Lorsque l’on parle de glam rock, Sweet est rarement cité, passant largement derrière David Bowie et Marc Bolan. Au mieux, on évoque leurs singles les plus fameux du début des années 1970 : Hellraiser, Block Buster !, The Ballroom Blitz. Mais comme Slade, Sweet n’était pas composé de gentils garçons: c’était un gang de teignes habillées en paillettes pour des raisons purement commerciales. Ils vont rapidement s’affranchir de ces accoutrements pour porter fièrement un hard-rock hargneux aux mélodies redoutables et aux harmonies vocales de premier ordre.

21 décembre 1973, Rainbow Theatre. Sweet termine une tournée européenne à succès sur la scène du grand théâtre londonien. Le groupe joue fort, très fort. Il égrène ses tubes incontournables, ceux pour lesquels le public est principalement venu. C’est un passage obligé, mais il a réarrangé ces morceaux en les expédiant avec un maximum de puissance. Les hits alternent avec des titres originaux signés de leur main, particulièrement agressifs. Il semble que Sweet fait dans la surenchère de violence, mais elle est réelle. Fatigué d’être considéré comme un groupe pour gamines pubères, le quatuor veut s’affirmer et effrayer son public d’adolescentes. Le chanteur Brian Connolly les insulte entre deux morceaux, leur demandant de la fermer alors qu’elles hurlent, en transe. L’année suivante, ils vont sortir leur premier vrai album, après avoir enchaîné les simples à succès. Publier un album original est pour eux le symbole de leur affranchissement, celui d’être devenu un vrai groupe de rock.

Les bonbons doux

l’histoire remonte au milieu des années 1960. Le groupe de soul Wainwright’s Gentlemen tourne dans le pays depuis sa formation en 1962. les musiciens vont et viennent, et un petit succès s’établit lorsque une partie de leur prestation du 4 mai 1964 lors d’un concours de groupes est retransmis par la BBC. A la fin de l’année, de nouveaux changements s’opèrent : Ian Gillan, futur Deep Purple, et Ann Cully deviennent les chanteurs. Le batteur Mick Tucker est aussi recruté. Fin 1966, Gillan et Cully partent, et c’est un Ecossais nommé Brian Connolly qui prend la relève. Tucker et Connolly s’entendent bien, et décident de quitter les Wainwright’s Gentlemen en janvier 1968, lassés de végéter dans ce groupe sans avenir.

Il fondent leur propre formation, qu’ils appellent The Sweetshop avec tous les sous-entendus lubriques avec les bonbons possibles. Le bassiste et chanteur Steve Priest est recruté par petite annonce, tout comme le guitariste Frank Torpey. Leur premier concert se tient le 9 mars 1968 au Pavilion de Hemel Hampstead. The Sweetshop laboure le circuit des clubs et des pubs. Ils décrochent un contrat avec Fontana et enregistrent leur premier simple, Slow Motion, en juillet 1968 avec le producteur Phil Wainman. Entre-temps, The Sweetshop est raccourci en The Sweet : un autre groupe ayant déjà enregistré et portant le même nom existe déjà. Le disque est un four commercial, et Fontana ne les garde pas. Frank Torpey s’en va. Il est remplacé par Mick Stewart, sur les conseils de Wainman, qui a joué avec lui dans son Phil Wainman Set.

The Sweet signe avec EMI Parlophone, et sort deux simples d’un rock très bubblegum sucré du style de The Monkees et The Archies nommés Lollipop Man et All You’ll Ever Get Me. Les deux sont encore une fois des échecs commerciaux, et EMI rend leur contrat. Mick Stewart s’en va, et n’est pas remplacé pendant un certain temps. Le trio restant met alors le doigt dans un engrenage vicieux. Wainman leur suggère d’utiliser les talents de compositeurs extérieurs en capacité de leur écrire une chanson à succès. Il les fait signer chez RCA et leur présente deux jeunes gens : Nicky Chinn et Mike Chapman. La formule s’avère gagnante, puisque leur première chanson ensemble, Funny Funny, atteint la 13ème place des ventes de simples en Grande-Bretagne. Un musicien de studio a assuré les parties de guitare. Nous sommes en 1971, et Marc Bolan et son T-Rex viennent de déclencher la folie du glam rock avec les simples Ride A White Swan et Hot Love. The Sweet arrive au bon moment, et se voit rapidement affubler d’oripeaux glam rock : platform boots, costumes en satin criards, et maquillage ambigu. La formation étant sollicitée pour faire des télévision, un nouveau guitariste est nécessaire. Andy Scott prend la place après quelques auditions.

