Publié en 2007 chez Wired, sous le titre « Survival Strategies for Emerging Artists — and Megastars », l’article de David Byrne reste -deux ans plus tard- d’une lucidité proche de la prophétie.
Industrie musicale chancelante (« Je travaille pour le bien des musiciens, mais je lutte pour mon CDI »), artistes le cul entre deux cierges (« Je prie pour signer un contrat, mais je prie aussi pour que ma musique soit entendue ») et public en voie d’extinction, tous les facteurs sont désormais réunis pour dire que yes, the times they are changing. Survival kit à l’attention de ceux qui veulent rester debouts, l’étude de Byrne prouve que même vieux, un ex-Talking Head peut encore rester une tête pensante. Avant la parution d’Hotel California de Barney Hoskyns (le récit des stars 70′ vérolées par l’argent. A lire absolument), avant la déconfiture actuelle d’une génération Myspace qui ne sait plus vers qui se tourner, « Survival Strategies for Emerging Artists — and Megastars » annonce tout: le passé, le présent et l’avenir de la musique. Traduit ici en français, par Hilaire Picault, pour le plus grand nombre.
« J’ai eu mon propre label. Ce label, Luaka Bop, existe toujours, bien que je ne sois plus impliqué dans sa gestion. Mon dernier album est sorti chez Nonesuch, une filiale de l’empire Warner Music Group. J’ai également sorti de la musique sur des labels indés comme Thrill Jockey, et j’ai fait presser des CD que je vendais pendant les tournées. Je pars en tournée tous les deux trois ans, et je ne considère pas ça comme une simple vente à perte pour vendre des CD. Donc, je connais les deux côtés de ce secteur. J’ai fait de l’argent, et je me suis fait dépouiller. J’ai connu la liberté artistique, et la pression de devoir faire des hits. J’ai eu affaire à des musiciens tarés qui se comportaient comme des divas, et j’ai vu des albums de génie fait par des artistes fabuleux être parfaitement ignorés. J’aime la musique. Je l’aimerais toujours. Cela m’a sauvé la vie, et je parie que je ne suis pas le seul à pouvoir dire ça.
Cependant, ce qu’on appelle l’industrie de la musique aujourd’hui n’est pas l’industrie de la production de musique. À un moment, c’est devenu l’industrie de la vente de CD sous boîtier plastique, et cette industrie n’existera bientôt plus. Mais ce n’est pas une mauvaise nouvelle pour la musique, et à coup sûr, ce n’est pas une mauvaise nouvelle pour les musiciens. En effet, avec tous les moyens disponibles pour toucher un public, les artistes n’ont jamais eu autant d’opportunités.
Qu’est-ce qui va se passer ? Et bien voilà ce qu’on nous prédit :
Certains voient cette tendance comme une calamité. Le fait que Radiohead ait commencé par mettre son dernier album en ligne et la défection de Madonna de Warner Bros pour Live Nation, un promoteur de concerts, sont considérés comme le signal de la fin de l’industrie de la musique telle que nous la connaissons. En fait, ce ne sont que deux exemples de l’accroissement des possibilités qu’ont les musiciens de travailler en dehors des liens traditionnels envers les labels. De nos jours, il n’y a pas voie unique dans ce commerce. En fait, j’ai pu dénombrer six modèles viables. Cette diversité est saine pour les artistes, elle leur donne plus de sources de revenus et de chances de gagner leur vie. Et c’est bon aussi pour le public qui pourra écouter plus de musiques – et des plus intéressantes. Prenons du recul et remettons les choses à leur place.
Qu’est-ce que la musique?
