pas reprocher aux Growlers d’avoir trouvé leur style et ce, dès le premier album. Quant à la scène garage, il y a vraiment de l’os à ronger de manière générale. On ne peut pas comparer les Urges à Ty Segall ou encore Tame Impala (qui viennent de la scène garage) aux Sick Hyenas mais y’a de quoi se régaler pour un amateur, crois-moi. Et la musique a-t-elle encore besoin d’avoir un message de nos jours, franchement? Je ne crois pas.

  4. c’est quand même un groupe perçu dès le départ comme « branleurs talentueux » et qui a (avait?) un son bien personnel et plutôt attachant, du moins reconnaissable (on ne pouvait par exemple pas les confondre avec les Black Lips, les Black Angels ou Ty Segal contrairement à la cohorte d’imitateurs de ces derniers qui semble n’en plus finir…). Comme pour beaucoup de groupes (tous?!), au bout de quelques albums, la formule s’essouflant, ils ne peuvent (ou ne savent) que choisir l’option top facile et méga feignasse de policer ce son ou de faire des albums solo déguisés du chanteur… ‘tain, je suis en train de l’écouter et au bout du 3e morceau (on oublie les 2 premiers qui sont des décalques assez ternes de leurs trucs précédents alors même qu’on les écoute), ils nous font ce truc funky mortellement BA-NAL, suivi d’un autre qui se traine comme une file d’attente un samedi au Carrouf puis d’un triste « reggae-blanc » de rigueur, et ensuite un machin vaguement nouillaveux genre Stranglers en fin de course… ça s’arrange un peu sur les suivantes (disons que le charme opère par intermittence fugace, sans révolutionner quoique ce soit et bien que Brooks ait l’air d’avoir 102 ans sur certaines) mais on est déjà retourné sous la couette se peser les valoches sans passer par la case lavabo et à ce stade, n’importe quel disque des Tindersticks fout plus la trique…. Peut-être que certaines chansons auraient pu surnager si la rythmique (commerciale ET plattissime) et les arrangements (idem) n’était aussi convenus… Sûr que se taper ce genre d’album joué en concert dans des salles à 6 euros le verre de pisse chaude, ça motive moyennement… ou « comment vieillir comme les Broming Stones mais en accéléré ».
    (Snif!.. moi qui aimait bien télécharger leurs albums illégalement…).

  5. Parfait du début à la fin. L’inverse d’un disque des Growlers, en somme, ou d’un concert de ces types chiants à bailler. J’vais écrit du chanteur (en concert) qu’il est « clown pas drôle, vocaliste irritant et branleur suffisant. » Je confirme ici, et je sus heureux de lire un avis qui va dans mon sens !

  6. Alors là, je ne comprends plus. J’ai passé une grande partie de l’été à écouter ce disque qui vaut bien mieux que leur précédent EP (que j’avais pourtant apprécié). Ce nouveau Growlers, c’est un disque parfait pour ceux qui pleurent The Coral. PS : pour ton anniversaire, je comptais t’offrir un mini short en lamé de chez American Papareil. Je te prends quelle taille?

  7. Eh bien, quelle chronique sanglante pour ces néo-post-hippies de Growlers. Heureusement que je n’ai pas encore vu d’article sur les Allah-Las.

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