Stars du glam

Funny, Funny n’a pas seulement marché en Grande-Bretagne, mais aussi dans tout le Nord de l’Europe : Hollande, Suède, Norvège. The Sweet est devenu une star de la pop, ou du mouvement que l’on appelle glam, bientôt rejoints par Slade et David Bowie, entre autres. Les tubes ne vont alors faire que pleuvoir pendant deux ans : Co-Co, n°2 en Grande-Bretagne, Little Willy, n°4 en Grande-Bretagne et n°3 aux USA, le n° 1 Block Buster !, Wig-Wam Bam, Hell Raiser, The Ballroom Blitz, n°2 en Grande-Bretagne et disque d’or aux USA. Un premier album, collection de simples, nommé « Funny How Sweet Co-Co Can Be » sort en novembre 1971, mais se vend mal. Wainman considère donc qu’il faut se concentrer sur les simples à succès plutôt que sur le marché des albums.

Nous sommes en 1973, et la relation entre le producteur Phil Wainman et The Sweet est devenue extrêmement tendue. Le groupe a signé un contrat d’exclusivité avec son producteur et ses auteurs Chinn et Chapman, et le premier peut littéralement faire ce qu’il veut du groupe. Au point de carrément remplacer Tucker, Priest et Scott par des musiciens de studio, ne gardant que la voix de Connolly. Devant le mécontentement grandissant, Wainman concède à The Sweet une totale liberté sur les faces B. C’est alors le grand écart total entre les tubes glam, et les titres composés par The Sweet : Someone Else Will, Burning, Rock&Roll Disgrace, Need A Lot Of Loving sont autant d’uppercuts soniques inspirés notamment par les Who. Le quartette croise sonorité hard, rythmique en béton armée, et harmonies vocales beatlesiennes. Andy Scott se révèle un compositeur de riffs assassins, Mick Tucker un batteur volubile en roulements de caisses à la Keith Moon, et Brian Connolly un hurleur de premier choix avec son grain de voix râpeux.

Mais la concession des faces B ne suffit plus, et le groupe veut voir ses chansons en face A. Le refus est catégorique par le producteur comme chez RCA, ne voulant pas tuer la machine à tubes. La tournée américaine est aussi refusée, considérée comme inutile, privilégiant la promotion à la télévision et à la radio, ainsi que dans les magazines pour adolescentes, leur public. The Sweet est de plus en plus mal à l’aise avec tout ce bazar commercial, et les quatre ne peuvent contenir leur vraie personnalité.

Wainman concède de laisser partir en concerts The Sweet en Europe, histoire de leur permettre de se défouler. Les prestations en Ecosse en 1973 se terminent en bagarre générale, à cause du look androgyne des musiciens, mais aussi parce que The Sweet joue avant tout ses propres chansons, plus hard, et que les tubes attendus ne sont pas forcément au programme. La mésaventure inspirera la chanson The Ballroom Blitz. Wainman sait véritablement tout tourner à son avantage, même le côté mauvais garçon de ses poulains. De toute façon, même si les paillettes et le maquillage sont obligatoires pour réussir en 1972-1973 en Grande-Bretagne, les gaillards de The Sweet n’ont jamais paru très androgynes : leur allure de garçons bourrus, un peu rondouillards du fait de leur passion pour la bière, ne trompe personne, et ce n’est pas un peu de maquillage qui va faire d’eux des êtres étranges et ambigus à la Ziggy Stardust.

Le point de non retour entre The Sweet et son producteur est atteint lors de l’émission de Noël de Top Of The Pops sur la BBC. Le groupe doit y interpréter en playback Block Buster !, mais à la place du satin et du maquillage, le bassiste Steve Priest se présente déguisé en uniforme nazi avec un brassard à croix gammée et une petite moustache à la Hitler. La prestation fait scandale et Wainman comprend qu’il ne pourra pas tenir encore très longtemps ses quatre chiens fous.

