Musique, streaming, façon de travailler, changement de label… voici le programme de la rencontre avec les sympathiques Tom Dougall et Maxim Oscarnold, deux des cinq têtes du groupe Toy de retour avec « Happy In The Hollow ».
Nous sommes à Paris, en plein milieu d’un mois de novembre qui commence sérieusement à faire geler les moustaches. Pourtant, une bonne nouvelle motive le corps d’un pigiste bien installé à son home-bureau pour se bouger dans le lointain 11e arrondissement deParis. Tom Dougall et Max Oscarnold l’attendent pour lui parler de leur quatrième disque (qui sortira le 25 janvier), le dichotomique « Happy In The Hollow ». Arrivé sur place après avoir subi le crachin inséparable du ciel parisien, ce journaliste découvre le lieu (Comets, Ndr) dans lequel il s’engouffrera pour la suite de sa journée : un petit disquaire café ma foi fort sympathique, où se côtoient aux galettes de Mac DeMarco, Sufjan Stevens et Parquet Courts, quantité de pâtisseries, tartes et autres graines de café – de rigueur bio.
Comme lors de toutes les journées promotionnelles, il faut attendre son tour pour soumettre les questions préparées au groupe, espérer aussi, fébrilement, que la bonne idée imaginée la veille n’aura pas déjà été pensée par un collègue, lui aussi sûr de son coup. Le temps d’un ristretto et d’une énième cigarette rapidement aspirée, vient pour ce pigiste l’heure de la confrontation tant attendue avec les deux membres du groupe ; solidement ancrés dans un canapé de fond de boutique. Il leur soumet sa première question : “comment définiriez-vous ce qu’est un “groupe” dans la musique de maintenant ?”. Une entrée en la matière vaste, qui a comme petit effet de délier les langues.
C’est Tom qui se lance en premier : “Ce n’est pas facile de répondre… Évidemment, c’est difficile d’être un “groupe” en ces temps. Plein d’aspects rentrent en jeu : il n’y a pas beaucoup de soutien, qu’ils soient financiers ou autres. Mais nous, on ne se laisse pas terroriser par ça et on essaye de profiter des moments agréables. Même si ça devient compliqué parfois de rester concentré quand il s’agit de faire des disques”. Max, se présente lui plus romantique : “Je crois que ça veut simplement dire d’être amis et de créer quelque chose ensemble. Ça a toujours été ça”. Le contact entre les protagonistes de cette rencontre est lié, une discussion plus familière et technique autour de l’album et de sa construction peut s’engager.
Avant de dévoiler la suite de cette histoire, un petit aparté s’impose. On ne va pas vous refaire le déroulé de la carrière de Toy, pour une simple et bonne raison (qui n’a strictement rien à voir avec ce vilain défaut qu’est la flemmardise) : vu que c’est leur quatrième album, cette initiative a déjà été prise au moins à trois reprises, par autant de médias qui se sont aventurés dans la difficile entreprise qu’est d’écrire un papier cool et exclusif dans lequel on apprend tout plein de choses inédites. Tout de même, on se doit de vous préciser deux choses : Max a rejoint la formation pendant l’aventure « Clear Shot », leur précédent disque paru en 2016 ; et le groupe s’est fait comme technique signature de composer ses albums à la façon d’un live, comme pour mieux jouir pleinement des possibles de l’improvisation. Voilà, c’est dit.
À l’écoute de Happy In The Hollow et conforté par ce qu’il sait des habitudes de Toy, le pigiste continue de dérouler sa petite liste de questions en mettant sur le tapis le sujet de la conception du disque, façonné comme un live donc. Mais cette fois, ce n’est pas totalement comme ça que cela s’est passé. Tom développe : « Ce coup-ci, nous avons travaillé un peu différemment. Nous avons plus construit l’album, petit bout par petit bout, plutôt que de se laisser guider uniquement par cette sensation qu’est le live. Il y a quand même toujours pas mal de ça. En tout cas, on a passé un long moment pour tout faire ». Une première qui interroge forcément. Un tel changement voudrait que l’on pointe du doigt l’une des raisons insécables de notre époque, l‘hégémonie du streaming, qui de facto, change la façon que les gens ont d’écouter de la musique, et en conséquence, que les artistes ont de la créer.
