Le nazisme est-il consubstantiel aux Allemands comme l’alcoolisme aux Polonais ou le vol des poules aux Roumains ?

Le nazisme est-il consubstantiel aux Allemands comme l’alcoolisme aux Polonais ou le vol des poules aux Roumains ? L’Allemagne devenue le terrain d’expérimentation d’un petit moustachu surexcité, je me demande comment on peut retourner un pays et le manipuler jusqu’à épuisement des consciences.

Un pays qui mute de démocratie en dictature. Me voilà prise au piège d’une logique qui m’échappe. Mettre des mots sur une mécanique que je pressens mais qui résiste farouchement à l’écriture. La Vague, film de Dennis Gansel s’essaie à l’exercice périlleux de la mise en image. Et moi d’en rendre compte. Qu’est ce qu’un dictateur ? Comment en devient-on un ? Quelles ficelles faut-il actionner pour que des millions d’hommes rejettent la civilisation de l’individu au profit d’un monde communautaire tendance concentrationnaire?

Première règle affirmer son autorité.

Faire trembler les gueux au son de la discipline. Apprendre à obéir sans sourciller, sans remettre en question le bien fondé des desiderata et la position dominante du leader

Ensuite créer une communauté où tous les individus sont censés apporter leur contribution, soi disant indispensable. Faire croire à tous qu’ils sont nécessaires à l’accomplissement d’un grand projet. Hiérarchiser. Inventer un organigramme complexe où chaque personne a un rôle prédéfini, une petite partition à jouer dans la grande symphonie dictatoriale. Une fourmilière où les travailleuses pensent bosser pour la collectivité alors qu’elles n’assoient finalement que le pouvoir d’une seule. Quand toutes les minuscules parties du rouage sont assemblées, multipliées par la masse, on obtient des résultats bluffants. Dans La vague, un prof dispense des prérogatives pour faire toucher du doigt la mécanique autocratique. Qui à la délation, qui à la communication ?



La vague
met en scène un fait divers ayant eu lieu en Californie en 1967. Quand un prof d’histoire incapable d’expliquer la passivité des Allemands dans les années 30 par des mots (un peu comme moi), décide de mettre les ados en situation. Le réalisateur allemand Dennis Gansel montre le visage d’une classe qui se transforme lors d’une semaine pédagogique sur les différentes formes de pouvoir politique. La politique, et la manipulation qui en est la main armée, doit être vécue, ressentie, expérimentée.

Comme ces gamins, dubitatifs sur la possibilité d’un retour du nazisme en Allemagne aujourd’hui, vont en 5 jours se révéler de dignes successeurs des jeunesses hitlériennes ?

Deuxième règle : Instaurer une culture commune. Un nom, un slogan, un logo et c’est parti.

L’individu doit se noyer dans le collectif. Ne plus sembler appartenir à une autre classe que celle du chef. Le retour à l’uniforme. Mais ne plus avoir d’identité propre, singulière permet de se fondre dans la masse, oser ne plus être un animal social responsable pour devenir un prédateur laissant libre cours à ses bas instincts. J’entends déjà les cris d’orfraie de ceux qui défendent l’uniforme à l’école. Les lycéens de la Vague adhérent eux aussi au principe. Jean, chemise blanche, anodin finalement. Mais insidieusement, la gothique à côté devient visible, comme une cible, et le rasta aussi. Tous les « marginaux » qui ne se définissent pas par cette règle apparaissent comme de potentiels dangers. Ca y est. On a la cible, le bouc émissaire. A partir de là, rien de bien original. Récompenser ceux qui s’investissent (c’est-à-dire tout le monde) et la machine à haine est lancée.

La vague ne me chavire pas la raison. Elle explique l’émotionnel qui guide une foule, mais jamais n’esquisse la toile sur laquelle une telle saloperie prend son essor. Film psychologisant sur la naissance d’une dictature, il omet l’essentiel. Encore une fois Gansel préfère impressionner par la psyché (ça mange pas de pain et ça déculpabilise, c’est pas moi, c’est mon inconscient collectif qui parle) plutôt que d’appréhender les contextes qui produisent les tyrans démocratiques. La psyché c’est complexe, insondable, en gros c’est dans l’âme humaine que de devenir une ordure quand le chef le permet. Au moins rien à faire, pas de remède. Plus difficile de scanner la société, de diagnostiquer les symptômes avant coureurs de la gangrène, et surtout d’essayer d’agir, en assumant les responsabilités qui sont les nôtres compte tenu qu’on est toujours en démocratie (en tout cas aux dernières nouvelles).

En Allemagne ou ailleurs (non, les boches ne sont pas des nazis génétiques), en 1933 ou aujourd’hui (le XXIe siècle n’a pas la palme de la moralité), la perversion de l’autocratie fascine.

Penser que le nazisme (ou toute autre forme de dictature) n’apparaît que parce qu’un leader charismatique enflamme les consciences molles de millions d’électeurs, c’est individualiser l’histoire. C’est faire fi d’un contexte économique, qu’on appelle crise post krach boursier (tiens, ça sonne salement contemporain ça), avec la perte de repères culturels (faisons confiance au ministère de l’identité nationale pour nous éviter le pire) et la volonté d’individualisation du pouvoir entre les mains de l’Homme Providence, et là, une parenthèse me semblerait presque superflue.

La Vague de Dennis Gansel, sortie en salle le 4 Mars 2009.

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