Tout d’abord, une définition des termes. De quoi sommes nous en train de parler ? Qu’est-ce qu’on achète et vend vraiment ici ? Auparavant, la musique était quelque chose qu’on allait entendre – c’était autant un événement social que purement musical. Avant que les techniques d’enregistrement n’existent, on ne pouvait pas séparer la musique de son contexte social. Chansons épiques et ballades, troubadours, divertissements de cour, musique d’église, chants chamaniques, rengaines de pubs anglais, musique cérémonielle, musique militaire, musique pour danser – à peu près toutes étaient liées à des fonctions sociales. C’était communautaire et bien souvent utilitaire. On ne pouvait pas l’emmener chez soi, la copier, la vendre comme une marchandise (en dehors des partitions, mais ce n’est pas de la musique), ni même la ré-écouter. La musique était quelque chose qu’on vivait, intimement lié à votre vie. Vous pouviez payer pour entendre de la musique, mais après, c’était fait, c’était disparu – un souvenir.
Au 20e siècle, la technologie a changé tout cela.
La musique – ou du moins son artefact enregistré – est devenue un produit, une chose qu’on pouvait acheter, vendre, négocier, et rejouer indéfiniment dans n’importe quel contexte. Cela a renversé l’économie de la musique, mais nos instincts humains sont restés intacts. Je passe beaucoup de temps des écouteurs dans les oreilles à écouter de la musique enregistrée, mais je continue de sortir pour me joindre à la foule d’un public. Je chante pour moi-même, et, oui, je joue d’un instrument (pas toujours bien).
Nous voudrons toujours que la musique fasse partie de notre tissu social : se rassembler aux concerts et dans les bars, même si le son craint ; faire passer la musique de main en main (ou par Internet) comme une forme de monnaie sociale ; construire des temples où seuls des « gens de notre genre » peuvent écouter de la musique (les opéras et salles de concerts symphoniques) ; vouloir en savoir plus sur nos bardes préférés – leur vie amoureuse, leurs vêtements, leurs convictions politiques. Ce qui trahit une impulsion permanente d’avoir un environnement bien au delà d’un morceau de plastique. On peut dire que cette pulsion fait partie de notre patrimoine génétique.
C’est de tout cela que nous parlons quand nous parlons de musique. Tout.
Que font les maisons de disques ? Ou, plus précisément, que faisaient-elles ?
- Financer des sessions d’enregistrement.
- Fabriquer le produit.
- Distribuer le produit.
- Commercialiser le produit.
- Emprunter et avancer l’argent pour les dépenses (tournées, clips, coiffure et maquillage).
- Conseiller et guider les artistes quant à leurs carrières et enregistrements.
- Gérer la comptabilité.
Voilà le système qui a évolué tout au long du siècle passé afin de commercialiser le produit, c’est-à-dire le contenant – vinyle, cassette, disque – qui véhiculait la musique. (Appeler ce produit de la musique c’est comme vendre un caddy et appeler ça de l’alimentation.) Mais beaucoup de choses ont changé au cours de la dernière décennie, réduisant le coût de ces services pour les artistes.
Par exemple :
Les coûts d’enregistrement sont presque tombés à zéro. Avant, les artistes avaient besoin des labels pour financer leurs enregistrements. La plupart n’avaient tout simplement pas les 15 000$ nécessaires (au minimum) pour louer un studio professionnel et payer un ingénieur et un producteur. Pour de nombreux artistes – peut-être même la majorité – ce n’est plus le cas. Maintenant, on peut faire un album sur le même ordinateur qui sert à consulter vos emails.
La fabrication et les coûts de distribution se rapprochent de zéro. Auparavant, il y avait une ligne en-dessous de laquelle il était compliqué de diffuser un enregistrement. Avec les vinyles et les CDs, il y avait des coûts de base de fabrication, d’impression, d’expédition, etc. C’était rentable – en fait, c’était essentiel – de vendre en grands volumes, car c’était comme ça qu’on amortissait nombre de ces coûts. C’est fini : La distribution numérique est quasiment gratuite. La distribution n’est pas moins chère à l’unité pour un million d’exemplaires que pour une centaine.
Une tournée, ce n’est pas seulement de la promotion. Les lives ont été considérés essentiellement comme un moyen de communiquer pour une nouvelle sortie – un moyen d’arriver à ses fins, et non une fin en soi. Les groupes s’endettaient pour pouvoir tourner, escomptant récupérer leurs pertes plus tard en ayant augmenté les ventes de disques. Ce qui, pour être franc, est complètement faux. C’est rétrograde. Le live est une chose en soi, une compétence distincte, différente d’enregistrer des albums. Et pour ceux qui savent le faire, c’est une façon de gagner sa vie.