“Nous faisons probablement l’opposé de ce qu’on devrait faire”
“Non – réagit instinctivement Tom. Nous sommes conscients de ça, mais cela n’affecte pas du tout nos créations ». De son côté, Max préfère dédramatiser cette lourde interrogation et rire de la chose : “Nous faisons probablement l’opposé de ce qu’on devrait faire”. Une attitude contagieuse, qui détend les traits plus sérieux qu’affichait Tom lors de sa réponse. Plutôt en retrait jusqu’à ce moment de l’interview, Max aura bientôt droit à son solo ; normal, la prochaine question le concerne directement.
Happy In The Hollow est donc le deuxième album de Toy sur lequel Max opère. À la différence du précédent, il a été plus profondément impliqué pour celui-là, et a même « joué un rôle essentiel » selon son compère. Il est donc logique de lui demander s’il a ressenti une différence entre ces deux disques : « Oui… Je crois. J’imagine que Clear Shot a été une étape, ça me paraît être quelque chose d’assez évident. Au même titre que cet album est une autre étape vers quelque chose de plus déconstruit, ou peut importe, vers la direction que nous prendrons pour la suite ». Tom, sentant aussi ce vent nouveau et cette malice qui semble accompagner le groupe, acquiesce.
Si l’on résume jusqu’ici les nouveautés qui escortent la mue de Toy, cette façon originale de penser leur musique et l’affirmation de Max au sein du collectif – sans oublier leur signature chez le brillant Tough Love -, nous sommes obligés d’en souligner une autre : c’est la toute première fois que le groupe s’implique dans tout le processus créatif d’un album, de la production au mix. Tom : « Je crois que c’est pour ça que nous sommes très heureux de ce disque. Nous avons pris chaque décision, parce que dans un sens, nous savions que c’était la seule façon d’obtenir exactement l’album que nous voulions ». Max : « Puis il y avait une certaine frustration avec nos projets précédents. Tu sais, quand tu finis ton album par email, des tonnes d’emails, pour régler les derniers détails, c’est juste super “embêtant” ! Aussi là, nous n’avions personne pour nous dicter quoi faire… ». Est-ce là une attention toute particulière adressée à leur ancien collaborateur, Heavenly Recordings ? C’est finalement sans grande importance…
Et sinon, musicalement, à quoi il ressemble ce Happy In The Hollow ? Incontestablement à quelque chose d’hybride et de malin, à un savant mélange de sombre et de lumière, qui fait peur tout autant qu’il rassure, à la fois rock et kraut, électronique et acoustique, parfois à une sorte de ballade folk psyché dépendante de la voix douce de Tom (Sequence One), d’autre, à une aventure en plein territoire post-punk (Energy). De ce disque s’échappe une espèce de dichotomie, qui se matérialise en une forte volonté de jouer avec deux aspects qui a priori s’opposent, et étonnement, finissent par créer une harmonie. Ce sentiment est présent dans chacune des chansons, et s’affiche même en titre de cet album (Happy In The Hollow soit “Heureux dans le vide/creux”]. « Ce jeu des contraires, symbolise vraiment le cœur de ce disque » confirme Tom, avant de compléter que « cette espèce de double aspect représente bien la vie. Rien n’est simple, rien n’est tout blanc ou tout noir. La vie n’est rien d’autre qu’une sorte de montagne russe émotionnelle ». En voilà une bien belle manière décrire ce disque.
Toy // Happy In The Hollow // Tough Love ; Differ-Ant
https://thebandtoy.bandcamp.com/album/happy-in-the-hollow
En concert le 21 février à Rennes au festival La Route du Rock Hiver, et le 2 mars à Paris à Petit Bain.