Ouais c'est vrai, Kevin, ton album est sorti au mois de juillet et on est déjà en septembre. Mais j'en ai plein le cul de cette époque où les gens ne prennent même plus le temps de réfléchir avant de tapoter sur leur Macbook Air. D'ailleurs avec l'été, et en écoutant ta nouvelle œuvre nommée "Currents", j'en ai profité pour t'écrire une petite carte postale.

Cher Kévin,

Il y a 3 ans tu sortais « Lonerism« . Comme beaucoup, il me fit le même effet qu’un uppercut envoyé par Tyson. Près d’une heure de génie orchestral rare qui redonna un bon goût de rêve, de lenteur et de sensibilité à notre époque. Durant des semaines entières, je me repassais en boucle tes douceurs planantes, et développais une putain d’addiction à Endors Toi et Apocalypse Dreams. A la nuit tombée, je me foutais sur la terrasse, le volume à fond, et partais dans un état second en un claquement de doigts. Tout ça dans drogue, rien. Du bon boulot, Kévin : le psyché était de retour, sans usurpation du terme aucune. Et la tripotée de groupes qu’on connaît de te suivre dans ce road-trip halluciné : Foxygen, Kurt Vile, Jacco Gardner, j’en passe et des meilleurs. Les esprits chagrins habituels moquant le revivalisme et le cliché 60’s pouvaient piaffer, mes oreilles se régalaient du retour en vogue du seul genre musical qui me fera toujours bander: le psychédélisme. Mais ça, c’était avant.

Quand j’ai commencé à entendre parler de ton nouvel album, j’ai flippé. Comme d’hab’, quand on s’entiche d’un truc, musique, drogue ou sexe, on attend la prochaine fournée avec un mélange d’impatience et d’anxiété. La came allait-elle être aussi bonne ?

Un matin, l’instant tant redouté survient : le premier morceau-teaser de ton nouvel album est en ligne. Je lance la piste et tombe de ma chaise après à peine 1 minute : « Cause I am a Mannnnnnnnnnn ». Dans un état proche de l’apoplexie, je t’entends glapir avec un maniérisme pop que n’aurait pas renié tonton Michael. Le bad trip : t’est passé du spice cake à la tarte à la crème, merde alors. De la psych’ pop à la pop… pop. Et pas du rock psyché à la pop psychédélique, comme ont osé le noircir Les Inrocks. Ils disent ça pour te faire plaisir. Non, la vérité, c’est que tu n’as jamais fait de rock (laissez-moi rire), et que ce que tu nous sors maintenant est aussi proche du psyché que Nadine Morano de l’obtention du prix nobel de littérature. Pour la mise à jour de ma playlist rêveries solitaires, je repasserai. Tes tubes solaires (Merci les Inrocks) peuvent faire danser mes voisines de 16 ans pendant leurs soirées pyjama, si ça leur fait plaisir.

Alors je sais, je vais passer pour un emmerdeur. Ton album passe déjà en boucle dans les bars branchés de Paris et fait la une du Monde.fr, c’est dire la hype qui t’entoure.

Sauf que dans l’art comme dans la vie, on peut considérer deux types d’individus : ceux qui restent obsédés par les mêmes sentiments, les mêmes odeurs, les mêmes couleurs, les mêmes histoires, les mêmes copines, et ceux qui, un matin, se lèvent et changent brusquement leur fusil d’épaule. Comme si de rien n’était. Dans la première catégorie, on trouve les bluesman, les Stones, Ty Segall, Modigliani et mon père. Pour rien au monde ils ne changeront, ils sont comme ils sont, les pauvres. Dans l’autre, on trouve Eric Besson, Beth Ditto, The Black Keys, un ancien pote de lycée, Bob Dylan et donc toi, mon vieux. Tu le dis toi-même en plein milieu du disque sur la bien nommée Yes I’m Changin’. Pour vous, la tristement célèbre maxime Le changement, c’est maintenant fait office de ligne de conduite. Une posture qui ne me dérange pas forcément : je me pignole autant sur la période folk de Dylan que sur son virage électrique. Et, moi le premier, il m’arrive de mettre à jour ma garde robe. Mais là, ça a du mal à passer quand même. Du psyché à la pop en satin, qu’est-ce qui s’est passé Kévin ? Et je t’attaque à la loyale, sur la musique. Pas sur ton nouveau brushing grunge aperçu en couv’ des Inrocks, qui en a fait réagir certains. Si tu veux ressembler à Kurt, je m’en fous. Mais écraser tes vieux fans avec une machine de guerre pop, je ne peux pas l’accepter, tu comprends.

Alors si tu fais ça pour te payer une grosse baraque avec piscine sur les hauteurs de Perth où tu roucouleras avec Mark Ronson dans des liasses de dollars, sache que ça sera sans moi. Pendant ce temps, je vais continuer mes soirées avec l’ami Jacco, qui lui n’a pas (encore) abandonné le flambeau.. allez, je respire un grand coup car le terme est de plus en plus galvaudé : psychédélique.

Tame Impala // Currents // Modular
http://www.tameimpala.com/

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9 commentaires

  1. Un peu limité pour un article que tu as mis 2 mois à digérer. Tu as passé des mauvaises vacances ? Déja le morceau trailer est let it happen, ça t’aurais pas fait le même effet que cos i m a man (pourrave on est bien d’accord). Et puis, résumer ta chronique à ce seul morceau et l’autre sur le changement, c’est franchement petit, tant il y a d’autres bons morceaux psyché pop, comme tu dis .
    Alors, si tu veux faire dans la chronique trashos, vas chez vice mec, parce que là tu fais honte au journal

  2. pas mal cet article, y donne envie de découvrir l’opus
    bon, pour le style, faudrait un peu épurer tout ça, en s’oubliant (c’est difficile)
    quant au reste (les koms enterrent) accroche toi man, la caravane passe…

  3. Vu le titre et le début de l’article, je m’attendais à ce que l’album soit défendu. Clairement, le changement de style est difficile à digérer, mais si on arrive à faire abstraction du chef d’oeuvre qu’était Lonerism, on se rend compte qu’il y a toujours un bon lot de moments jouissifs, parce que psyché ou pas, Kevin Parker reste un mélodiste sacrément bon.

  4. Dans le second épisode de l’annonce de Lonerism, Kevin Parker raconte que sa nouvelle mission est de faire de la pop (https://www.youtube.com/watch?v=Lpa2IfHQJvk). Ce que les gens adorent dans Lonerism (sorti en 2012) a été écrit bien des années avant (Elephant en 2008 je crois). Je pense que comme tout le monde, en 7/8 ans de vie de jeune adulte, Kevin Parker a changé ses disques, ses envies et sa coupe de cheveux (??).

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