Écrire sur les idoles perchées du nouveau millénaire est devenu depuis peu un acte à risque : j’ai du en effet, subir les menaces réelles de certaines intéressées sous la forme de sciage de talons. Mais qu’à cela ne tienne, lorsque ces stakhanovistes de la sape eurent compris que je ne souhaitais que les mettre en exergue, elles abaissèrent leurs aiguisoirs et me laissèrent quartier libre pour l’étude minutieuse du devenir ce qu'on appelait jadis la blogueuse de mode.

slanelle-blogueuse-modePetit animal perché sur des compensés sponsorisés, femme sandwich des marques en manque d’inspiration, la blogueuse mode a fait son apparition il y a un temps que les plus de quarante ans n’ont pas vu venir.
Nous l’avons vu grandir sur les pages de nos mensuels favoris : passant allégrement, tel un bouquetin urbain, du sweat avec des loups/chats/indiens/cœurs/bidules au short en jean/ cuir/ dentelle/trucs collés dessus au grès des saisons et de l’amplitude du head band.
Celle là même qui se rencontrait dans les rues du centre parisien, postée contre une porte d’immeuble, les pieds en dedans, peu vêtue malgré le baromètre annonçant des températures bien en dessous du supportable pour une fille en débardeur; celle là, oui, la blogueuse, était résistante à tout, et particulièrement au ridicule.

Les décideurs de tendance nous les vendaient comme les nouveaux accessoires trendy: si tu n’avais pas ta pote blogueuse mode, tu n’étais pas recevable dans les soldes presse. La blogueuse mode était celle qui passait un post entier à défendre sa nouvelle frange où son goût immodéré pour les chaussures pailletées. La blogueuse mode était l’étendard du contre féminisme. La blogueuse mode nous faisait revenir 50 balais en arrière : porter des fringues et surtout ne parler que de cela (parce que pour ce qu’il en était du conflit israelo palestinien, y’avait plus l’ombre d’une soquette pour mettre les pieds dans le plat). Elles donnaient envie d’appeler puce, cœur, amour (et tout ce qui s’enlace) le moindre bout de chiffon. Et moi, perso, j’adorais.
Elles précisaient les choses et donnaient cette impression fascinante qu’elle avaient fouillé dans le placard d’une poupée mannequin pour trouver l’inspiration. Là, nous étions au cœur du sujet…

George Sand disait : « si j’étais garçon, je ferais volontiers le coup d’épée par-ci, par-là, et des lettres le reste du temps. N’étant pas garçon je me passerai de l’épée et garderai la plume, dont je me servirai le plus innocemment du monde. » Ces filles étaient la version 2.0 d’Amantine : elles ont bien compris qu’elles n’étaient pas des hommes et n’ont gardé que la plume, la plupart du temps à l’épicentre de leur corps, il est vrai, mais tout de même, elles l’ont gardée.
Or, depuis quelques temps, on entend beaucoup moins parler de ces porte-manteaux grossiers défiant les lois de la gravité pour nous rappeler que l’on peut faire de l’argent et du bruit avec du néant.

La-blogueuse-mode-Tavi Les véritables journalistes ayant sans doute eu marre de leur mini-me au cv fashion se résumant à l’obtention d’un numérique au noël 2006 et d’une enveloppe confortable à dépenser chez ASOS, ces filles que l’on adorait détester ont perdu de leur superbe : les gens ne les aiment plus. Ceux là même qui les portaient aux nues leur ont désormais tourné le dos.
Je conçois que tout le monde ne puisse pas aimer tout le monde. (« On peut pas aimer tout le monde / Et ceux qui le disent, disent des mensonges« , Patrick Bruel, Philosophe des années 90). Je suis donc en mesure de comprendre qu’on puisse ne pas aimer des personnes qui passent le plus clair de leur temps à mettre en harmonie une blouse H&M et des souliers Louboutin. A cela je n’ajouterais pas le magnifique « Elles s’en foutent car elles ne vous aime pas non plus « . Parce que ce serait faux. Non pas que j’aime tout le monde, simplement ça ne m’indiffère pas, ça me touche, mais, tant qu’on ne me le dit pas, je n’y pense pas. Quand on me le dit, effectivement, forcément, évidemment, ça me fait de la peine. Et chez moi, la peine, ça devient rapidement de l’agressivité, surtout s’il y a un phénomène de saturation de mon côté.

Or, en ce moment, je sature. J’en ai plus qu’assez d’être polluée par le mésamour. Ces filles qui ont fait vendre des tonnes de chiffons improbables, qui ont passé du temps à construire leurs sites sur worldpress, ne vivant que par ou pour trouver des pièces uniques, souvent celles qui ont bravé la tempête et les insultes diverses au nom de la liberté de se fringuer. Celles qui ont inventé un nouveau job, l’ont descendu dans la rue et qui ont donné leurs lettres de noblesse au vide, sont victimes de leur corps de métier : elles sont passées de mode. On ne les aime plus.

Et moi, ça me fout en l’air.

Ces filles méritent de trôner sur le podium des JO de la mode, de la folie, du creux et du rêve en tergal. On n’a pas le droit de désaimer celles qui nous ont bien fait marrer à se coller des nœuds géants sur le haut du crâne. La blogueuse mode mérite d’être le nouveau visage de Marianne : oriflamme de la nouvelle jeunesse, celle qui a compris que pour réussir en France. Il fallait miser sur la vanité et la futilité. Mais toujours bien sapée, cela va sans dire.
Quoiqu’il en soit, la prochaine fois, promis, je proposerai une conversation palpitante sur les bienfaits de l’idéalisme et l’assouvissement impossible de nos bons vouloirs.

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