Sur un fond jaunâtre des plus indigestes, ils évoquent autant Amon Düül II que les Faucheurs d’OGM. Et une fois le saphir posé sur le sillon, Poison Ruïn signe peut-être un des meilleurs albums rock de l’année. « Härvest », sorti ce 14 avril chez Relapse Records, convoque heavy metal et punk politique au milieu des moissons paysannes d’un Moyen-Âge crasseux.
Il va sans dire que ce « Härvest » n’a pas grand-chose à voir avec celui de Neil Young. Quoique : peut-être se cache-t-il chez les punks en cottes de mailles de Poison Ruïn le même esprit lucide et fédérateur, témoin d’un peuple proche de sa terre qu’on lui exproprie avec violence. Si le Loner en a fait sa marotte depuis déjà quelques décennies, les punks de Philadelphie ont peut-être eux aussi leur mot à dire. Les mots, ils les cracheront avec violence sur cette demi-heure d’album d’une radicalité peu égalée dans le paysage musical actuel. Poison Ruïn emprunte autant à l’esprit punk, qui sera la première source de politisation du groupe, qu’à la New Wave of British Heavy Metal et la frénésie de Motörhead, Saxon ou Venom. La production même de l’album tient presque de l’hommage à ce son si caractéristique, écorché, frénétique, oppressant.
Fort de ces influences, « Härvest » vient avec un remarquable sens du rythme et des riffs brossés au papier verre gros grain. Chaque morceau est une claque, ou une patate envoyée à pleine puissance sur un ring moite de sueur. Quelques interludes ponctuent le match : l’intro de Pinnacle of Ecstasy, de Resurrection I (aux étranges échos de La maison près de la fontaine) ou du morceau-titre Härvest. En reprenant leur souffle, Poison Ruïn témoignent ainsi d’une certaine finesse mélodique, comme un Këkht Aräkh façonnant son ambiance en maîtrisant l’art des pauses. D’ailleurs, Poison Ruïn doit bien avoir du sang black metal dans les veines, par sa brutalité viscérale et son sens du spectacle. D’ailleurs, une partie de l’album fut enregistrée dans le plus black metal des paysages : une cabane au milieu des bois, étouffée par la neige. Personne pour entendre gueuler, seule la nature pour ramener un peu de sens dans ce monde caustique que Poison Ruïn hache méthodiquement.
Car derrière cette avalanche de riffs, tous à peu près aussi lourds qu’un sosie d’Elvis en fin de carrière, Poison Ruïn tient un propos éminemment politique. L’esthétique médiévale ne tient pas que du goût prononcé pour la fantasy du chanteur Mac Kennedy, que l’on devine redoutable dans une partie de Donjons et Dragons : en s’emparant de ces références universelles à un âge sombre et impitoyable, Poison Ruïn trace un parallèle avec le monde actuel. Le décor a changé, les costumes sont différents, la peste a laissé au covid le devant de la scène, mais la violence, les inégalités, les rapports de domination et d’exploitation sont toujours bien présents. En somme, les enjeux restent les mêmes.
En écartant de leur fresque médiévale les chevaliers aux armures d’airain, leur préférant les moissonneurs en robe de bure, « Härvest » est une fable prolétaire résolument anticapitaliste. Sur le très métaphorique morceau titre, les paysans sont en révolte car destitués du fruit de leur travail. Tome of Illusion questionne les dogmes et les abus de pouvoir. Quelques pointes d’espoir persistent derrière les clips saturés de grain et dégoulinants d’angoisse, comme sur Blighted Quarter et son récit de résistance. Et partout, la violence, de Torture Chamber à Frozen Blood, comme moyen de lutte universel et éternel, de Williäm Walläce à José Bövé.
Poïson Ruïn // Härvest // Relapse Records, paru le 14 avril
https://poisonruin.bandcamp.com/album/h-rvest
2 commentaires
nor boy george n’est pas le messie! mais il est de metz est dite!
hate chung! tempomat risk de devenir hype ou ringards ?