Paillettes et hard-rock

The Sweet obtient de son producteur l’enregistrement d’un album original composé par les quatre musiciens, à l’exception de deux chansons signées Chinn et Chapman, mais adaptées à leur nouveau son. A cette occasion, The Sweet est rebaptisé simplement Sweet pour marquer le coup. Le groupe y imprime fortement sa personnalité dès le titre du disque : « Sweet Fanny Adams ». Si la référence de départ est l’histoire du meurtre d’une petite fille nommée Fanny Adams en 1867, le raccourci du nom de l’album et le titre, Sweet F.A., signifie « fuck all » en argot. Sweet ne joue plus de glam rock ou de bubblegum pop, mais bien un hard-rock teigneux, comme en atteste le redoutable morceau d’ouverture Set Me Free. Chinn et Chapman se sont appliqués et offrent deux beaux obus heavy à Sweet : No You Don’t et AC-DC. Le succès de l’album en Australie laisse entendre qu’un certain groupe local aurait bien trouvé son nom en écoutant ce disque, car le sous-entendu « à voile et à vapeur » est déjà bien connoté dans la chanson. Les guitares doublées en harmonie trouveront aussi de l’écho chez des formations débutantes comme Thin Lizzy et surtout Queen.

Sweet Fanny Adams: Multi-Artistes, Sweet, Multi-Artistes, Tucker, Steve Priest, Scott Addison, Nicky Chinn, Mike Chapman, Mick Tucker, Michael Tucker, Michael Chapman, J. Dee, Henry Glover, Connolly, Chapmann, Chapman, Brian Connolly, Andrew Scott,

Les sessions ne vont toutefois pas être de tout repos, Brian Connolly étant blessé à la gorge lors d’une rixe dans un pub de Staines High Street, dans la banlieue de Londres. Ses capacités vocales sont un temps très sérieusement diminuées, et Priest et Scott compenseront les difficultés de leur chanteur, pendant que celui-ci fait le nécessaire en consultant un spécialiste qui va sauver ses cordes vocales.

L’album est un succès, n°27 dans les classements britanniques et disque d’or, dans le Top 10 partout dans le Nord de l’Europe, et 33ème en Australie. Wainman laisse désormais ses précieux poulains s’émanciper, Sweet a gagné la bataille. Si ils apparaissent encore en tenue glam sur la pochette, comme un dernier clin d’oeil à leurs succès passés, les photos promotionnelles les présente en jeans, blouson de cuir, tee-shirts, et vestes à franges. Les quatre musiciens se sont aussi révélés musicalement parlant. Mick Tucker s’exprime à plein régime avec sa batterie, Andy Scott a pris en charge les guitares, les claviers et même le violoncelle, Steve Priest s’affirme au chant sur No You Don’t, et Brian Connolly montre également son habileté aux synthétiseurs, autre composante du son nouveau de Sweet, qui alimente aussi le puissant Burn On The Flame.

Le groupe n’a jamais caché son admiration pour les Who, toutes périodes confondues, les reprenant à de multiples reprises sur albums, en concerts, et lors de sessions à la BBC. Suprême hommage, le guitariste Pete Townshend les invite lors du show en forme de mini-festival au Charlton Athletic Football Ground le 18 mai 1974. L’affiche est alors uniquement composée de groupes anglais avec les Who, Bad Company, Humble Pie, Lindisfarne, et Dave Mason. Mais Sweet doit décliner du fait de la faiblesse des cordes vocales de Connolly. Ils seront remplacés par l’américain Lou Reed.

Sweet par lui-même

Débordant de créativité, et souhaitant asseoir définitivement sa nouvelle image, Sweet profite des rares concerts liés à la gorge de Connolly pour enregistrer un nouveau disque qui sort le 15 novembre 1974, six mois après « Sweet Fanny Adams ». Phil Wainman est écarté de la production, Sweet souhaitant un son live en studio.

Mike Chapman s’y colle avec Nicky Chinn. Ayant parfaitement compris le nouvel esprit du groupe, ils ont droit à deux nouvelles chansons sur les neuf du nouvel album : The Six Teens et Turn It Down. L’album, nommé « Desolation Boulevard », bénéficie d’une pochette par Hipgnosis. Sweet est désormais devenu une pointure du hard-rock britannique. Autre nouveauté : le disque est distribué aux Etats-Unis par Capitol. Et c’est une riche idée, car Sweet va y connaître le succès, alors que décroît sa réputation en Grande-Bretagne. En effet, le disque ne se classe pas dans son pays d’origine, mais connaît des fortunes très satisfaisantes ailleurs : n°25 des ventes d’albums aux USA et disque d’or, n°13 en Australie, Top 10 dans tout le nord de l’Europe. Sweet devient notamment une véritable idole en Suède.

