Ce n’est plus vraiment un secret pour personne, la Belgique regorge de pépites noise et post-punk de tous poils. Parmi les derniers-nés du cru, les Arlonais de marcel envoient la sauce depuis 2021, jusqu’à devenir récemment les poulains de Yard Act. Ce 3 mars, marcel a sorti chez Luik Records son premier album au titre évocateur, « charivari ».
Pourquoi s’appeler marcel ? Par révérence à Duchamp, Amont ou Marcel de Keukeleire, producteur belge dénicheur de pépites, à qui la postérité doit La danse des canards et Born To Be Alive ? Quelle que soit son point de départ, marcel semble surtout bien parti pour se tailler une place de choix depuis son premier EP éponyme en 2021. Rapidement, le quatuor belge a su fédérer un public d’adeptes autant qu’attirer l’attention du petit monde du post-punk, assurant notamment la première partie de Yard Act (à qui ils sont souvent comparés, partageant de fait un certain esprit et une certaine verve, chacun de son côté de la Manche). Ce 3 mars, marcel a sorti son premier album, « charivari », chez Luik Records.
Décriant l’usage des majuscules comme un Bukowski période vieux dégueulasse ou les anarchistes de Montmartre du début de siècle, marcel évite toute forme de fioriture, toute manigance discursive ou stylistique et se concentre sur la plus honnête démonstration de force. Refusant de se cantonner au cahier des charges du post-punk grand public (quoique bien maîtrisé), le groupe embarque dès la troisième piste (eurovision) pour une série d’expérimentations mêlant inspirations orientales et autotune. Les détours se poursuivent sur les sentiers surf psyché, avec la balade salvator mundi rappelant les Butthole Surfers et autres Sun City Girls. L’interlude du chaotique all together – but not too much embrasse l’esprit mi candide, mi angoissant d’une fête foraine à la Stephen King, comme des élucubrations de Growlers période Greatest sHits.
Conçu comme un catalogue du champ des possibles, ce premier album évoque un « nihilisme à la belge », un goût du burlesque, des inventions douteuses mais finalement géniales, le tout nageant dans un certain art du chaos et un je-m’en-foutisme d’un paisible anarchisme. Le surréalisme est aussi au rendez-vous, notamment sur le clip de playroom évoquant les danses macabres ou le fétichisme baroque des Lèvres Rouges. En somme, marcel montre autant avec ce disque l’étendue d’un savoir-faire qu’une certaine volonté de brouiller les pistes.
D’eux-mêmes, ils disent qu’ils sont « des artisans de sérénades post-punk/indé pour toute la famille », revendiquant ainsi les influences de Jonathan Richman, Sonic Youth et JCVD « entre un populisme brueghelien et un bruitisme poelvoordien ». Outre le fait de montrer que le groupe possède connaissance poussée de l’art de la bio fumeuse, marcel livre donc un premier album peut-être plus savant qu’il n’y paraît. Avec l’image du charivari traditionnel, les camarades belges forment une cohorte de fortune, une contre-musique devenue manifestation punitive. Se faisant le porte-parole d’une colère et d’un avertissement populaire, le charivari vise à ramener l’ordre moral au sein de la communauté (par le chaos). Une forme de catharsis finalement très politique et très punk que marcel semble vivre à bras le corps, amenée ici avec un certain sens du spectacle et du comique face à l’effondrement civilisationnel. C’est ça ou la déprime, alors autant la vivre à grand bruit.
marcel // charivari // Luik Records, sorti le 3 mars
https://vive-marcel.bandcamp.com/album/charivari