Jimmy Hunt, le chanteur de Chocolat, n’aime pas qu’on imite l’accent québecois. C’est la première chose que j’ai apprise à son sujet, dans un appartement sombre de Montréal, alors que je m’en donnais à cœur joie et qu’il s’apprêtait à débarquer. Dans la pièce, il y avait déjà Emmanuel Ethier, discret guitariste du groupe et arrangeur, avec qui nous avions déjà commencé à parler des grand artistes francophones dont, probablement, Michel Polnareff. A l’époque, Jimmy préparait son album solo « Maladie d’amour » – un grand disque, comme je le découvrirai peu de temps après.
Puis Jimmy est arrivé. Je me souviens de son aura, il était entré dans la pièce un peu bourru, manifestement mitigé à l’idée qu’une soirée se soit organisée inopinément, et l’air avait changé dès qu’il avait pénétré dans le salon. Il avait quelque chose d’attirant. Il nous avait raconté une sortie en forêt et une vieille tournée qui avait mal tourné. Je le trouvais décidément magnétique et mystérieux. Puis je suis rentré en France. J’ai essayé de garder contact avec ces deux types, sans trop grand succès. J’avais envie que « Maladie d’amour » soit plus diffusé ici, mais pas de distributeur. Tant pis. Puis Chocolat est arrivé : Born Bad aux commandes pour la France, on n’a pas tardé à en entendre parler.
Mini-tournée et passage obligé par un des incontournables de la scène indé, j’ai nommé la Villette Sonique. Honnêtement, j’ai voulu couvrir ce festival presque exclusivement à cause de la présence de Chocolat. C’est finalement le seul concert sur lequel j’ai réussi à être accrédité. Juste retour des choses. Et c’est tant mieux : il fait parfois bon de privilégier la qualité à la quantité (ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : je n’ai pas vu les autres shows, ils étaient peut-être géniaux – c’était le cas de certains gratos du week-end d’ailleurs).
Chocolat fait de la musique sans filtre. Avec beaucoup de guitares, une sorte de rock psychédélique chanté dans un français noyé sous les salves de sons. Sur scène, c’est pareil, avec le visuel en plus, à savoir cinq mecs avec beaucoup de cheveux, qui ne parlent pas beaucoup (sauf pour engueuler l’ingé son) et qui envoient le bouzin. On est bien loin de la carrière solo de Jimmy. Et pourtant, il y a un fil conducteur : l’amour de l’arrangement. Ou comment faire sonner un accord pendant trois minutes sans que ça soit chiant. Idem avec la posture scénique : comment être dans son coin sans avoir l’air d’une réplique de Kurt Cobain sur le déclin. En faisant comme ça, naturellement, en occupant un espace où on n’a pas vraiment l’air de vouloir être, en s’en foutant du mec qui gueule « tabarnacle » en pleine accalmie (souvenez-vous ce que je vous ai dit sur Jimmy). En étant beau tout en étant moche. Et les quelques connards qui se sont essayé à un pogo absolument injustifié ont vite compris que s’il y avait un pièce à jouer ce soir-là, ils s’étaient définitivement trompés de théâtre.