Alors, avec tous ces changements, qu’arrive-t-il aux labels ? Certains vont survivre. Nonesuch, où j’ai fait plusieurs albums, a prospéré sous la propriété de Warner Music Group en fonctionnant avec un personnel réduit de 12 personnes et en restant concentré sur le talent. « Les artistes comme Wilco, Philip Glass, K.D. Lang, et d’autres ont vendu plus que quand ils étaient dans des soit-disant majors » me disait Bob Hurwitz, président de Nonesuch, « même en période de crise. »
Mais certains labels vont disparaître, étant donné que les fonctions qu’ils remplissaient sont aujourd’hui découpées et servies par d’autres services plus économes. Lors d’un récent entretien que j’ai eu avec Brian Eno (qui produit le prochain album de Coldplay et écrit pour U2), il était enthousiaste à propos de I Think Music – un réseau en ligne de groupes indés, de fans et de boutiques – et pessimiste quant à l’avenir des labels traditionnels. « Structurellement, ils sont beaucoup trop grands« , disait Eno. « Et ils sont complètement sur la défensive aujourd’hui. Leur seule idée, c’est qu’ils peuvent vous offrir une grosse avance – ce qui reste attirant pour un grand nombre de jeunes groupes qui débutent. Mais c’est tout ce qu’ils représentent aujourd’hui : un capital. » Alors, où les artistes trouvent leur place dans ce paysage changeant ? Nous trouvons de nouvelles options, de nouveaux modèles.
Les six possibilités
Là où il y n’en avait qu’un, maintenant il y en a six : Six modèles potentiels de distribution de musique, allant de celui où l’artiste n’intervient pas à celui où l’artiste fait pratiquement tout. Sans surprise, plus l’artiste est impliqué, plus il ou elle peut faire de profit sur chaque unité vendue. Le modèle autonomiste débrouillard n’est clairement pas pour tout le monde – mais justement. Maintenant, on a le choix.
1. À une extrémité de l’échelle se trouve le 360 degrés ou contrat par actions, où chaque aspect de la carrière de l’artiste est géré par les producteurs, promoteurs, responsables marketing, et les managers. L’idée est qu’on peut atteindre la saturation du marché et de fortes ventes en étant soutenu par une puissante machine dont le travail est de générer du profit à partir de tout ce que vous faites. L’artiste devient une marque, détenue et exploitée par le label, ce qui, en théorie, donne à cette entreprise une perspective à long terme et un intérêt à développer la carrière de cet artiste.
Les Pussycat Dolls, Korn, et Robbie Williams ont pris de telles dispositions, vendant leurs actions dès qu’ils touchent à quelque chose. Les T-Shirts, les disques, les concerts, les vidéos, la sauce barbecue. L’artiste obtient en général une importante avance. Mais je doute qu’on laisse les décisions artistiques dans ses mains. En règle général, là où le cash entre, le contrôle artistique sort. L’actionnaire associé ayant trop d’intérets en jeu. C’est le type de contrat que Madonna vient de signer avec Live Nation. Pour une somme rapportée de 120 millions de dollars, cette entreprise – qui jusqu’ici gérait surtout la production et la promotion de concerts – récupère à la fois une part de ses concerts et de ses ventes de musique. Pour ma part, je ne voudrais pas être redevable de Live Nation – une filiale de Clear Channel, le conglomérat radiophonique qui a transformé les ondes américaines en petite bière. Mais Madge est une maligne ; elle a toujours été encline à contrôler ses propres affaires, alors on verra.
2. Ensuite vient ce que j’appellerais un contrat de distribution classique. C’est plus ou moins ce avec quoi j’ai vécu pendant plusieurs années quand j’étais membre des Talking Heads. La maison de disque finance l’enregistrement et gère la fabrication, la distribution, les services de presse , et la promotion. L’artiste touche un pourcentage de royalties une fois tous ces autres coûts payés. Dans ce type de scénario, le label possède les droits de l’album. Pour toujours.
