À l’heure où fanatiques, intellectuels et pantouflards passéistes débattent encore de savoir si, oui ou non, le rock existe encore, les Murlocs semblent n’avoir pas grand-chose à faire de la question et sortent aujourd’hui « Calm Ya Farm » chez ATO Records, un authentique album comme au bon vieux temps des dinosaures.

Nous sommes en 2023, Post Malone va sortir un album dont il a fièrement signé la section guitare, Mac DeMarco ne prend même plus la peine d’adopter une réelle direction artistique et sort ses morceaux par centaines, un tiers des magazines français de rock font encore des hors séries sur les Rolling Stones, le post-punk est devenu la nouvelle pandémie mondiale – et The Murlocs, à savoir le petit frère un peu débile, téméraire et attachant de King Gizzard & The Lizard Wizard (à moins que ce ne soit l’inverse, qui peut prétendre comprendre quoi que ce soit à King Gizzard et pourquoi chercher à comprendre, finalement) vient de sortir « Calm Ya Farm », un album 100% country rock : leur « Exile on Main Street » à eux, leur road-trip de redneck dans les plaines brûlées de l’outback australien et un rêve de gosse assumé pour le chanteur et frontman Ambrose Kenny-Smith, accessoirement co-leader du grand frère King Gizzard.

Albums Of The Week: The Murlocs | Calm Ya Farm | TinnitistSi le choix du country rock a de quoi surprendre, notamment après le garage-psych de l’excellent album-concept « Rapscallion » et son voyage initiatique, les Murlocs n’en sont pas à leur premier rodéo. En effet, les rockeurs stakhanovistes ont déjà donné du banjo sur « Bittersweet Demons » en 2021, avant de naviguer à nouveau sur le grand océan psychédélique des côtes australiennes. Un juste retour aux sources, donc, après une année 2022 haute en couleurs et riche de pas moins de cinq albums pour l’hydre King Gizzard qui signe donc une bonne vingtaine de sorties en à peine dix ans d’existence. Entre ce calendrier chargé et ce qu’il implique de concerts-marathons de trois heures (ce qu’il faut pour pénétrer l’univers microtonal et mythologique du groupe), c’est à se demander comment les Murlocs ont pu avoir l’énergie de pondre un nouveau disque. Don d’ubiquité ou flirt avec le burnout ? Seul l’avenir nous le dira.

Musicalement, « Calm Ya Farm » sonne en toute logique comme une grosse kermesse de campagne. Tout l’attirail country y est : guitare slide, piano honky-tonk, harmonica sauvage, un rythme balancé comme une danse d’ivrogne en jambe de bois, les Murlocs sont en terrain connu et maîtrisé. Initiative est la caution « maturité » du projet, un dialogue sur les responsabilités et la vie d’adulte, comme en écho au Simple Man de Lynyrd Skynyrd. Russian Roulette renoue avec un psyché rugueux à la Count Five, Catfish avec un country-rock british dans la veine du « Muswell Hillbillies » des Kinks.

On retrouvera aussi dans « Calm Ya Farm » la chanson d’amour de rigueur avec Queen Pinky aux mélodies typées Unknown Mortal Orchestra et même un saxo (presque) sexy sur Undone And Unashamed. Et au milieu de cet univers hautement référencé, dans un tour de force qui tient presque du miracle, le groupe parvient malgré tout à garder une patte singulière, évitant ainsi le pur exercice de style ou l’approche transcendantale, deux écueils possibles lorsqu’on s’engage dans un style musical non pas pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il représente. Mais, le ciel soit loué, « Calm Ya Farm » est un disque étonnamment premier degré (chose rare) et pour la bande de joyeux Australiens, ce bon vieux rock bas de plafond semble encore être une fin en soi.

The Murlocs // Calm Ya Farm // ATO Records, paru le 19 mai
https://themurlocs.bandcamp.com/album/calm-ya-farm

2 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages