Quelle est la réelle pertinence d’un genre musical parti d’un surnom débile (voire insultant) et toujours impossible à définir cinquante ans après ? Et surtout, quel peut bien être l’héritage dudit genre, compte tenu de la question précédente ? Aux thésards désœuvrés qui passez par-là, rendez-vous dans deux calvities. Aux autres, voici la compilation « Echo Neuklang (Neo-Kraut Sounds 1981-2023) », à paraître le 31 mars chez Bureau B.

Composer une compilation de treize titres sur une fenêtre temporelle aussi large que « 1981-2013 » relève soit d’une absurdité totale, soit d’un coup de génie. Par respect pour le travail des archivistes, penchons pour la deuxième option, bien que la première fasse en réalité tout à fait sens. Car la temporalité semble absurde pour un genre qui l’est tout autant, dans son sens positif : au moins pour sa complexité, sûrement pour l’incompréhension qu’il suscite. Mais y-a-t-il vraiment quelque chose à comprendre ?

À la fin des années 60, ce que l’on n’appelait pas encore krautrock désignait surtout les mouvances musico-politico-artistico-culturelles avant-gardistes d’Allemagne de l’Ouest. Un grand vivier déjà insondable, déclinaison germanique des tendances internationales et de ce qu’elles pouvaient alors porter de plus visionnaire. C’est pour tenter de définir cette jeune et dynamique scène allemande, entre prog, psyché et prémices de musique électronique expérimentale, que la presse spécialisée britannique invente le terme krautrock, jeu de mot vaguement péjoratif pour tenter de qualifier ce « rock choucroute » intriguant, inventé en écho au traumatisme des blitzkriegs nazis.

Compte tenu de sa définition déjà bancale, le krautrock est devenu une appellation générique pour toute bizarrerie plus ou moins expérimentale et « métronomique » qui existera sur les cinquante années à venir. Depuis 2005, le label d’Hambourg Bureau B en a fait sa spécialité. Avec plusieurs centaines de disques au compteur (entre rééditions obscures et nouveaux projets qui ne le sont pas moins), Bureau B est ainsi devenu l’un des plus gros labels allemands existants. Pour un genre aussi vague, c’est un coup de maître. Ou une aubaine.

ECHO NEUKLANG (Neo-Kraut-Sounds 1981-2023) / Var ECHO NEUKLANG (NEO-KRAUT-SOUNDS  1981-2023) / VAR CD

La compilation à venir, sobrement intitulée « Echo Neuklang (Neo-Kraut Sounds 1981-2023) », tombe le côté « rock » pour paver la route du « neo-kraut ». Elle se penche donc sur la progression du genre, plus que son souvenir figé des 70s et fait donc le judicieux choix de ne démarrer qu’en 1981, soit bien après l’apogée du courant. Elle s’éloigne aussi fort heureusement de ceux qui ont donné au kraut ses lettres de noblesse : exit Can, Amon Düül II, Tangerine Dream, Ash Ra Tempel et consorts que vous adorez déjà. La présente compilation est définitivement plus néo que rock, interrogeant à nouveau ce genre mythique et influent qui n’a jamais autant fait couler d’encre que cinq décennies plus tard, comme un nouveau pied-de-nez à l’absurdité de sa genèse.

Pour celles et ceux qui souhaiteraient aller plus loin, le numéro 29 de Gonzai se constituait comme un guide avancé du krautrock à destination des débutants et avancés. Mauvaise nouvelle cependant : cette bible est en rupture de stock, vous devrez donc vous plier à la dure loi de la spéculation et du marché noir pour mettre la main sur ce désormais grand classique la littérature spécialisée. En attendant la baisse de l’inflation et la sortie de la compil neo-kraut, voici la playlist des 100 titres indispensables du krautrock en alternative à la compile à paraître. Musicallemand.

Echo Neuklang (Neo-Kraut Sounds 1981-2023) // Bureau B, sortie le 31 mars
http://www.bureau-b.com

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