Desolation Boulevard: Sweet, Brian Connolly, Mike Chapman, Mick Tucker, Steve Priest, Andrew Scott, Andy Scott, Steve Priest, Mick Tucker, Brian Connolly, Brian Connolly, Sweet, Mick Tucker, Mike Chapman, Steve Priest, Andy Scott,

Avec ce nouveau disque, Sweet impose de nouveau sa nouvelle sonorité, désormais parfaitement maîtrisée : un hard-rock basé sur des riffs en powerchords à la Who, mais ultra-compressés et agressifs, redoutablement heavy, une batterie puissante et virevoltante, une basse grondante, le chant lead de Connolly, rugissant, et les choeurs fabuleux en cathédrale, fruit de tous les musiciens, y compris Tucker qui tient les notes les plus aigues. Andy Scott est le principal fournisseur d’idées de riffs, mais les quatre musiciens signent les chansons à égalité afin de conserver le bon esprit dans le groupe, cette unité qui a fait qu’ils ont réussi à imposer leur musique. Le nouveau tube ne sera pas signé Chinn et Chapman, mais des quatre Sweet : Fox On The Run, n°2 en Grande-Bretagne et n°5 aux USA. La version de l’album est dépourvue de synthétiseurs, et gorgée d’électricité brutale. Même les Scorpions la reprendront en version allemande en 1975 sous le nom de Wenn Es Richtig Losgeht .

Pour l’album suivant, Chinn et Chapman sont remerciés. Sweet va composer et produire son nouvel album seul. « Give Us A Wink » sort le 16 février 1976. Sa pochette est truffée de sous-entendus sexuels avec le mot « wink » (clin d’oeil) à la manière des inscriptions crapoteuses dans les toilettes des bars. Les Sweet sont des noceurs. Ils aiment picoler et draguer les filles. Même si leur public s’est largement masculinisé, il conserve un pan féminin non négligeable qui apprécie leurs mélodies et leurs harmonies vocales. Cette fois, Sweet a enregistré en Allemagne, aux studios Musicland de Munich. Pour ce disque, c’est le dessinateur Joe Petagno qui l’a réalisé, comme celle de la compilation anglaise « Strung Up » en 1975 avec une partie du show du Rainbow de Londres le 21 décembre 1973. Petagno sera connu quelques années plus tard pour avoir créé le Snaggletooth, l’emblème de Motorhead.

POSTER VAN DE WEEK | Sweet band, Glam rock, 70s glam

« Give Us A Wink » est une nouveau chef d’oeuvre avec de nombreux titres forts : The Lies In Your Eyes, Cockroach, Keep It In, 4th Of July et ses improvisations jazz-rock au milieu, Action, White Mice… C’est bien simple, Sweet fait partie des groupes de hard-rock les plus brutaux de l’époque, loin devant Aerosmith, Blue Oyster Cult, Deep Purple et même Led Zeppelin. Seul les Black Sabbath restent devant eux sur le trône. L’album va avoir une influence considérable sur la future scène heavy-metal britannique et américaine. Action sera reprise par Raven, Def Leppard, Black’N’Blue et Steve Stevens, entre autres. Sweet tourne également beaucoup par le monde, alignant des tournées de cinquante dates aux Etats-Unis. Car sa réputation studio est le fruit de la maîtrise d’un son live. Mais certains concerts américains devront toutefois être annulés, faute de public suffisant, Sweet étant toujours écartelé entre sa réputation de groupe à simples à succès et celle de scène. Le quatuor offre pourtant des prestations scéniques redoutables, maîtrisant sans soucis ses harmonies vocales et ses arrangements de synthétiseurs. Le disque est encore boudé par les anglais, mais se classe n°27 aux USA, n°3 en Suède et n°17 en Australie. Le simple Action fait par contre un carton des deux côtés de l’Atlantique, n°15 en Grande-Bretagne et n°20 aux USA.