Un autre piège avec ce type de contrat : bien souvent la pop star typique vit avec une dette envers sa maison de disque et une foule d’autres entités, et si elles traversent une période de vaches maigres, elles peuvent finir ruinées. Michael Jackson, MC Hammer, TLC – le danger de la dette et du dépassement est de l’histoire ancienne. Visiblement, le coût de ces services ainsi que les frais généraux de la maison de disque justifient pour une grande partie le prix des CD. Vous, l’acheteur, payez pour tous ces camions, ces usines de CD, ces entrepôts, et tout ce plastique. En théorie, étant donné que nombre de ces coûts disparaissent, ils ne devraient plus être plus être à la charge du consommateur – ou de l’artiste.
Bien sûr, plusieurs de ces services traditionnellement offerts par les labels dans un contrat classique sont désormais sous-traités. Les services de presse et la publicité, le marketing en ligne, les designer graphiques – tous sont bien souvent exécutés par de plus petites sociétés indépendantes. Mais celui qui paie le bal mène la danse. Si la maison de disque paie les sous-traitants, alors la maison de disque décide au final à qui ou quoi va la priorité. S’ils n’y « voient pas de single », ils peuvent vous dire que l’album ne sortira pas.
Alors que se passe-t-il quand les ventes en ligne éliminent nombre de ces charges ? Regardez iTunes : 10$ [NDT : env. 7€] pour télécharger un « CD », cela reflète les économies de coûts d’une distribution en ligne, ce qui semble équitable – de prime abord. C’est certainement mieux pour les consommateurs. Mais une fois qu’Apple a pris ses 30%, le pourcentage de royalties s’applique et l’artiste – surprise ! – ne s’en sort pas mieux. Ce n’est pas une coïncidence si les conséquences sont similaires à celles de la récente grève des auteurs d’Hollywood. Est-ce que les artistes vont se rassembler et faire la grève?
3. Un contrat de cession est similaire au contrat classique, à l’exception que dans ce cas l’artiste conserve les droits et la propriété des bandes originales de l’enregistrement. Le droit d’exploiter cette propriété est concédée à un label pour un laps de temps limité – habituellement sept ans. Passé cela, les droits de cession pour des émissions de télé, des publicités et assimilées, reviennent à l’artiste. Si les membres de Talking Heads détenaient les droits des bandes originales de de notre catalogue aujourd’hui, nous gagnerions deux fois plus sur nos droits d’auteur – et pour des artistes comme moi c’est la principale source de revenus. Si un groupe a fait le disque lui-même et n’a pas besoin d’aide financière ou artistique, ce modèle vaut le coup d’oeil. Il permet une meilleure liberté artistique, puisque les types en beaux costumes y interviennent moins. Le revers de la médaille c’est qu’étant donné que le label ne possède pas les bandes originales, il est probable qu’il investisse moins dans cette sortie pour en garantir le succès.
Mais avec le bon label, le contrat de cession peut être un formidable moyen de réussite. C’est le lien qu’Arcade Fire a avec Merge Records, un label indé qui s’en est très bien sorti avec ses groupes en évitant l’approche gros-label, grosses dépenses. « Il s’agit en partie de rester réaliste et de ne pas se mettre à découvert » explique Mac McCaughan, le cofondateur de Merge. « Les groupes avec lesquels on travaille, on ne leur conseille jamais de faire de clips. J’aime bien les clips, mais ça ne fait pas vendre énormément de disques. Ce qui fait vraiment vendre c’est la tournée – et les artistes peuvent vraiment gagner de l’argent en tournant s’ils arrivent à limiter leurs dépenses. »
4. Ensuite il y a le contrat de participation aux bénéfices. J’ai fait quelque chose de ce genre pour mon album Lead Us Not Into Temptation en 2003. J’ai reçu une avance minime de la part du label, Thrill Jockey, étant donné que les coûts d’enregistrement étaient couverts par un budget de bande-son de film, et nous avons partagé les bénéfices dès le début. Je conservais la propriété des bandes. Thrill Jockey fait un peu de marketing et de promo. J’ai peut être vendu moins de disques que je l’aurais fait avec une plus grande société ou non, mais au final j’ai remporté une plus grosse part par unité vendue.
