Je n’écris plus beaucoup en ce moment, l’envie n’est plus là. Le désir s’en va, comme celui d’assister à d

Je n’écris plus beaucoup en ce moment, l’envie n’est plus là. Le désir s’en va, comme celui d’assister à des concerts, parler à des gens, feindre l’étonnement et la beauté du métissage culturel. Dès que ma bouche s’ouvre en grand, le message semble biaisé et le nerf facial tremble comme une charnière mal vissée :

« Ah tu sors un nouvel album ? Et sur quel label dis moi donc ? Ah tiens salut Jean-Marc, ca va bien ? Content de te voir, tu deviens quoi, toujours chez EMI? »

L’intégralité de mes conversations sociales se résument aujourd’hui en une suite de questions mémorisées par avance et déclinables à l’infini, le regard déjà ailleurs que je me fous de tes réponses, à un point que tu ne saurais imaginer, Jean-Marc. S’extasier sur ton nouveau projet, en vérité, m’intéresse moins que de savoir si j’ai reçu de nouveaux mails ou de nouveaux commentaires sur l’un de mes précédents articles, subir l’intelligence supposée d’un lecteur qui aura su trouver le bon mot pour dire que mon dernier article était nul et que mon pseudo pompé n’arrive pas à la cheville de l’original. Chaque jour je me promets d’envoyer un mail d’insultes à tout ces artistes ratés qui encombrent ma messagerie d’un mail facebook me rappelant qu’il joue le lendemain dans un bar miteux où se presseront sans doute les amis du « manager » et trois névropathes no-life pour écluser une bière tiède à 3 euros ;  chaque jour qui passe j’oublie mes résolutions, limitant mon action à un « delete » sans répercussion sur la fonte des glaces dans l’extrême arctique.

Il faut, pour résumer, s’avouer un jour qu’on ne changera jamais rien au monde ; et qu’inventer des surnoms, faire croire à l’existence de nouvelles scènes et de jolis fantasmes, tout ce cirque n’est que pure utopie. Et tant qu’à faire la greluche, autant expliquer les tours de magie.

Alourdir des phrases, y rajouter de jolis adjectifs, trouver la métaphore pour parler du groupe pas encore signé et quand même au dessus des autres, jouer l’opposition pour mettre en valeur, la nostalgie pour sensibiliser la nervure, l’avant-gardisme pour émouvoir le chaland, être contre pour se distinguer des autres, avoir bon goût dans un océan de merde et se servir de références occultes pour épater la concurrence.

A relire ce dernier paragraphe j’ai comme l’impression d’avoir écrit la notice du journalisme moderne. Celle où le contre-poing chante plus haut que le sujet des articles. Minuit quarante sept, l’avenir ne m’a jamais semblé plus véritable qu’à travers les lignes de codes d’un mail non répondu, la liberté de répondre à l’envie, selon l’humeur, selon le temps. Plus de contraintes, plus de Jean-Marc, plus de mains à serrer pour simuler l’appartenance à des cercles sociaux artistiques en marge. Si vous êtes journaliste, musicien, cadre chez Cogeflip ou simple public, vous savez bien que le mensonge occupe une place importante dans nos vies respectives, et que oui, le dernier album de Depeche Mode est raté. Des dizaines de cd éparpillés jonchent le sol de mon bureau, je n’en écouterai pas la moitié, ne répondrai pas aux mails de relance et n’écrirai que peu. Par manque d’envie et de temps.

La semaine dernière j’ai appris que la Flèche d’Or allait fermer à la fin du mois d’avril.

J’ai subitement eu envie de crier ma joie, haut et fort. Fini les concerts amorphes devant un public composé de cadres du rock et de jeunes filles aux appareils dentaires, fini les sets de folkeuse à moitié à poil munies d’un ukulélé rose, fini la longue remontée interminable de la rue de Bagnolet vers l’enfer, fini le gratuit en live tous les soirs et les cachets communistes pour les groupes, fini la médiocrité quotidienne et les videurs agressifs. Après avoir appliqué la politique de la terre brulée au tout Paris (imposer le concert gratuit comme un modèle économique universel), la Flèche d’Or ferme ses portes. J’ai soudainement pensé au Paris Paris, à toutes ces salles en sursis, aux voisins qui ne tolèrent plus la musique parce qu’ils ont un enfant en bas âge, les Trois Baudets qui remettent au gout du jour le bon vieux triptyque Brel+Brassens+Ferré et tout ces clients de bière sans bar où trainer leurs jeans troués.