Sweet maintient le cap et commence à composer de nouveaux morceaux pour un prochain disque aux Kingsway Recorders And Audio International London Studios. La formation apparaît désormais sur la pochette intérieure en vrai groupe de rock heavy, tee-shirts et jeans, bondissant, concentré, héroïque. Les sessions s’étalent entre octobre 1976 et janvier 1977 dans les mêmes studios. « Off The Record » est un concentré du meilleur de Sweet : des riffs assassins, des guitares en harmonie, des mélodies magistrales, un son puissant. Bien que le disque soit une véritable réussite, le contexte a brutalement changé. Le punk est arrivé en Grande-Bretagne. Aux Etats-Unis, le son californien de Fleetwood Mac, Eagles et Doobie Brothers, et celui plus hard-fm de Heart, Foreigner, et Boston a pris une large place. Au niveau du hard-rock rageur anglais, Led Zeppelin reste en première place avec UFO et Thin Lizzy. Sweet est au sommet artistiquement, mais ne trouve plus son public. Et la majeure partie de la tournée mondiale de 1977, dont les dates US en première partie d’Aerosmith, est annulée à cause des problèmes d’alcoolisme de Brian Connolly. Sweet se loupe alors qu’il sort l’un de ses disques les plus puissants. Windy City servira de base à d’innombrables groupes de glam-metal US. Les ventes sont désastreuses aux USA, inexistantes en Grande-Bretagne, mais reste constantes en Europe du Nord.

Du changement et un rebond éphémère

Malgré un contexte défavorable, Sweet quitte RCA pour Polydor avec un chèque de 750 000 livres sterling en prime. Capitol conserve la distribution en Amérique du Nord et au Japon. Sweet ne doit pas se louper pour ce nouveau disque. Et après une session d’écriture de trente jours aux studios Clearwater Castle, Sweet rejoint la France et les studios du Château d’Hérouville. Le quatuor revoit complètement son approche, et puise largement dans les succès du Electric Light Orchestra, eux-aussi consommateurs de choeurs beatlesiens, et avec succès. L’album s’appelle « Level Headed ».

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Le simple Love Is Like Oxygen restera comme leur dernier succès commercial, n°9 en Grande-Bretagne et n°8 aux USA. Cette chanson, plutôt progressive dans sa construction, est une innovation par rapport aux disques précédents. Elle est aussi le ferment d’une forme de trahison sonore de Sweet par rapport à ses disques précédents, sonnant funky soul commercial comme sur Strong Love, Fountain, Silverbird, ou le mielleux Lettres D’Amour. Sweet semble courir après les locomotives de l’industrie du disque : Fleetwood Mac, Doobie Brothers, Foreigner, Boston, Journey…

Néanmoins, grâce au nouveau tube Love Is Like Oxygen, Sweet décroche la première partie de la tournée américaine de Bob Seger And The Silver Bullet Band, et fait une tournée des belles salles anglaises. Mais Connolly est dans un tel état d’alcoolisme que le groupe se retrouve dans des situations très embarrassantes, comme le set du 3 mai 1978 à Birmingham dans l’Alabama, où le chanteur, saoul, est incapable de chanter. Il tient un discours incohérent au public, le tout devant le staff de Capitol venu pour l’occasion. Sweet termine toutefois sa seconde tournée américaine de l’année avec Foghat, Cheap Trick et Alice Cooper. Ce qui devait être un retour triomphal à la scène se révèle cependant un succès mitigé, et de sérieuses questions se posent sur le cas Connolly.