5. Dans un contrat de fabrication et distribution, l’artiste fait tout à l’exception, et bien, de la fabrication et la distribution du produit. Souvent, les entreprises qui pratiquent ce genre de contrats proposent également d’autres services, comme le marketing. Mais compte tenu des volumes, elles ne s’attendent pas à gagner beaucoup, donc dans ce cas leur motivation est limitée. Les grandes maisons de disques ne font traditionnellement pas de contrat de F&D.
Dans ce scénario, l’artiste a un contrôle absolu sur la direction artistique, mais le pari est plus risqué. Aimee Mann fonctionne comme ça, et cela marche vraiment bien pour elle. Michael Hausman, le manager de Mann, me disait : « Beaucoup d’artistes ne se rendent pas compte de combien d’argent ils pourraient gagner en conservant leurs droits et en gérant directement leurs cessions« . « Si c’est fait comme il faut, on est rapidement payé, et payés encore et encore. C’est une source de revenus formidable. »
6. Finalement, à l’extrémité de l’échelle, il y a le modèle d’auto-distribution, où la musique est auto-produite, auto-composée, auto-jouée, et auto-markettée. Les CD sont vendus lors des concerts ou via un site web. La promotion est une page Myspace. Le groupe achète ou loue un serveur pour gérer les ventes de téléchargements. Dans les limites de ce qu’ils peuvent se permettre, les artistes ont le contrôle artistique complet. En pratique, particulièrement dans le cas des artistes émergents, cela peut signifier une liberté sans ressources – une forme d’indépendance plutôt abstraite. Pour ceux qui projettent d’emmener leur matériel sur la route et en live, les contraintes financières limitent encore plus. Les orchestres de fond, les écrans géants et les vidéos, et les éclairages high-tech bizzares ne sont pas données.
Radiohead a adopté ce modèle d’autonomie pour vendre In Rainbows en ligne – et est allé un cran plus loin en laissant ses fans donner le prix de leur choix au téléchargement. Ils n’étaient pas les premiers à faire cela – Issa (connue auparavant sous le nom de Jane Siberry) fut la pionnière il y a quelques années du modèle payez-ce-que-vous-voulez – mais le coup de Radiohead était de plus large stature. C’est peut être moins risqué pour eux, mais c’est un signe évident du vrai changement à l’oeuvre. Comme me l’a dit l’un des managers de Radiohead, Bryce Edge : « L’industrie a réagit comme si la fin était proche. ‘Ils ont dévalué la musique, ils la donnent pour rien’. Ce qui n’était pas vrai : Nous avons demandé aux gens de lui donner une valeur, ce qui est une toute autre sémantique pour moi. »
De ce côté du spectre, l’artiste s’attend à recevoir le plus large pourcentage de bénéfice par par unité vendu – peu importe une vente de quoi. Un plus gros pourcentage de plus petites ventes, très probablement, mais pas toujours. En fait les artistes qui font tout par eux-mêmes peuvent gagner plus d’argent que les méga pop-stars, même si les chiffres des ventes peuvent sembler minuscules en comparaison. Évidemment, tout le monde n’est pas aussi rusé que les vieux renards de Radiohead. On ne devrait peut-être mieux pas donner le volant à Pete Doherty.
Liberté contre pragmatisme
Ces modèles ne sont pas définitifs. Ils peuvent muter et évoluer. Au départ Hausman et Mann ont pris la voie de l’autonomie totale, recevant des commandes et expédiant des CD par enveloppes Chronopost ; puis plus tard, ils ont cédé les droits des albums à des distributeurs. Et les choses changent avec le temps. A l’avenir, nous verrons plus d’artistes choisir ces différents modèles ou mélanger et assembler différentes versions de ceux-ci. Pour les artistes en place ou émergents – qui s’intéressent à l’écroulement du marché de la musique – c’est en fait une époque formidable, pleine d’options et de possibilités. L’avenir des carrières dans la musique est grand ouvert.
