Cracbooms, JC Satan, quoi de commun si ce n’est qu’ils sortent un EP et un album à peu près en même temps ? Si ce n’est encore que, chacun à leur façon, ils représentent une fuite en avant quelque peu salvatrice au milieu de l’apathie générale qui semble geler les valseuses et les cordes de guitare du moment. Peut-être ai-je enchaîné mauvais choix, coups de lose et twat move, mais j’ai tout de même l’impression qu’on s’emmerde violemment ces temps-ci. N’en jetez plus, le Calice va déborder. Convoquons plutôt la cellule de crise des plus hauts décideurs.

Novembre 2011, un ange plombé au crack céleste descend du ciel droit vers Paris. Récession pour tout le monde, application de la loi d’emmerdement maximum oblige, il pose une pèche en loucedé dans un bar à concert du XIème et accélère le tour du proprio. Son rapport au Tout-puissant est sans appel :

« Moi, missi dominici de la défaite gracieuse, sous-secrétaire à l’urgence de l’instant, attaché de direction à la beauté sans accroche et chargé de mission en babyloneries hormonales, je tiens à attirer votre attention, Monsieur, sur la désespérante situation qui caractérise le sinistre endroit de ma dernière inspection. L’urgence d’une action n’a d’égale que l’irrémédiabilité du couperet divin.

Ici bas, je n’ai pu constater que replis claniques en des lieux de culte dont le sectarisme constitue un obstacle évident et maléfique à l’universalisme adolescent de la mission divine. Je n’ai pu constater, encore, qu’adoration déplacée de semi-idoles aux prêches programmés sur boîtes à rythmes (Silver Apples, Death In Vegas, New Order). Je n’évoque que rapidement le manque de courage généralisé qui confine nos évangiles excentriques à jouer inlassablement dans les mêmes chapelles mal lustrées (NB : penser à programmer une apparition de votre Chaste Collaboratrice aux Finkielkrauts et autres Beat Mark pour évacuer toute crise de foi) ; et l’absence de prophète suffisamment insolent pour éviter à nos ouailles de débattre sans fin sur des aberrations imprévues par la Sainte parole (j’ai très récemment surpris des débats sur la qualité des prestations publiques de Lana Del Rey, dont la mission n’outrepasse pourtant pas l’émotion facile mais nécessaire des amateurs de clip lo-fi à enchaîner sur YouTube). Enfin, je ne peux que déplorer les réminiscences de paganisme esthétique qui s’accrochent comme tant de morpions sous les robes de bure, citons les enfants du roi foireux Wu Lyf tels que BRNS, qui persistent à imposer la power pop comme digne successeur du prog rock et distillent leurs saloperies de chansons infidèles parmi les masses à moustaches.

Voilà, pour résumer, une Terre désolante où règne – certes temporairement, je n’ignore pas le caractère cyclique de la Célébration déraisonnée – l’attente du renouveau, où la tension prend le pas sur l’abandon. Il me semble clair que l’ensemble manque d’un souffle nouveau pour abolir ces palissades qui n’ont rien de frontières qualitatives sacrées. Les quelques Saintes armées parties en croisade ces derniers temps ont multiplié les erreurs, oubliant de se trouver des guides indiscutables et fédérateurs, négligeant de s’armer de bonnes chansons avant de se parer de références indiscutables (la scène de la Cantine de Belleville…).

En un mot comme « encens », il est plus que nécessaire que Votre Grandeur prenne les décisions qui s’imposent à son Saint Esprit. Et si la Divine Sanction est indiscutable, je me permets deux recommandations :

La première, c’est celle de la lumière, des Cracbooms ! D’un groupe d’Aurillac, des derniers de communion qui enfilent les cierges comme d’autres allument les perles. On savait bénie l’A71 depuis l’Odyssée prophétique de Mustang. On ignorait qu’au bout du chemin se trouvait le salut des âmes besogneuses. Car ces gens ne sont pas des élus, ils ont tout construit de leurs mains, le retour des charpentiers ! Ils ont appris pour survivre. Appris des échecs des autres apôtres avant eux : Parisians ou Mister Soap and the Smiling Tomatoes, et surtout Young Michelin. La différence par la justesse, le danger léger de la pop qui danse sur le fil du rasoir et léchouille l’arrête au bord du vide. L’inverse aussi, d’ailleurs. Et l’expérience itou : lâcher l’anglais pour le Français, acte de foi nécessaire pour toute musique assumant préciosité et ambition évangélique ; et travailler encore et toujours à son ouvrage jusqu’à atteindre l’artisanat pop ultime : la chanson comme icône fascinante. C’est proche et c’est loin à la fois, je n’ai pas de petite boite pour ranger l’émotion qui me prend à l’écoute de Copain Soleil, leur dernier EP. Quatre titres à l’enchaînement logique, mathématique. Rollercoster sans destination précise, on pose les rails à chaque note. Et à la fin du dernier accord du dernier titre, on envisage d’atteindre le sommet de la tour de Babel.

L’autre solution, Seigneur, c’est celle du banquet sans fin. Peut-être serait-il temps d’enfin répondre à l’invitation de JC Satan. C’est déjà le deuxième album, et quatre EP ont précédemment saigné à blanc les gencives des becteurs d’hostie. Il n’y a que les mormons et les illuminés pâlots pour comprendre un idéal ascétique de renoncement dans nos discours. JC Satan, c’est une bande de chevaliers jouisseurs qui ont compris que le Malin et vous-même travaillez au même dessein d’animation et d’envoûtement de la Passion qui doit nous mener en chantant jusqu’au Jugement Dernier. Pas un seul titre de Hell Death Samba qui ne respecte les chapelles de neuneus. Chaque riff est un appel à l’orgie, à laisser sur le bord de la route sa raison et son scientisme, à donner son corps à l’amour de la chair de votre création.

Dear Lord, je ne peux que vous enjoindre de noyer sous votre grâce de tels messagers. Il est plus que temps de ramener nos brebis égarées qui cherchent actuellement la route pour l’éternité bien loin des guitares et des comptoirs graisseux. Je m’engage en échange à vous faire cadeau de mes RTT et à ramener un peu de cette poudre de Barbès dont on dit le plus grand bien ici-bas.

Célestement. »

Cracbooms // EP Copain Soleil // http://www.myspace.com/thecracbooms
JC Satan // Hell Death Samba // Slovenly Records // http://www.myspace.com/jeanclaudesatan

8 commentaires

  1. euh j’ai tiqué sur une phrase

    « citons les enfants du roi foireux Wu Lyf tels que BRNS, qui persistent à imposer la power pop comme digne successeur du prog rock »

    je ne sais pas où tu as vu de la power pop chez Wu Lyf ou BRNS???

    chez Gonzaï on dit que seul le détail compte, hé bien en voilà un qui me chiffonne

  2. Cher Alex Twist, votre attention au détail vous honore et permet de dévoiler au monde entier mon dilettantisme quant à la relecture de mes propres papiers.

    Il fallait donc lire « heavy pop », je vous passe l’explication de la référence, vous semblez être un fidèle de la cour dudit roi foireux.

    Ceci dit, pour être tout à fait insupportable de mauvaise foi (et j’y tiens), le détail ne tient-il pas moins dans le nom de l’étalage que dans la façon similaire dont sont coupés les morceaux de barbaque qui le composent?

  3. à vrai dire en tant que défenseur de l’étalage en question (et non du roi dont je n’ai cure, j’ai fait allégeance depuis longtemps à la Grande Étoile, dont les deux plus belles planètes ont maintenant rejoint les cieux), ça m’a juste ennuyé une fois de plus de voir mon genre favori prendre une peau qui n’est pas la sienne qui ne lui ressemble guère

    car la Pop selon l’évangile des 3B (voir 4 ou 5) ne l’oublions pas était l’un des rares résistants à l’invasion progressive, c’était au début des années 70 période trouble où le rock se para de ses atouts les plus machistes de pacotilles ou d’un vernis intellectuel depuis largement craquelé
    dans cette ambiance morose pour une pop trop légère pour se laisser aller dans l’onanisme intellectuel ou physique (sur le manche comme tout « mec » qui se respect mais aussi avec les baguettes) les couches de résistances se sont emparer de leurs 12 cordes pour défendre autre chose

    aujourd’hui cet autre chose tu l’associe avec des gens qui précisément ont fait de l’onanisme intellectuel et du concept fumeux un art de vivre

    en bref ça m’a chagriné, au delà de ça ça ne remet pas en cause le reste du texte, ni le fond j’en conviens, j’irai même écouter les Cracbooms à vrai dire

  4. Ah! Si fidèle de la Grande Etoile vous êtes, alors des excuses je vous adresse pour vous avoir assimilé à la horde bien barbare des adorateurs de Wu Lyf.

    Et je ne peux qu’encourager votre envie d’écouter Cracbooms, qui partage, je pense, avec Chilton et ses ouailles un certain sens de la teenagerie illuminée.

    Au plaisir de confronter notre zèle liturgique en la matière.

  5. Marrant cet attachement aux Cracbooms, perso l’EP m’a complètement glissé dessus, tel un savon sans odeur. Le grand paradoxe, c’est ce qui me touche chez Mustang – la langue française – m’insupporte chez eux. Pouvez-vous m’aider cher docteur?

  6. Pour faire simple, c’est de la poésie pour ceux qui ne sont jamais partis en voyage aux vacances d’été.

    Moi ça m’a tout de suite rappelé les mois d’août à schlaguer dans des villages déserts, les fringues nazes que tu portes parce que de toutes façons l’ambiance est pas au style, les disques un peu lose que t’écoutes pour niquer le silence.

    Alors tu glandes avec tes potes à qui t’as plus rien à dire et des meufs qui préfèrent baiser des mecs plus vieux.

    Mettre tout ça dans un disque de pop de façon aussi esthétique, c’est un genre d’exploit je trouve.

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