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Une lente agonie

Enfermé aux Clearwater Castle Studios à partir d’août 1978, Sweet tente de donner un successeur à « Level Headed » et son succès inespéré. Mick Tucker joue les médiateurs, et tente de sauver le chanteur, qui a promis de se soigner. Le batteur est chargé de la production des pistes vocales, et malgré son état, Connolly reste meilleur que Andy Scott. Mais les tensions sont à un tel point que des rumeurs insistantes courent. Le groupe aurait ainsi joué les nouvelles chansons dans un registre que Connolly ne pouvait atteindre vocalement, et ce afin qu’il parte de lui-même, constatant son incapacité à tenir son rôle. Les choses sont hélas plus simples : le chanteur est toujours en proie à ses démons alcoolisés et la perspective d’une nouvelle tournée dans les mêmes conditions que la précédente n’est tout simplement pas envisageable. Son départ est officialisé le 23 février 1979, pour les fameuses divergences artistiques. En juin 1979, Sweet est officiellement un trio. Il est toutefois complété par le guitariste Ray McRiner et le claviériste Gary Moberley. La formation tourne aux USA en compagnie de Kiss, Cheap Trick et Journey. Auparavant, le single Call Me était sorti en éclaireur, mais n’obtint qu’une modeste 29ème place en Allemagne, ne se classant ni en Grande-Bretagne, ni aux Etats-Unis. « Cut Above The Rest » sort en octobre 1979 dans la même veine que « Level Headed ». Il ne fait pas mieux que 151ème des ventes aux USA. La fin de l’année 1979 se termine dans de terribles conditions, Mick Tucker perdant sa femme dans un accident en décembre.

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Pour son nouvel album, le trio et ses deux nouveaux se retrouvent à Toronto au Canada histoire de changer d’air, aux Eastern Sound Studios. Le guitariste Ray McRiner apporte deux chansons : Too Much Talking et Give The Lady Some Respect. Publié en août 1980, « Waters Edge » est pour partie un retour à un son plus rock, quoique encore assez pop sur plusieurs morceaux. Le disque est un échec commercial cuisant ne se classant… nulle part. Et pour ne rien arranger, Sweet ne peut pas tourner, Tucker étant atteint d’une pancréatite le contraignant à garder le repos le reste de l’année 1980.

En septembre 1980, Sweet se retrouve au studio anglais de Andy Scott à Gerrard’s Cross en banlieue de Londres afin de préparer les démos du nouvel album. L’enregistrement est finalisé aux Marcus Music Studios de Londres. Il s’agit d’un retour annoncé à un son plus hard-rock (Getting In The Mood For Love, At Midnight), Andy Scott expliquant au magazine Sounds que Sweet s’est planté en se lançant dans des chansons pop élaborées dans la veine du rock californien de la fin des années 1970. Le public anglais lui était revenu à une musique plus proche de l’os avec le punk puis la New Wave Of British Heavy-Metal. Conscient qu’il lui faut reconquérir le public britannique, Sweet se lance dans une série de concerts au Lyceum de Londres en janvier 1981, alignant ses hits, ses meilleurs morceaux hard-rock, et quelques nouveautés du futur album.

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En février 1981, le magazine Sounds, qui porte la nouvelle génération du heavy-metal anglais avec Iron Maiden, Def Leppard, Saxon, Diamond Head, etc est invité à interviewer Sweet en répétitions aux Shepperton Studios (appartenant aux Who) afin de faire la promotion de la tournée anglaise de mars, leur première dans le pays depuis trois ans.
Le groupe revient sur les deux disques précédents, et révèlent qu’effectivement, Sweet a connu une période de crise d’identité, ne sachant plus comment prendre sa musique pour plaire aux publics anglais et américain; les deux pays ayant une approche du rock radicalement différente en 1980-1981. Sweet a fait le choix de revenir au hard-rock qui a fait sa réputation pour retrouver ses fans européens en priorité. Toutefois, le grand retour ne fait pas long feu. Steve Priest, désormais installé aux Etats-Unis, pensant que l’avenir de Sweet se jouait surtout là-bas, ne se voit pas faire les allers et retours entre son domicile et l’Europe pour reconquérir cette dernière. Andy Scott, lui, s’imagine de plus en plus en producteur pour aider de jeunes groupes. Fin 1981, Sweet n’est déjà plus. Il faudra attendre un an de plus pour que le nouvel album voit enfin le jour en novembre 1982. Le bien nommé « Identity Crisis » sort en Amérique du Nord grâce à Capitol, mais Polydor ne le sort qu’en Allemagne, et pas en Grande-Bretagne, faisant de cet album une étrange épitaphe à Sweet dont le succès fut avant tout anglais. Qui plus est, le disque se révèle très bon, avec un vrai retour au hard-rock teigneux des années 1976-1977, et même la disparition des synthétiseurs, le disque ayant été uniquement enregistré par Steve Priest, Andy Scott, et Mick Tucker.

