Tu ne connais rien à la techno? Tu veux qu’on te laisse tranquille pour écouter tes vieux disques de Lou Reed en chouinant? Ok. Mais sache que dehors les jeunes t’attendent pour la révolution et qu’ils sont chauds : Curses, Keith Flint, La Dame Noir, December ou Viagra Boys… Ces mecs sont armés de barres de fer et veulent en découdre avec la terre entière.

Howie B Feat. Norman Reedus – Harmonica

Ne me demandez pas comment ces deux mecs se sont connus. Nous sommes face à une collaboration assez improbable : à ma droite Howie Berstein, producteur légendaire des vieilles années 90 connu pour ses travaux trip-hop de Bjork à Massive Attack. A ma droite, Norman Reedus, l’acteur américain aux 6.2 millions d’abonnés sur Instagram, le motard à l’arbalète de la série The Walking Dead. Ce dernier a plutôt l’habitude de traîner avec Slayer mais on le retrouve ici dans la maison de campagne française de tonton Howie, en mode Mark Lanegan, poète introspectif à la Bukowski. Un projet plutôt confidentiel, exigeant mais magnifique.

Tanglewood Boyz – Focus

Lors du dernier passage de LCD Soundsystem à l’Olympia pour sa reformation, j’avais une vue en hauteur, assez dégagée, sur l’ensemble de la scène. C’est là que j’ai été spectateur du petit manège du leader. Caché derrière une sorte de paravent, derrière la batterie sur le côté, James Murphy a passé la soirée à examiner les bouteilles de vin qu’on lui apportait. Je veux dire, le mec était en mode œnologie ! Entre chaque tour de chant de drama-queen, il se cachait pour boire trois gorgées de vin, faisait tourner son verre puis le humait, demandait à rapporter la bouteille à un grouillot de service backstage car visiblement pas à la bonne température, faisait changer le seau six fois, buvait deux autres gorgées d’une bouteille neuve avant d’en faire rapporter une nouvelle. Bref, un genre de petit cirque assez pédan,  à l’abri des regards. Le mec a quitté la musique pour monter une cave à vin, ou je ne sais quoi – ok – mais au final ces petites considérations bourgeoises, ces hobbies aristocratiques, posent question. C’est donc cela le futur d’un punk rocker? On commence adolescent, fan des Reagan Youth et des Germs, on traîne dans des squats de NYC pour jouer de la disco-pédé et tout ça finit en chemise Saint Laurent sur scène à Paris, en mode « je connais le vin français, Môa Monsieur ». Au fond, je ne vois pas de différence avec Bob Sinclar.

Changement d’ambiance.

Will Morrow ne porte pas – encore – de chemise Saint Laurent et je ne pense pas qu’il ait une passion pour le vin. Depuis Memphis, ce jeune gamin de vingt ans sort un de ses tous premiers morceaux. Un EP d’un label qui se veut représentatif du son ghetto-house de Memphis sauf que très curieusement ce morceau sonne incroyablement anglais : un genre d’Underworld hooligan-house. Pour ceux qui se souviennent en gémissant de Audio Bullys et autres Renegade Soundwave.

Enea Pascal – Papa Boy

Petit Biscuit et les Sex Pistols, même combat? Je trouve ça formidable, Petit biscuit. Vous savez, ce gamin qui fait de la techno un peu mélancolique, vaguement EDM, de la techno pub pour les 14-17 ans. Des sons faciles où les sentiments sonnent forcés et surjoués à l’extrême et où la mélancolie est tragique jusqu’à l’absurde. Bien sûr, sa musique est épouvantable et sert de bande-son  pour des pubs de shampoings; mais un détail m’a marqué : comme les Sex Pistols avant lui, Petit Biscuit ne cache pas son acné sur les photos de presse. Et cette acné purulente, rouge et enflammée est ici brandie comme un trophée, un symbole de ce que les autres artistes ne peuvent plus s’acheter malgré les poses lascives et les coupes de cheveux étudiées. Comme les clichés du combo punk en 1976, Petit biscuit arbore ces stigmates que le sociologue Dick Hebdige dans son essai Subculture : The Meaning Of Style décrit comme un « signe d’une identité proscrite, une source de valeur ». Je vous raconte ces conneries car cet artiste italien, Enea Pascal,  est très jeune lui aussi. C’est son premier morceau et il ne ressemble à rien de connu. Surtout, je ne sais pas grand-chose de lui: seulement que l’underground italien se réveille et qu’il fait partie d’Ivreatronic, un collectif de producteurs quelque part entre Turin et Milano. Forza Ivreatronic !

