Un peu en amont de la parution de leur nouveau disque, le lancinant « Six Lenins », nous avons tapé la causette avec deux des membres du quatuor, James Hoare et Max Oscarnold, interviewés séparément par souci d’emplois du temps. Alors, ils sont en phase les Proper ?

La dernière fois qu’on a croisé croisé l’ami Max Oscarnold, c’était en février. On était au sympathique Botanique de Bruxelles, présent à l’une des étapes de la tournée européenne de Toy. On s’était dit qu’on se rejoindrait après le concert, pour profiter de la nuit belge, et pourquoi pas, entamer une bribe de discussion sur un disque reçu depuis peu, le « Six Lenins » de son autre groupe, The Proper Ornaments. Mais bon… C’était sûrement sans compter sur la bière locale (et plus si affinité), ni sur la rigueur de notre journaliste à garder ses affaires dans ses poches ; son téléphone par exemple. Bravo l’artiste !

À peine deux semaines plus tard, Max, toujours escorté des membres de Toy, venait sur Paris pour y donner un nouveau show, auquel ce même journaliste était convié — une bien belle occasion pour enfin parler de l’actualité de son autre groupe. Mais bon… La vieille, notre reporter satisfaisait sa boulimie de la nuit, et son goût douteux à la prolonger bien après que le soleil ait remplacé la lune. Résultat des courses, comme il dormait lamentablement à 19 h — l’heure du concert — c’est par Skype, et une bonne semaine plus tard, qu’il a finalement pu discuter avec Max, qui plus est, un matin, au réveil. Comme pour mieux boucler cette boucle ambiguë, James n’était pas présent, retiré en rase campagne anglaise. Il réussira tout de même à lui parler, dans les jours qui suivront.

Pas se prendre la tête

De ces échanges différés avec Max et James, la moitié de The Proper Ornaments donc — que le bassiste Danny Nellis et le batteur Bobby Syme complètent — se sont échappés plusieurs sentiments communs, dont un particulier : « Six Lenins » a été un album très facile et plaisant à enregistrer. « Avec James, on avait une idée très précise pour ce disque. On voulait prendre du bon temps, se faire plaisir. Comme nos précédents étaient compliqués à réaliser, on ne s’est donc pas trop mis de pression pour celui-ci » nous avouait Max. Une sensation que James nous confirmait : « Avant de réaliser que nous avions commencé l’enregistrement, qui s’est d’ailleurs avéré plutôt court, nous l’avions quasiment terminé. On ne s’est vraiment pas pris la tête : nous avons presque tout capté en une prise ». En à peine deux semaines, cet album, dont certaines des chansons étaient écrites depuis un plus long moment, voyait alors le jour. Un disque récréatif pour James, et même salutaire pour Max, puisqu’il lui a servi de thérapie pour définitivement chasser une vilaine hépatite.

Malgré les aléas de Max, et quelques changements dans la vie de James, ce disque semble beaucoup plus gai que leur précédent « Foxhole » qui fut « très lourd émotionnellement » selon le premier concerné. Mais si l’on creuse un peu, c’est simplement l’épiderme de « Six Lenins » qui se veut plus heureux — une sensation certainement due aux sonorités plus chaudes, et aux thèmes « moins lourds ». En réalité, les deux artistes s’accordent (une nouvelle fois) à dire que cet album comporte son lot de « nostalgie » pour l’un, de « mélancolie » pour l’autre ; mais, qu’il a été enregistré dans des « conditions plus joyeuses », et soit dit en passant, dans le home-studio de James. « De toute façon, notre musique est nostalgique. Elle l’a toujours été » conclut Max. Si l’on veut faire un parallèle avec le Happy In The Hollow de Toy, une initiative totalement justifiée puisque d’après Max, « il y a beaucoup de connexions entre ces disques », on retrouve cette dichotomie entre bien et mal, bonheur et tristesse, de la pochette de « Six Lenins », au champ lexical des titres des morceaux.