Une triste odeur de réchauffé

Le dernier sursaut glorieux de Sweet, ce sera une reformation autour d’Andy Scott et de Mick Tucker en 1985. Paul Mario Day, ex-chanteur d’Iron Maiden et Wildfire est recruté, ainsi que le bassiste Mal McNutty et le claviériste Phil Lanzon, ex-Grand Prix et futur Uriah Heep. Le groupe enregistre une série de concerts au Marquee de Londres, également filmés. Le set, de bonne qualité, est publié en disque et en cassette vidéo, cédant à la modernité de l’époque. Ce line-up tiendra grosso-modo jusqu’en 1991, jusqu’à ce que Mick Tucker s’en aille pour soigner une leucémie. Sweet devient Andy Scott’s Sweet. La formation enregistre plusieurs albums, dont « « A » », le premier du nom, en 1992. A peu près à la même époque, Brian Connolly forme son Brian Connolly’s Sweet, qui tourne en Grande-Bretagne, mais aussi en Allemagne et en Australie. Le groupe enregistre même un premier album, « Let’s Go », en 1995.

Une réunion du groupe original est toutefois tenté par Mike Chapman lui-même, en 1988. Il propose de financer une session studio à Los Angeles, et offre le vol aux Etats-Unis à Andy Scott, Mick Tucker et Brian Connolly, Steve Priest étant déjà sur place. A l’aéroport, Chapman accueille Scott et Tucker, en bonne forme. Connolly se fait attendre, puis apparaît enfin. Le compositeur et producteur n’a plus vu le mythique chanteur depuis 1975, et découvre un bonhomme au visage blême et qui tremble à cause des excès d’alcool. Malgré des versions réenregistrées de Action et The Ballroom Blitz, il devient évident pour Chapman que Connolly n’est pas en état de faire la promo d’un éventuel retour. Le quatuor original se reformera toutefois pour un documentaire en 1990 nommé Sweet’s Ballroom Blitz. Puis chacun reprendra sa route.

Finalement, Brian Connolly s’éteint le 9 février 1997 des conséquences de son alcoolisme forcené. Mick Tucker meurt le 14 février 2002 après onze ans de lutte contre la leucémie. Andy Scott pense alors être le seul à porter le nom de Sweet, mais Steve Priest décide de fonder une version américaine de Sweet en 2008 qu’il appelle fort logiquement Steve Priest’s Sweet. Ce dernier line-up ne mettra pourtant jamais les pieds en Europe, restant sur le continent américain. Il s’éteint en 2020 avec la mort de Steve Priest, laissant Scott dernier survivant du Sweet historique.

Depuis, le guitariste continue à maintenir en vie le nom, réenregistrant régulièrement avec ses nouveaux musiciens les anciens classiques et publiant à intervalles réguliers de nouveaux lives des tubes de Sweet. Cela pourrait s’arrêter là si Andy Scott, désormais âgé, bedonnant et chauve, ne se sentait pas obligé de se produire avec une perruque argentée empruntée au Crazy Horse. Il a aussi récemment enregistré un album avec deux anciennes gloires du glam-rock : Suzy Quatro et Don Powell, le batteur de Slade. Ces shows attisent encore l’intérêt de quelques fans nostalgiques en Grande-Bretagne et en Europe du Nord.

Andy Scott (guitarist) - Wikiwand

L’image ternie de Sweet sera toutefois régulièrement rajeunie par la publication de bandes inédites de lives et de répétitions des années Connolly, rappelant la majesté de leur hard-rock rageur et mélodique : un live au Danemark en 1976, des répétitions pour la tournée US de 1978, des démos de l’album « Off The Record » de 1977…

En tout cas, cette tentative de surfer sur la nostalgie du glam anglais ne rend pas honneur à ce que fut vraiment Sweet et à sa contribution au hard-rock et au heavy metal. Car sans eux, pas de Motley Crue, de Raven, de Def Leppard. Le montage en double-micros de la Fender Stratocaster d’Andy Scott dès 1975 deviendra la norme de tous les sidérurgistes de la guitare heavy-metal des années 1980 : Motorhead, Dio, Judas Priest, Iron Maiden… Et l’alliage de riffs heavy-metal et d’harmonies vocales servira de base à tout le glam-metal US : Ratt, Poison, Quiet Riot, Cinderella… Ils s’appelaient Sweet, et ils étaient les premiers voyous à paillettes et à rimmel.

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