Jeudi 19 mars, direction Oberkampf, l’UFO Bar, un bar comme les autres. Je prépare mes oreilles à un déferlement sonore et ô surprise, une meute de gars ultra lookés vient d’envahir la salle, volant la vedette aux artistes par leurs tenues excentriques (ou excentrées). Comment se concentrer sur la musique quand une session inattendue de la Fashion Week débute ? Décision vite prise. Ce soir, je me rince l’œil. En avant la musique, si j’ose dire !
Podium inédit, des escaliers en descente et en colimaçon, lumière tamisée, on se croirait dans une crypte lagerfieldienne. A noter en ce début 2009, le retour confirmé de la boots. Attention pas la botte, non, la pompe doit s’arrêter à la cheville (histoire de dévoiler à la dérobée un mollet malingre et poilu). Forme aérodynamique pour bien prendre les virages dans le métro, effilée, profilée pour la course sauf que courir avec des talonnettes (et oui faut bien du 2cm minimum) représente un risque physique (dérapage assuré). Si la boots doit être pointue et talonnée, elle se doit aussi d’être noire. Attention aux fautes de goût ! La boots vinyle, trop luisant, limite gay. La boots de couleur, trop hippie (le rock bordel!!!). Noir absolument!
Parce qu’on ne se refuse rien, je remonte le long des jambes masculines qui s’offrent à mon regard. Toutes, gainées d’un jean slim. Beaux cuissots s’abstenir. Le slim c’est le pantalon du famélique. Ca doit aplatir, aplanir, garroter. A peine la place de glisser un caleçon sous l’étui de tissu (à se demander si les rockers portent des strings). Le risque de cette mode à la croisée des genres sexuels, c’est de brancher ce qu’on croit être une fille (de dos, un mini cul sculpté dans un jean trop petit, ca appâte n’importe quel mâle en rut), grosse déconvenue en perspective !
Mais comme un malheur n’arrive jamais seul, la dernière touche virile sera la fourrure. De préférence longue, style redingote, façon puces. Un vieux ragondin hirsute de grand-mère plutôt qu’un vison lisse. A porter ouverte sur un tee-shirt, moulant ostensiblement les côtes apparentes (le rocker est définitivement maigre, abstinence oblige pour se payer les 33T collector de ses idoles).
Attention variante avec la veste militaire (possibilité de se rajouter des galons, des décorations, des chaines, voire un mix des trois), même si avec les grolles et le jean dans le milieu des Rambo, le rocker parisien ferait deux minutes avant d’être snipé (ou pire).
Derniers détails, pour les fashion addict seulement. Les lunettes de soleil, à porter uniquement dans les caves et les sous sols. Deux versions s’affrontent : l’Aviator Ray Ban (remise à la mode par Sarko 1er, pas vraiment une icône glam rock) ou la lunette fantaisie (toutes formes acceptées). J’allais oublier le sac à main (comme ça il n’y aura pas que les petites vieilles qui se feront tirer leur baise en ville dans la rue) mais les coupes de cheveux pour plus tard (une thèse sur le placement de la mèche pourrait s’envisager).
Verdict : Mélange dandy XIX, New-York 70, M’as-tu vu 80, la mode rock des années 00 est un cocktail improbable. Les mecs piquent les accessoires des filles, sont gaulés dans leurs jeans comme des midinettes, carottent les vieilles fourrures de mamie. Mode de l’indifférenciation sexuelle, version androgynie.
Les rockers calculent leur look comme d’autres le zéro infini. Dans la mode (comme ailleurs paraît-il) seul le détail compte.