Luxus Varta .Feat. Paris The Black FU – Stilnox

Un documentaire d’Arte, au sujet d’une mission archéologique sur les sites de Pétra et d’Hégra en Jordanie qui révèle l’ingéniosité de cette civilisation datant de 64 av JC. Ce qu’il en ressort? C’est que les seigneurs de l’époque se sont fait bâtir une piscine géante en plein désert au bord de laquelle ils pouvaient se délecter de mets délicieux à base de viande de chèvre rôtie et de vins moelleux pendant qu’une bande de cons taillaient dans la roche leurs futurs tombeaux et une autre piscine plus grande encore, sous un soleil de plomb, accompagné de coups de fouet. On n’en sortira jamais. Et ne comptez pas sur Jean-Luc Mélenchon ou sur votre carte de fidélité  Bio C Bon pour ça. Personnellement, je n’ai pas envie de tailler les tombeaux royaux de ces fils de pute et j’ai choisi mon camp: celui du mal. Ce morceau de Luxus Varta doit nous le rappeler.

Mixhell – In Our Sleep

Un des plus grands écarts de la pop music, digne de celui de JCVD dans Full Contact. Bon, à la base, Igor Cavalera, derrière ce projet Mixhell, était le batteur de Sepultura. J’ai vu Sepultura à Milan pour leur tournée « Roots » en 1996. L’ambiance était houleuse, électrique. Il y avait plein de flics assez violents qui tentaient de provoquer des jeunes anarchos milanese, les barrières de sécurité ont volé dans les airs, il y avait du sang, des coups de matraques, un véritable chaos accentué par la violence de la prestation du groupe. Juste avant de commencer le morceau Territory, le chanteur a hurlé au micro en prenant à partie les carabinieri présents: “POLICIA DI MIERDAAAAAAAAAA”. Punk. Je n’ai plus suivi les différents line-up du groupe de death metal de Sao Paulo, mais le batteur a quitté le combo, s’est coupé les cheveux, porte désormais des pantalons skinny, traîne avec des Djs et produit des sons incroyables comme celui-ci, très Tom Tom Club sur les bords. Refuse, Resist!

The Golden Filter – Silence

Gesaffelstein, à force de se creuser la tête pour présenter au public une esthétique d’artiste sombre et en même temps tenter de s’approprier le marché US, est finalement à être aussi subversif qu’un méchant de Walt Disney. En quelques années, il est passé d’une ambiance parisienne-cran d’arrêt de la porte de Saint-Ouen au méchant dans Taram Et  Le Chaudron Magique. The Golden Filter est signé sur le label de Jennifer Cardini. Au niveau des influences, c’est très proche de Gesaffelstein mais ça sonne plus racé et leur disque est superbe.

Viagra Boys – Just Like You

Des punk-rockers suédois, tatoués et énervés. Et puis il y a ce morceau perdu au milieu du disque qui sonne disco. Un chanteur impressionnant et des paroles Gilets Jaunes: Ma haine sans fin envers cette putain de société / Dieu merci, je ne suis pas allé à l’école / Dieu merci, je n’ai pas fini comme toi.

Did Virgo Feat. Arthur Johnson –  Glass Wool Acts

Jean Cocteau disait de ces villes du sud dans son Livre Blanc qu’elles sont de « charmantes Sodome où le feu du ciel tombe sans frapper sous la forme d’un soleil câlin ». L’inépuisable label marseillais La Dame Noir fête ses huit années d’activisme et, incroyable, sort des morceaux de plus en plus magnifiques. Ici, c’est un south winner du virage sud – Dj Did Virgo – résident au Club la Dame Noir, avec cet EP magique, occulte, new wave et ultra sex. Ce titre comprend un featuring vocal du producteur talentueux Arthur Johnson et c’est réellement bien produit. Soutenez ce label, putain, c’est un des meilleurs en France. Je n’ai jamais parlé à Dj Did mais je l’ai souvent vu derrière les platines: il a une tête de Corse, est mal rasé, porte un sweat-shirt et arbore des tatouages de gangster russe sur les bras.

Mood Ring – Where R U Now

Je sais pas pour vous, mais je n’ai jamais été très porté sur la Drum’n’Bass. Cela fait un moment qu’il y a un revival là-dessus, mais mon opinion est toujours indécise à ce sujet. Cependant, au milieu d’un maxi anodin qui sonne comme un mélange de jungle et d’acid house livré avec une pochette The Simpsons pour enfoncer le côté 90’s – comme il en sort de centaines sur Bandcamp – arrive cette merveille. M.E.R.V.E.I.L.L.E. Un truc très pop entre le UK Garage et Scott Walker sorti plusieurs fois sur différent labels européens et dont l’identité de l’auteur reste mystérieuse à ce jour.

