La première fois que j'ai "vu" Darko autre part que derrière des platines, nous étions sur le réseau téléphonique: « Oui ? Allo ? Pardon ? Ah, non en fait j'entendais pas grand

La première fois que j’ai « vu » Darko autre part que derrière des platines, nous étions sur le réseau téléphonique: « Oui ? Allo ? Pardon ? Ah, non en fait j’entendais pas grand-chose ». Communiquer c’est toujours pareil, prier pour que les connexions se fassent le plus rapidement pour se faire entendre. Une ou deux bafouilles et c’est parti pour un blanc qui plane sur le réseau.

A la base, c’était surtout pour discuter du festival de musique électronique qu’il organise au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, le BEMF pour Brussels Electronic Music Festival. Ca a forcément dérapé sur son parcours, ce qui permet d’apprécier aussi son idée de la progression. La musique électronique, qu’il appelle encore et sans honte techno, Darko la voit défiler depuis une vingtaine d’années. « J’ai vu Daft Punk dans une salle de 300 personnes à Bruxelles, et tout le monde s’en foutait ». Une autre époque donc. Passer des semelles qui collent dans des caves noyées de bières au talon haut de la culture bruxelloise, ça lui a pris plus que quelques marches. Il fait d’abord parti de ceux qui achètent des masses et des masses de disques à une époque ou personne ne comprenait grand-chose, mis de côté ceux qui lui ressemblent. « A chaque fois qu’on entendait une voiture passer dans la rue avec de la techno, c’était toujours quelqu’un qu’on connaissait ». Ce sont les années quatre-vingt dix, où il vide ses poches toutes les semaines pour remplir ses caisses de vinyles, qu’il s’agisse de new wave ou de musique électronique. Aphex Twin, Carl Craig chez Crammed Discs (évidemment), toute l’acid-house de Chicago. De la New Beat, aussi (évidemment bis). Plus tard, il bosse avec le producteur et patron de Kompakt, Michael Mayer. Ca durera sept ans. Il fait découvrir la minimale à Bruxelles par le biais des soirées Statik Dancin’, une « plateforme » pour passer les disques qu’il aime quand pour lui la musique électronique commence à tourner en rond. « La minimale c’est un état d’esprit, on peut y mettre autant du Steve Reich que Klaus Schulze. Et les soirées Statik Dancin’ c’était vraiment ça. Aujourd’hui ça perdu de son sens ».

A la recherche d’un nouvel endroit pour promouvoir ce qu’il affectionne le plus, Darko pousse les portes du Bozar. Pour la première fois, un DJ y est résident. « Ca a très bien marché, j’avais besoin de montrer que j’étais quelqu’un de sérieux, pas un illuminé comme beaucoup ». Darko pousse alors son ambition d’un cran, parce que « finalement aujourd’hui il ne se passe pas grand-chose, on a quelques trucs mais c’est minime comparé à ce qu’on avait avant. Il manque un lieu fédérateur, on a le Botanique ou l’Ancienne Belgique mais ils ne font que suivre la vague internationale ». C’est l’année dernière qu’il lance le BEMF, une année test qui réunit quand même 4000 personnes, dans un endroit où les gens ne sortent que rarement, voir jamais. Les gens ont pu y danser, mais aussi y écouter de la musique, assis. « J’aurais pu aller dans le sens d’I Love Techno mais c’est pas du tout mon but, le mien c’est d’anoblir la musique électronique parce que j’en ai marre qu’encore aujourd’hui on dise que la techno c’est de la musique de drogués. On aurait pu espérer qu’en l’an 2000, les années qu’on imaginait du futur avec les voitures qui volent, les gens auraient pu être beaucoup plus modernes alors qu’ils ont pris peur, tout ce qui était nouveau leur faisait peur. Plutôt que d’évoluer, les choses ont stagné. » Evoluer, c’est semble t-il le mot auquel Darko est le plus attaché.
Bien sûr, le fait d’organiser le BEMF au Bozar avec une programmation pointue mi-club mi-expé n’aide pas à atténuer sa réputation d’intello, que de toute manière il assume. « C’est vrai, il me faut une raison sur tout et par exemple inviter Roedelius (Cluster) c’est pas innocent. Peu importe la musique qu’il fait aujourd’hui finalement. J’ai voulu rendre hommage à Roedelius parce que c’est quelqu’un d’extraordinaire, son passé m’intéresse énormément, par rapport à l’histoire. L’histoire de Berlin me fascine depuis la Seconde Guerre mondiale. Roedelius a connu la guerre, Berlin a un passé très très lourd. C’est une ville comme Detroit, des villes qui ont énormément souffert, qu’on retrouve dans la musique et c’est ce qui est intéressant. La musique c’est juste une transcription de ce qui se passe dans la tête des gens ».

Dans quelques instants, nous allons raccrocher en espérant s’être bien compris. La dernière question sera celle du financement, des sponsors. Qui ne savent pas trop sur quel pied danser. Ce festival et l’ambition du Dj, c’est aussi l’histoire d’une rencontre qui bégaie entre deux boules à facettes qui ne tournent pas dans le même sens. Face aux annonceurs qui « ne comprennent pas de quoi il s’agit alors que c’est le même public qui va dans les clubs et achète leurs produits », Darko se frotte cette fois encore aux regards louches qui ne voient pas très bien où il veut en venir.

http://www.bemf.be/
Du 26 au 28 mars, au Bozar de Bruxelles

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