Un jeu des contraires à peine planqué

La jaquette de cet album, qui est extraite d’un plus grand collage réalisé par Max, se divise donc en deux parties qui semblent s’opposer. On a du mal à saisir comment un homme aux yeux bandés sur le point de se prendre un coup de fusil et un homme de foi peuvent s’associer. Demandons plutôt cela à l’initiateur de cette pochette : « la face de droite est en fait un découpage d’une des représentations de la Crucifixion du Christ. Donc, au même titre que sur l’autre partie, l’homme de foi est aussi confronté à la mort. Ces deux images transmettent finalement la même chose, mais d’un point de vu différent » ; amen. Sans continuer cette incursion spirituelle, James confirme, en y ajoutant une rapide précision, toutefois essentielle : « tu sais, cette idée où deux événements différents se passent en même temps, on la retrouve aussi dans certaines de nos chansons ». Justement, on y arrive.

« Six Lenins » est plus un album studio, comme les groupes de cette période faisaient, un peu dans le style de Sgt. Pepper’s — sans que ça soit la même chose ! ».

Quel est le point commun entre les morceaux Crepuscular Child, Apologies, ou encore Please Release Me ? Ça ira pour la traduction ? Tous, représentent parfaitement cette idée, à la fois de fin, et de début de quelque chose ; tout pile comme la paire nous le disait plus haut. Par contre, et cette fois, leur avis divergent, le duo n’apporte à ça pas la même justification. Si pour James ce contraste dans le vocabulaire des chansons s’explique par le fait « qu’elles n’ont pas été écrites au même moment », Max, y voit lui un aspect plus spécifique, et surtout plus personnel : « Il y a vraiment une idée de purgatoire derrière ce disque. Je ne suis pas religieux, mais je viens d’une famille qui l’était donc je peux comprendre le sens ». En tout cas, le duo se rejoint via la voix de James, pour confirmer notre intuition : plus que d’aller mieux, le thème central est : comment faire pour aller mieux. « Oui, c’est clairement ça pour certaines chansons, comme Please Release Me. Les morceaux viennent avec leur dose de tristesse, et d’optimisme aussi ». On y revient.

Résultat de recherche d'images pour "six lenins proper"Petite incursion sur le terrain de l’indie rock 

Alors que « Foxhole » s’articulait autour d’un piano, « Six Lenins » s’est construit via des guitares, et pléiades d’instruments plus électroniques ; des drum machines, un synthétiseur Moog… « des nouveaux jouets » en somme. Alerte de ça, le côté pop et la référence aux Beatles (ici, on ne fait pas allusion qu’à leur premier single, Song for John Lennon, voyons!) ou au Velvet, devient un peu incomplète ; la piste de l’indie rock semble plus coïncider à la musique de Six Lenins. James :

« C’est une bonne appréciation ! Même si tous ces groupes du genre ne sont pas ouvertement une inspiration, nous aimons la musique indie en général, c’est sûr. En tout cas, quand nous composons, nous n’avons pas comme objectif de reproduire exactement cette musique. Les gens nous ont comparés à The Go-Beetweens, The Bats… C’est intéressant d’entendre ça. Mais je crois simplement que nos goûts remontent avant l’existence de ces formations ; à la fin des années 60, au début des années 70. »

En continuant ce renvoi aux late sixties, James finira par nous avouer, en toute honnêteté, que « Six Lenins » est plus « un album studio, comme les groupes de cette période faisaient, un peu dans le style de Sgt. Pepper’s — sans que ça soit la même chose ! ». De son côté, Max nous fera part de son envie de jouer ce disque en live, allant jusqu’à nous dire que la scène, à en quelque sorte agit sur le processus créatif : « Foxhole était très lent, et difficile à jouer à cause du piano et du tempo. Aussi parce que les chansons étaient tristes. Je crois que cette fois, on a plus insisté sur le fait qu’on pourrait faire Six Lenins en live, et forcément, passer du bon temps en le jouant ». Pour vérifier cela, il faudra encore attendre un peu – histoire que le groupe finisse de se rôder — ; pourquoi pas en écoutant leur disque ? Après ça, et une fois que vous les aurez vus en concert, on sera curieux de savoir si vous êtes plutôt team Max (live), ou team James (studio). Il n’y aura pas d’octogone pour les départager !

The Proper Ornaments // Six Lenins // Tapete Records ; Differ-Ant

Le groupe commencera sa tournée française le 19 avril, au festival Love Letters d’Avignon, pour la terminer le 23 avril, au Supersonic parisien. Toutes les dates, ici.

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