Vous êtes tous persuadés que la musique en 2013 ne sera plus qu’une question d’ondes déflagratoires autoalimentées par un blind-test permanent pour des auditeurs sous perfusion de newsfeeds organisé par des robots-marketers délocalisés aux Philippines via les réseaux sociaux ? Vous vous dites que votre seule fantaisie en date est d’avoir dévoré une pizza au cheval en plantant le vinyle d’un groupe portant le nom d’une station de métro et incarnant « le renouveau » de la pop sur votre platine poussiéreuse avant d’entamer une danse avec votre chien en sirotant une pinte de Mister Cocktail rosé pamplemousse ? Vous vous sentez un peu seul parfois dans votre quête mystique de vérité aboutissant toujours à la même conclusion qu’il va falloir se lever très vite pour ne pas louper le prochain bus parce que France Info c’est sympa mais ça fait un peu mal à la tête quand même ?

Ne vous inquiétez pas, on a aussi une application pour ça : le webzine musical plein de mauvaise foi et d’approximation référentielle. Et cette semaine, Bibi a écouté pour vous quatre albums de groupes prometteurs, confirmés ou confinés et vous propose un choc de simplification salvateur pour occuper l’heure creuse qui sépare la lecture de vos 1450 mails quotidiens à la pause wraps/Oasis Tropical/Knacki Balls qui se fait désespérément attendre.

Le Perfect Revival : « Cabinet of Curiosities » de Jacco Gardner

Aucun autre musicien de 24 ans n’arrivera à restituer la grâce d’un Syd Barrett aussi bien que ce jeune hollandais qui affole la blogosphère depuis quelques mois (expression proscrite par la convention de Pyongyang sur laquelle nous faisons office de non-alignés par solidarité pour nos camarades ayant poursuivi leur brillante carrière dans des médias rémunérateurs) et s’est déjà produit dans de nombreuses salles de renom en Europe et aux Etats-Unis. La grâce de son chant, son côté touche-à-tout (mellotron, flûte, violon, guitare, basse, clavecin) et la production ultra laid-back de ses chansons convoquant le spectre des grands maudits des 60’s (Brian Jones, Arthur Lee) mettent sur la touche tous les représentants de la facilité pop synthétique du moment; et place déjà « Cabinet of Curiosities » sur le podium des albums de l’année 2013. Par son étonnante maturité, sa densité éblouissante, la finesse de ses arrangements et l’originalité de ses mélodies baroques rappelant le génie de Gainsbourg, cet album plonge dans une mélancolie douce et redonne foi en un âge d’or pas si lointain.

Jacco Gardner // Cabinet of Curiosity // Trouble Mind (sortie le 18 février)

Les pionniers de l’élégance pop : April March & Aquaserge

Quel plaisir de voir réunis à l’affiche ces deux icônes du revival pop 60’s / rock prog 70’s pour une aventure qui s’annonçait haute en couleur sur le papier avec John McEntire de Tortoise au mix, pour changer de notre mythique Burgalat. L’album démarre sur les chapeaux de roue avec Black Bars, une chanson très enjouée sur un rythme rock’n’roll traditionnel posant les bases d’un psychédélisme sortant du cadre des précédents « Triggers » ou « Chrominance Decoder » avec Burgalat. Un dynamisme réjouissant qui s’écrase hélas quelque peu dès la deuxième chanson rappelant le clacissisme de la production Tricatel, mais avec des mélodies dont on ne se lasse pas à moins d’avoir écouté les albums susmentionnés plus de 2500 fois, ce qui peut être le cas d’un fan moyen guettant cette sortie tel le bédouin corporate égaré de la pause déj en quête d’Oasis Tropical. L’album reprend du grade sur la chanson Sybarite avec ses chœurs, ses démodulations et ses breaks et débreaks bien sentis. On ne construit pas d’édifice imparfait sur d’excellentes bases. Les chansons calmes avec peu de rythme comme Red Life rappelant la grâce de Stereolab ou Sparklers s’intercalent au milieu de chansons plus vivifiantes comme Spirals ou Parce que pourquoi rappelant davantage l’atmosphère d’Aquaserge, plus sombre et saturée. Malgré quelques chansons moins réussies, notamment d’un point de vue mélodique comme Love is a Maze, Picture The Sun ou des Tics et des Tocs au gimmick un peu facile, l’album reste de bonne facture mais n’est pas la révélation à laquelle on pouvait s’attendre. L’équilibre entre la pop enjouée d’April March et la complexité d’Aquaserge est néanmoins bien maîtrisé et l’album sonne comme une jolie révélation à la portée des oreilles connaisseuses.