Bien évidemment, comme avec le clochard en bas de chez vous ou la voisine d’en face qui crève d’un cancer, la fermeture de la Flèche d’Or n’entrainera aucune conséquence sur votre quotidien. Pour ma part j’ai toujours détesté la Flèche, trop de gens trop loin et de brouhaha. Pour autant, les salles de concerts à Paris s’étiolent toutes d’heure en heure et le public, comme à l’accoutumée, ne se sent pas responsable.

Vous cherchiez un message, vous peinez à comprendre le but de cet article ? Résumons : La Flèche d’or ferme ses portes, 7440 personnes actuellement dans le désarroi sur un groupe Facebook monté en urgence, une population qui hait le rock mais chouine sur les guitares qui ne hurlent plus, le monde entier coincé entre deux chaises et l’avènement d’une nouvelle guerre froide : Le désir, la réalité, le confort, trois notions désunies pour l’éternité.

La Flèche d’Or qui coule, c’est peut être un espoir. Celui de rester enfin chez soi, ne plus sortir, ne plus jamais avoir à payer une place de concert, ne plus rien payer du tout puis regretter le bon vieux temps du Paris live et des mineures baisées dans les toilettes ; l’avenir se joue peut être désormais à 75dB dans toute la capitale : moins de bruit, moins de rock et plus de salles, nul part, jamais. L’avenir ? Une génération entière de kids surdoués ouvrant des comptes Myspace pour diluer ses chansons composées sur Guitar Hero.

Nous nous serons bien branlés le manche, tous, à croire que sortir était la solution. Désormais nous enverrons tous des mails en mailing-list, sans attendre de réponses, trop occupés que nous serons à régresser dans l’espoir indicible d’une congratulation par IP interposées ; nous attendrons, des heures et des heures, quelque chose qui ne viendra plus.

www.myspace.com/flechedor  

 

 

 

38 commentaires

  1. Impec, je suis pliée, BSTR. Just a little story :  » j’avais vu Von Karajan jouer du Mozart quand j’avais 5 ans. Je m’approche et je lui dit  » vous êtes Mozart? » . A présent je lis du Tom Du… qui écrit du BSTR et je lui dis: vous êtes écrivain?
    SI j’étais éditrice je publierai direct BSTR, Enfin vous écrivez dans Gonzaï, Teck, heureusement, Cdt Best experimental music regards

  2. Hein ?
    Lawrence de Felt/Denim/GoKart a joué à la Flèche d’Or ???????
    Putain, mon idole a joué à la Flèche d’Or et je le savais même pas ???????
    Dis-nous-en plus, l’Anonyme ! C’était quand, comment, combien ?

    Sinon, je suis d’accord avec Hilaire au sujet de la queue pour les chiottes des filles, ça a toujours été mon moment préféré à la Flèche.
    En ce qui concerne le « débat », elle va me manquer moi cette Flèche d’Or… J’y ai donné pas mal de concerts, parfois c’était un peu galère, parfois c’était nickel, j’y ai vu plein de concerts, des tout nazes et des absolument géniaux, j’y ai aussi fait quelques DJ sets, j’y ai joué au baby foot, j’y ai discuté avec des tas de gens, j’ai payé des coups, on m’en a offert, mais en tout cas, je n’en suis jamais, ô grand jamais, sorti sobre.

  3. comme je te comprends mon cher Bester ! pour avoir été dans ce monde de l’anti mondain qui pourtant sers des mains comme un boulimique gerbe son mc dale
    bien sur que tu t’en fous comme de ta première chemise hawaïenne de Jean Marc
    mais rassures toi, lui aussi n’en a certainement rien à foutre !

    ton seul tort c’est de balancer ; merde t’es dingue ils sont pire que la mafia corse :
    eux ils sourient
    ne t’en fais pas pour ce qui est de l’extase musicale, ce n’est qu’un mauvais moment ou une mauvaise vie à passer
    moi j’y reprends goût à dose homéopathétique

  4. totalement d’accord avec Nash.
    Je trouve que c’est une triste nouvelle
    Et lire ce genre d’article, franchement c’est d’un déprimant.
    Y’a plus qu’a se tirer une balle c’est ça?

  5. Quelle belle lucidité sur le fonctionnement de ce beau lieu, pour autant…longtemps mené par un certain « raoul » de mémoire, cet endroit mérite d’être un lieu de concert et non pas une simple usine à musique trendy et souvent inaccessible…
    bref…je suis convaincu qu’un nouveau repreneur fera un beau dossier et relancera cette machine de guerre, où l’on ne respecte qu’une chose…le porte monnaie de cette jeunesse pseudo décadente qui viendra de nouveau s’extasier devant ce qu’on lui donnera…

    vive le rock n’ roll !!!

