Comme chaque année, la SACEM lustrait cette semaine les déambulateurs pour célébrer ses anciens combattants et ses nouveaux pensionnaires. Parce qu’avec le temps qu’il fait on n’a plus le droit ni d’avoir faim ni d’avoir froid, Gonzaï a battu en retraite dans la maison de Marigny pour assister, chips à la main, à la remise des médailles en chocolat.

Des dindons dans la basse-cour ou l’élection du perdreau de l’année ? Avant-même l’arrivée en calèche sur cette soirée d’un autre siècle, les qualificatifs manquaient pour décrire l’ambiance balzacienne qui régnait ce soir près des Champs Elysées. Élus sur des critères échappant à tout logique rationnelle – la propreté des slips ? Le nombre de chansons composées en un an ? La précision des musiciens au jeu de fléchettes ? – des inconnus connus s’étaient ce soir fait touts beaux pour monter sur scène et recevoir des prix de la taille d’un sextoy. La baronne du Fa Majeur à ma droite, le vicomte des Guitares Cassées à ma gauche ; au centre, une armée de prétendants prêts à tendre la main pour un verre de blanc payé sur le salaire des auteurs-compositeurs. Parlons-en d’ailleurs. A l’affiche ce soir : des musiciens classiques pas foutus d’exécuter eux-mêmes leurs morceaux sur scène (Oscar Strasnoy pour le prix de la musique symphonique, Marc André Dalbavie pour sa carrière), des tripatouilleurs de guitare sèche à la voix éraillée (Gaëtan Roussel, prix spécial de la SACEM… autant nommer ma belle-sœur à la recherche atomique) et des comiques qu’on aurait bien envoyés au Canada sans accusé-réception (Florence Foresti, grand prix de l’humour) ; bref, toute une tripotée de bras cassés à côté desquels Montant serait passé naguère pour Frank Sinatra et Joe Dassin pour Jim Morrison. C’était parti pour trois heures de consternation assis à côté de la presse studieuse, bien trop occupée à se ronger les ongles pour rigoler sur ce non-événement dont je peine encore à comprendre qui, des artistes ou des dés, est le plus pipé.

Au micro même combat, un clown et son polichinelle, Ariel Wizman et Isabelle Giardano ; deux présentateurs dont il est ici tenu d’admettre qu’ils animèrent la soirée avec le brio de deux poules coincées dans un freezer. Entre monologues de remerciements et blagues qui tombent à plat, l’envie de se jeter par-dessus le balcon pour empêcher le prix du jeune créateur (Benoit Dorémus, avec un nom pareil, autant se pendre avec la corde de mi grave) de balbutier ses textes franco-chiants sur une guitare sûrement louée pour l’occasion. A peine le temps de se remettre des jérémiades de l’as de pique qu’il était déjà temps de se chausser des lunettes 3D pour trois minutes de show 3D du grand prix de la musique électronique, Jean-Michel Jarre, dont on apprenait en fin de soirée qu’il aurait demandé à son meilleur ennemi Christophe de venir jouer des synthés sur son nouveau disque. Bruits de couloir, tintement des verres vides, blah blah blah, en final tout de même, le grand prix de la chanson française était justement attribué au dernier des Bevilacqua avec trois titres majestueux (dont Le petit gars, toujours aussi visionnaire) qui venait ainsi clôturer en beauté une soirée morbide à soixante ans de moyenne d’âge; désolante auto-congratulation du milieu, à vous donner envie d’engager une armée chinoise pour télécharger illégalement tout le répertoire de la chanson française puis l’expulser sur la planète Mars. En attendant que les disques durs soient eux aussi touchés par l’amnésie collective, récit en image d’un injuste prix par Maadiar. Pas sûr qu’on soit réinvité l’année prochaine.

La liste des grands « vainqueurs » ici.
Illustrations: Maadiar

9 commentaires

  1. ptêtre que Wizman à la soirée de la Sacem c’est comme Beigbeder dans Le Cercle: on leur poudre le pif à mort et on les scotche dans un coin pour qu’ils puissent fraquer tranquille, sortir une vanne de temps en temps, et être satisfait de leur rôle de petit chef. c’est plus ou moins marrant selon le moment mais comme ils sont bien habillés ça va, ça passe crème et ils font bonne impression

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