Nombre de ceux qui choisissent de prendre une avance en cash ne sauront jamais qu’une approche à long terme aurait peut être été plus sage. Les mega pop stars auront toujours besoin d’un sérieux coup-de-pouce et d’un soutien marketing pour leur nouvel album que seules les maisons de disques traditionnelles peuvent fournir. Pour les autres, ce qu’on appelle un label pourra être remplacé par une petite entreprise qui centralise les revenus et les factures de diverses entités et tient les comptes. Un consortium d’artistes moyens suffirait à faire fonctionner ce modèle. United Musicians, l’entreprise créée par Hausman, en est un bon exemple.
Je conseillerais personnellement aux artistes de conserver leurs droits d’édition (enfin, autant que possible). Les royalties sont ce que versent les éditeurs quand quelqu’un reprend, sample, ou utilise votre chanson dans un film ou une publicité. Pour un compositeur, c’est votre plan de retraite ça.
De plus en plus, les artistes ont également la possibilité de conserver les droits d’auteur de leurs enregistrement. Ce qui leur garantit une part du lucratif gâteau des royalties de plus, et leur donne le droit d’exploiter leur œuvre dans les média du futur – les neuro-implants musicaux et compagnie.
Aucun modèle ne fonctionnera pour tous. Il y a de la place pour tout le monde. Certains artistes sont les Coca-Cola et le Pepsi de la musique, tandis que d’autres sont les grands vins – ou les terribles eaux-de-vie « faites-maison ». Et c’est très bien comme ça. J’aime bien Umbrella de Rihanna et Ain’t No Other Man de Cristina Aguilera. Parfois, un soda bien basique est exactement ce dont vous avez envie – juste pas au prix de l’autre truc. Il n’y a pas si longtemps, cela ressemblait souvent à tout ou rien, mais peut être que maintenant on ne sera pas obligé de choisir.
En fin de compte, tous ces scenarii doivent satisfaire les mêmes besoins humains : à quelles fins avons-nous besoin de musique ? Comment fait-on pour visiter où la musique nous conduit, ces terres dans nos têtes et ces lieux dans nos coeurs ? Puis-je avoir un billet aller-retour ? Sérieusement, est-ce que ce n’est pas ça qu’on veut acheter, vendre, échanger ou télécharger ?«
David Byrne
Graphiques : Jupiter Research, Recording Industry Association of America, Almighty Institute of Music Retail, Wired Research
Traduction: Hilaire Picault
Texte original: http://www.wired.com/entertainment/music/magazine/16-01/ff_byrne
20 commentaires
C’est un croyant mon cher Jon Jon, un simple croyant. Tout ce que la bonne musique déteste. C’est pour ça qu’y a plus grand-chose qui sort ces temps-ci. Le degré de croyance ou de foi dans le système, quelles que soient ses formes, détermine celui de formatage des éléments de ce système. Cf les Etats-Unis. Cf Radiohead. Cf Dave Grolh. Cf Cat Power. Cf Julien Doré. Cf l’électro-kraut. Cf les festivals. Cf les groupes de pop islandais et canadiens. Cf ta mère en short.
Matt Oï :
Intéressant commentaire qui mériterait peut-être un article entier pour développer.
L’article commencerait par : « il était une fois un critique rock qui avait décidé de faire son métier et d’en vivre »
et ne se terminerait pas comme les trois petits cochons à cause d’Internet.
Analyse claire et synthétique. Perspectives enthousiasmantes. Merci à l’auteur et au traducteur pour cette manne autant stimulante qu’éclairante…
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j ecoute de longue date bd q uil reflechisse a c ette revolution me semble saint! ces albums sont exelents!
Très intéressant.
Je signale une coquille au passage. L’emploi du conditionnel est ici injustifié: à la fin du 3e paragraphe (le 1er étant dédoublé), « Je l’aimerais toujours » devrait être remplacé par « Je l’aimerai toujours ».