  6. Bons groupes, et groupes de merde unis sous la même bannière, celle de la gratuité et de la musique au kilo. Drôle de progrès ….

  7. Concernant cette fermeture (ou plutôt ce rachat d’après ce que j’ai pu en lire), je serai moi aussi plus nuancé. Un lieu de rendez-vous honnête, pour tout ce que le mot « honnête » a de tiédasse et de passablement imparfait. Sans plus. On fera sans, comme on apprendra l’existence de La Miroiterie au moment même où celle-ci disparaît au profit d’une société immobilière. Paris la belle endormie, c’est un peu la rue de Rennes qui grignote dangereusement le pavé durant votre sommeil.

    Mais ce qui m’a le plus touché dans ton billet d’humeur, c’est ce petit paragraphe en italique. Toute personne ayant un tant soit peu lu ou écrit des choses sur la musique saura à quoi tu fais allusion. Chez Gonzaï, ça vous rend d’autant plus humain toutes ces prises de recul sur cet espace mou et confiné qu’est la presse musicale. Et moi, c’est justement ce que je préfère.

    Sinon, planque un moment ton badge et ton arme de service dans un tiroir, parce qu’avec ce que tu nous as pondu dernièrement, tu m’as tout l’air d’avoir besoin de vacances. Et tout ça loin d’un écran d’ordi jauni, si tu vois ce que je veux dire…

    Vamos.

  8. Je m’apprétais à dire comme je ne partage pas ta satisfaction de voir la Flèche d’or fermer.. Mais même si tous les mois je prends mon agenda et écris avec frénésie les venues de groupes comme High Places ou Telepathe qui jouent un mois après pour 18 euros, je m’y rend en fait rarement. Mais j’aime bien savoir qu’ils existent. Et que d’autres moins cons que moi y sont allés.

    Bester, permet moi de te faire l’offense de te mettre sur le divan, mais ta situation avec Jean-Marc me préoccupe énoooormément. Tu prends la musique trop au sérieux. Comme beaucoup de blasés ne permettent pas à leur égo de s’enticher d’un groupe éphémère et de lui laisser juste offrir un peu de fun. Moi je pense que tu devrais mettre bien fort un album qui t’as fait aimer la musique et te souvenir pourquoi. Et normalement c’est le genre de chose que tu veux partager ensuite, donc peut etre vas tu retrouver le désir de parler à Jean-Marc. A part ça je cherche des piges dans pychologies magazine et 20ans. Tu habites à quel étage de ton immeuble déja ?

    Chicrodelic : Go Kart Mozart jouait à la Flèche le 27 mars 2006, ils ont fait 2 fois le même set. Jarvis Cocker mixait ensuite. C’était organisé par Magic et gratuit.

  9. Le prochain album de The Horrors est tout simplement incroyable… C’est un exemple. On en reparle rapidement.

    Pour le reste, la Flèche n’est qu’une parenthèse dans l’article (mais ca vous l’aviez compris hein).

  10. La Fleche d’Or perso je m en fous depuis la fin du Bal des Ginettes Armees. Cet endroit aurait ete dans le 16 eme arrondissement qu’on aurait pas vu la difference. Sa fermeture ne mettra en tout cas certainement pas fin a cet espece d’enthousiasme boulimique pour des groupes qui en 1974 seraient morts dans l oeuf, car a l’epoque, y’avait pas myspace pour eradiquer une selection naturelle bienvenue.
    Quand on voit que des groupes a la con de Brooklyn passaient a la Fleche avant meme d’etre connus chez Spin ou ailleurs aux US y a vraiment un probleme avec Paris, nous les Francais on est vraiment des gogos.

    En tout cas, ce paragaphe en italique, la, au milieu, j’pense que c’est aussi puissant que quand Lester prevoyait il y a 25 ans la mort du journalisme rock a cause des poseurs sus-cites.

  11. La Fleche d’Or perso je m en fous depuis la fin du Bal des Ginettes Armees. Cet endroit aurait ete dans le 16 eme arrondissement qu’on aurait pas vu la difference. Sa fermeture ne mettra en tout cas certainement pas fin a cet espece d’enthousiasme boulimique pour des groupes qui en 1974 seraient morts dans l oeuf, car a l’epoque, y’avait pas myspace pour eradiquer une selection naturelle bienvenue.
    Quand on voit que des groupes a la con de Brooklyn passaient a la Fleche avant meme d’etre connus chez Spin ou ailleurs aux US y a vraiment un probleme avec Paris, nous les Francais on est vraiment des gogos.

