La vieillesse est un naufrage dit-on. Et c’est déjà l’heure pour les ex-fringants groupes de garage sortis au début de la décennie. Avec « Natural Affair », un dernier album désespérant, les Growlers arrivent au bout du déclin entamé depuis déjà pas mal de temps.
Ce devait être au printemps 2014. Pas forcément il y a une éternité. A l’occasion de feu l’excellent festival B-Side, The Growlers se produisaient dans – feu aussi depuis quelques mois malheureusement – la miteuse et mythique petite salle de la Machine à Coudre à Marseille. Avec Oh Tiger Mountain qui partageait l’affiche, les Américains étaient encore un groupe indie en devenir. Avant de se produire sur la minuscule scène, le chanteur Brooks Nielsen, jambe plâtrée et juché sur fauteuil roulant, assistait même à un épisode tout marseillais quand des types déclenchaient une bagarre jusqu’à péter une vitrine rue d’Aubagne. Mi-hilare, mi-médusé, le Californien et ses collègues enchaînaient avec un show enthousiasmant de branleurs doués autour de leur dernier et impeccable EP « Not. Psych! ».
Cet épisode anecdotique qu’ils ont probablement oublié aujourd’hui précédait d’assez peu l’envol du groupe avec son quatrième album « Chinese Fountain ». Jusque-là, ils avaient développé depuis quelques années un son bien à eux auxquels ils avaient même attribué un nom : le beach goth (qui donnera le nom à leur propre festival).
Soit une pop mêlant garage, surf et un brin de reggae avec les intonations hispanisantes rappelant le jeu de guitare de Joey Santiago des Pixies. Allié au chant traînant de glandeur de Nielsen, les types et leur musique étaient cool avec quelques hymnes au compteur (One Million Lovers, Tell It What It Is, Sea Lion Goth Blues, Empty Bones). Les skaters ont même eu le bon goût de jeter la production de leur deuxième album par le lénifiant Dan Auerbach (Black Keys) pour le réenregistrer avec leurs propres moyens. Largement suffisant pour en faire des membres crédibles de l’énorme revival garage du début des années 2010.
Retour à l’été 2014. Les gars en avaient donc peut-être marre de jouer dans des bouges. L’album « Chinese Fountain » reprenait beaucoup des ingrédients précités mais la fête était déjà finie. Le son est beaucoup plus gros et clinquant et on commence déjà à sérieusement s’emmerder malgré quelques inspirations. Le succès est pourtant là et Nielsen pourra même réaliser son rêve de gosse en prenant Julian Casablancas des Strokes – dont il s’est tant inspiré – à la production du suivant (« City Club » 2016). Si l’enregistrement ne se passe pas au mieux avec l’intransigeant et talentueux New-Yorkais, l’album emprunte une voie « un peu new wave » pas forcément désagréable qui sauve deux, trois titres (Dope On The Rope, City Club).
S’il y avait du mieux, ça ronronnait quand même sévère et sonnait déjà comme le come-back dans les années 80 d’un vieux groupe de glam. Les chutes des sessions réunies sur « Casual Acquaintance » (2018) n’arrangeaient pas vraiment la donne malgré des bizarreries réussies comme le post-punk à la The Cure de Problems III. Ce n’est pas tant la volonté de faire évoluer leur musique qui leur est reproché mais plutôt l’ennui profond que suscite la litanie de titres un peu tous identiques et sans reliefs. Peut-être avaient-ils déjà tout dit dès 2013 ? Peut-être ont-ils été largement surestimés et n’auraient dû rester qu’une bande de slackers qui vivent en coloc’ dans un entrepôt d’Orange County ?
Epilogue. Si on devait juger le déclin de la musique des Growlers ce serait peut-être aussi à l’aune de la laideur de leurs pochettes. La dernière livraison « Natural Affair » fait fort en la matière. En faisant poser leurs gosses et leurs femmes maquillées en gothiques, les mecs à la trentaine bien entamée ont tout lâché. Dans une bouillie funky pleine de gras légèrement soft-rock remise notamment au goût du jour par leur voisin Drugdealer, le disque est affligeant de banalité. A l’image de l’horrible titre qui donne son nom à l’album et filerait presque envie d’aller s’emplâtrer en Mustang sur un cactus de la route 66. Ce n’est pas un plaisir de voir un groupe aimé partir en vrille, mais il est désormais temps pour eux de s’intéresser de plus près à leur taux de cholestérol.
The Growlers // Natural Affair // Beach Goth Records
8 commentaires
un e cagnotte ukuYéYé ou dans le cul le ukulélé pour Péte Doherty, quel commissariat ?
putain je me demande souvent en lisant les commentaires : existez-vous vraiment, amis commentateurs ? Quelle drogue prenez-vous ?
Pas mieux.
the drug of Innocence, I suppose ?
ugly & the bon tuy-os from the caveman
Et rien à propos du fait que le chanteur a été accusé à plusieurs reprises d’agressions sexuelles et d’une histoire de merde avec la chanteuse de Starceawler ?
Album qui mérite plusieurs écoutes. Au début, tout à l’air de s’y ressembler, puis ensuite, viennent les bons moments assez naturellement :
– le refrain de Pulp Of Youth
– le pont de Stupid Things
– l’intro de « Try Hard Fool »
En fait, je serais curieux d’écouter les chansons de cet album avec le son de Hung at Heart