Curses – Surender ( Jennifer Cardini Remix)

Pour rappel, Curses a sorti il y a quelques mois un magnifique album de new wave moderne dont on a parlé. Depuis, le mec est hyper chaud bouillant:  il a réalisé genre 3 EP, des remixes en pagaille, s’occupe de son label et s’est produit en live partout en Europe à 3 heures du mat avec sa guitare. Ici un maxi de remixes d’un des morceaux de son disque “Romantic Fiction”, revu par son boss de label Jennifer Cardini. Très propre et très pop ce titre allie l’ambiance Nu-Romantic avec la Trance.

December – Sociability Is As Much A Law Of Nature As Mutual Struggle

Salut à toi punk anarchiste / Salut à toi skin communiste”. Il faudrait, humblement, dresser une statue à l’effigie du producteur parisien December aka Tomas More. Le genre de statue de celle de Michael Jackson pour « History ». Cela fait des années que Tomas More écume les clubs et les caves avec son perfecto pour passer des disques ultras glauques d’EBM flippantes. Il sort aussi des disques magnifiques, tout seul avec ses machines, et hurle dans son micro des slogans anarchistes. A écouter en relisant Kropotkine. #octogone  #labagarre

The Prodigy – Poison (Live at Phoenix. 1996)

On en a plus parlé que le mec de Talk Talk et ils étaient très nombreux à lui rendre hommage à son enterrement public. Alors que le gars n’a jamais produit ou joué une ligne de clavier. Il s’est contenté de poser des bribes de voix sur six ou sept morceaux et de faire le guignol. Oui, j’étais assez triste d’apprendre le décès de Keith Flint.

Résultat de recherche d'images pour "prodigy american flag firestarter"Adolescent en province, j’avais un poster de lui et Prodigy au-dessus de mon lit une place. Celui où tu les vois dans le tunnel glauque de Firestater, où il porte ce putain de t-shirt american flag qui l’a rendu célèbre. Enfin, ce n’était pas réellement un poster, parce que ça n’existait pas les posters de groupes techno, contrairement au rock. Dans mes souvenirs, j’avais découpé plusieurs photos dans des magazines que j’avais assemblé pour créer une sorte de fresque avec du scotch. Je trouvais ça cool d’être fan d’un groupe techno. J’étais même allé jusqu’à me procurer le même t-shirt punk rock des Warukers que Liam Howlett porte sur la photo intérieur du livret de « The Fat Of The Land ». J’ai entretenu une sorte de fascination pour le personnage de Keith flint. Je me souviens encore du choc quand j’ai vu la vidéo de Firestarter la première fois.

Cette vidéo réalisée par Walter A Stern a été filmée dans un égout vraiment dégueulasse qui sentait si fort la merde que les mecs devaient remonter à la surface entre chaque prise de vue tellement l’odeur était pestilentielle. Pour beaucoup, c’était du sous-Marylin Manson un peu techno avec le côté « brrr je fais des grimaces, je tire la langue et je suis possédé par le DIABLE DE LA MUSIQUE ». Mais avec le recul, la fabrication de ce personnage est réellement passionnante. Quand tu es un jeune kid, ce genre de truc te marque et te montre la voie à suivre. Beaucoup plus que Vald et son look de gars en CAP plomberie, par exemple. Car tout l’intérêt, dans la pop culture, réside dans le fait de s’inventer une vie de super héros: Ziggy Stardust, Kiss, 50 Cent ou Guns’’N’Roses. A l’origine, Flint était un jeune branleur au chômage qui trainait dans les raves et qui squattait des canapés. Un mec qui ne touchait pas la production, pas réellement un chanteur non plus mais il voulait s’investir dans ce mouvement techno. Dans le magazine Rock’n’Folk, quand Prodigy est arrivé avec ce succès phénoménal, Patrick Eudeline a comparé ce groupe à Frankie Goes To Hollywood. Comme si c’était une insulte. Keith Flint était le Bez de la Techno. Un pantin maléfique dont l’oeuvre est ce personnage qu’il s’est créé. Une profession de foi, un amour pour la pop culture. Je suis convaincu, au fond, qu’il a été influencé par cette courte séquence du documentaire « Live Sold Out » de Nirvana de 1993 où l’on voit un mec défoncé avec les cheveux longs, maquillé comme un clown et sans chaussettes qui danse sur scène pendant le morceau Lithium au côté de Kurt Cobain. Vous voyez de quoi je parle ? Bien sur, la carrière de Prodigy est devenue chiante et Keith est devenu un amateur de course de bécane sur circuit. Le groupe qui se produisait ces dernières années était plus proche d’un groupe de festival techno-rock pour bikers bien chiant. Mais putain, cette hallucination de Firestarter, quand même. Et ces paroles : « Je suis le gars par qui commencent les embrouilles / Un putain de punk /Je suis addict à la peur/ Je suis la pute que tu détestes /Je suis un cinglé qui fout le feu”. Ca et leur prestation au festival de Phoenix en 1996, quand Prodigy était clairement pro-cocaïne plutôt que génération ecstasy-Laurent-Voulzy.

 

 

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