    En tout cas, ce paragaphe en italique, la, au milieu, j’pense que c’est aussi puissant que quand Lester prevoyait il y a 25 ans la mort du journalisme rock a cause des poseurs sus-cites.

  12. j’ai effectivement racheté la flêche d’or, j’ai dans l’idée d’en faire une gare et je vous emmerde tous, sauf ma mère et bester.

  13. Bravo pour votre examen de minuit. Il y a des moments comme ça où le regard va plus loin que l’ordinaire. C’est sec et violent et ça fait très mal aux apparences. C’est une pensée qui va à la vitesse d’une avalanche. Ce regard est à la frontière du renouveau ou de la dépression. Il est le dernier moment de non sens avant le mouvement. C’est le regard brutal d’un monde qui s’écroule et se révèle dans son aberrante nudité. Quelques traders devaient avoir ce regard dans le courant du mois de septembre 2008… La Flèche d’or, on s’en fout de sa disparition dès lors qu’elle est le symbole d’un monde à l’état stationnaire. Je ne sais rien de ce microcosme, d’ailleurs je ne sais même pas dans quel arrondissement se trouve cette foutue Flèche d’or. Mais ces eaux troubles où notre journaliste navigue à vue m’ont tout l’air d’être un simulacre, si j’en crois ses mots. En bref, c’est le milieu culturel qui se défend d’en être. J’imagine un mot maudit (Hype, Arty, un truc dans le genre) dont on ne souhaite à personne d’être le représentant sur terre. Un genre de purgatoire plein de personnages inachevés où l’impression de déjà vu fini par l’emporter. Certains voudraient en être et grimper l’échelle qui va du commun au statut d’artiste culte tandis que d’autres voudraient désespérément en sortir : c’est le mal d’être ce qu’on est.
    Ce papier n’est pas une errance blasée aux frontières du nihilisme, j’y vois plus le cri du printemps ou l’obsession d’un renouveau. Comme un croassement au milieu des gazouillis. Quel mépris subtil à la trame. La critique c’est bien, non fondée c’est mieux.

  14. j’y aurais au moins vu THE TV PERSONALITIES en ce début d’année 2009 et ça c’est pas dégueu! 20 ans que je ne les avais pas vu tout comme THE WOODENTOPS en 2007 ou ALISTER en 2006 bien avant qu’il soit signé ou DONDOLO frais comme un glaçon sinon pour le reste rien à signaler…

  15. t’es déjà fatigué, baby? moi, je crois que c’est parce que tu aimes trop les rp & les filles, et pas assez l’alcool. Reprends quelques verres un peu plus tard, ça ira mieux. Si tu supportes pas, va vomir vers le paris paris, ça devrait pas te faire trop loin. En cas d’embrouilles, dis pas que c’est en souvenir de moi, mais rappelle que c’est un geste authentique sans mensonges, comme ils bossent tous à tf1 et à technikart, ils aiment la rhétorique du sincère.

  16. On peut en fait voir la Flèche d’Or comme une sodomie: remonter la rue Alexandre Dumas pour se faire flinguer par les videurs, une fois passé la porte, la bière à 6 euros mais la gratuité des groupes; j’irai pas jusqu’à l’étude de rentabilité, à vous de faire la votre. Des serveurs aimables comme une porte de prison, des groupes qui jouent toujours au moins une heure après l’heure annoncée mais des groupes tout de même. Des gens qui font semblant de faire semblant de ne pas danser sur un dance-floor dont l’état d’esprit atteint le nullité la plus absolue et la nécessité de pécho le dernier métro ou pas (et la première pute ou pas). Angoisse. Au final, des groupes, une scène, l’underground, mais dans ses limites. Lorsqu’on fait le choix de ne pas choisir, on finit toujours par remettre en question l’existence même du choix. A mort la Fleche d’Or ou à mort la nécessité de choisir d’aller à la Flèche d’Or ou pas. Un choix sans alternative. La sodomie, c’est bon alors?

  17. « Trop loin », tu as raison ! La Flèche, c’est tellement loin que c’est presque… en banlieue ! L’horrrrrreur intégrale ! Alors que comme chacun sait le rock est fait pour s’épanouir au coeur de Paris, c’est-à-dire dans le 8ème, le seul arrondissement civilisé. Et tous ceux qui n’habitent pas dans le 8ème ne sont que de vils culs terreux !

  18. Au prix où étaient les bières, ils auraient au moins pu installer des tapis roulants comme à Châtelet pour pouvoir la remonter tranquilou cette foutue rue Alexandre Dumas…

    Monde de merde.

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