April March & Aquaserge // S/T // Freaksville (sortie le 13 mai)

Les stoners qui déraillent : The Black Angels avec « Indigo Meadow »

Le dernier LP des Black Angels n’est pas à la hauteur d’un « Phosphene Dreams » ou d’un « Passover », qui nous avaient fait découvrir cette voix à la fois rauque et aérienne, quasi-féminine d’Alex Mass planant sur un capharnaüm de guitares saturées sacrément heavy et redonnant ses lettres de noblesse au rock du désert. Ici l’oreille habituée se lasse du format, les mélodies s’enchaînent avec une certaine complaisance de style, le sextet texan semble se reposer sur des lauriers déjà bien tressés. On ne ressent pas la rage du début, le train a déjà sifflé trois fois, et à l’instar de la scène garage de San Francisco, la facilité guette et la créativité s’essouffle sur le ressac d’une certaine réussite qu’on peut associer à une nécessité dont on ne peut débattre que vainement dans notre beau pays : vivre de la musique. Le parcours est déjà remarquable et les quelques perles que sont Evil Things, Holland ou War on Holliday constituent un collier qui permet de ne pas jeter le bébé avec l’eau d’un bain déjà bien rempli.

Black Angels // Indigo Meadow // Essentials (sortie le 2 avril)

Génie castré? Non Canadien : The Besnard Lakes et « Until in Excess, Imperceptible UFO »

On commence par un titre insensé pour un album qui n’a probablement aucune direction. On suit ici le long déclin de ce groupe qui n’avait qu’à crever après la monumentale And You Lied to Me et rester à jamais le groupe mythique du cheval noir flamboyant. Cet album, en particulier la chanson And Her Eyes Were Painted Gold, est ce qui doit le plus ressembler à une fin de vie en mode Alzheimer dans une maison de repos au bord d’un lac nord américain, un pétards gros comme une orange à la bouche. Il y a aussi des tentatives de pop assez pathétiques, comme des vestiges d’un passé canadien glorieux à la Jagjaguwar ou à la Arts and Crafts, à travers des chansons comme People of the Sticks ou The Specter, des oraisons funèbres aux horizons funestes, la noirceur en moins, s’évaporant de chutes où se pratiquait jadis le paganisme de survie, à la Niagara. Ce disque, c’est ce qu’on pourrait associer à des sprints si la vitesse voulait dire le contraire de ce qu’elle est. On s’amuse comme à une réunion d’alcooliques anonymes ou le thème perpétuel serait l’influence de l’alcool sur l’utilisation abusive d’armes à feux, la NRA et le permis de port d’arme en moins, aussi. Comme à une chasse aux frontières dans un état autorisant toute immigration pour booster son PIB. C’est la Bretagne un soir d’hiver, avec les esprits malins incarnés dans des personnages sous Xanax pratiquant des activités parfaitement rationnelles. Mais c’est parfois beau un synthé qui vibre pendant une demi-heure. En tous cas c’est le dernier Besnard Lakes.

Besnard Lakes // Until in Excess, imperceptible UFO // Jagjaguwar

Alors faites les bons choix, n’écoutez surtout pas la voix qui est à l’intérieur de vous et qui vous sommes de mettre à mal le jugement de ce jeune sot qui vous dicte son avis comme si les fautes d’orthographe n’étaient pas la marque des grands. Ouvrez grand votre cœur et tentez de comprendre que ce Besnard Lakes, c’est peut-être le plus beau disque qui ait été pondu depuis des décennies. A bon entendeur, l’hallu.

9 commentaires

  1. Dans le registre pop psychédélique baroque, je préfère au Jacco l’album de son collègue de label (Trouble in Mind) Maston intitulé Shadows, un des meilleurs disques de ce début d’année !

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