Mais pourquoi diable une opinion modérée est-elle condamnée à être irrémédiablement chiante ? C’est absurde : dans la vie, d’une manière générale (à quelques notables exceptions près

Mais pourquoi diable une opinion modérée est-elle condamnée à être irrémédiablement chiante ? C’est absurde : dans la vie, d’une manière générale (à quelques notables exceptions près) la retenue, la politesse et le tact sont des valeurs qu’on prône volontiers. Mais dès qu’il s’agir d’écrivaillonner à propos de musique, c’est tout le contraire.

On voudrait que chaque groupe nous donne envie de vendre notre corps pour le suivre jusqu’au bout de monde. A tout le moins, on aimerait avoir quelque chose (comprenez : quelque chose de personnel – c’est de rigueur à l’ère de l’égotisme 2.0) à en raconter, le fil d’une histoire à en tirer. Bref, mon âme pour un angle qui vous ferait vibrer.

Parfois, ce n’est tout simplement pas le cas. Prenez Barbie Bangkok, ce groupe flamand dont le caractère anecdotique a déjà été abordé dans ces pages. Leur musique ne heurte pas l’oreille, on retiendrait même presque l’un ou l’autre refrain à fredonner lors d’un moment stéréotypiquement léger, genre un matin de printemps.

Sur scène, on ne trouve rien à leur reprocher. Rien de vraiment concret en tout cas, si ce n’est cette vague impression de propre, comme si ça aurait tout aussi bien pu se dérouler en prime time à la télévision publique. A tout y réfléchir, il n’y aurait rien d’insolite ni de dénigrant là-dedans, puisque la télévision publique flamande est, par essence, rock’n roll – à l’image de nos amis anglo-saxons (la subtilité en plus), les Flamands ont tellement intégré la culture pop-rock que, pour beaucoup d’entre eux, monter un groupe à quinze ans semble être une activité aussi saine que s’adonner au scoutisme. Le genre de groupe qui fait dire aux gens : Je ne suis pas sûr de ne pas aimer.

Je vois déjà les avocats de la passion en tant qu’art de vivre s’énerver :

M’enfin poupée, si ça ne te fait pas frissonner, si ça ne provoque en toi qu’indifférence glaciale, c’est que ça ne mérite pas d’exister. Pendons-les par les nerfs optiques en guise de punition et n’en parlons plus…

La couche de problèmes supplémentaire qui vient s’ajouter à tout ce désordre, c’est que les gars de Barbie Bangkok sont excessivement sympathiques. Interviewer Tom Goethals et Laurens Smagghe (le duo de tête), c’est comme boire une bière avec de vieux potes farceurs. L’un expose, de manière très convaincante, sa passion pour Jacques Dutronc et Claude François. L’autre n’hésite pas à se lancer dans un plaidoyer pour le kitsch, nécessaire à ses yeux pour contrer une norme rock’n roll imposant « l’air sérieux, le jeans et les chemises déchirées » (pas un peu old-fashioned comme vision, chou ?).

La conversation est bon enfant et tout le monde se marre, dans une grammaire trilingue approximative. Extraits choisis :

Sur la pochette de votre album, il n’y a que vous deux. Pareil sur les photos de votre Myspace. Du coup je pensais, un peu naïvement, que Barbie Bangkok était un duo, mais en fait, sur scène, vous êtes cinq…

Note interrogative tentant de faire passer cette affirmation mal formulée pour une question pertinente

Tom : Oui mais sur la pochette, il y a aussi un cheval. Tu crois qu’on aurait du emmener le cheval sur scène ?

Laurens : C’est parce qu’au moment d’enregistrer, c’était juste nous deux.

Tom : A cette époque, nous formions un couple uni [soupir dramatique]. Mais on s’est dit qu’ajouter deux filles et un membre d’une minorité ethnique, c’était vendeur !

S’en suivent force gloussements, démentis, et d’autres explications au caractère aussi sérieux que téléphoné.

Mais même quand Barbie Bangkok décline à cœur joie la vulgate commune à tout petit et moyen groupe qui tente de se lancer. On n’a pas envie de leur reprocher quoi que ce soit – ils restent humains, lucides. Alors on les écoute gentiment parler du Humo Rock Rally (les concours c’est bien, mais ça ne représente pas un ticket magique vers la célébrité non plus), sur leur envie de toucher un public en dehors de la Flandre, sur leurs galères et leur envie de gagner leur vie en tant que musicien.

Tom : Je suis facteur en fait. Je me lève à cinq heure du matin quand l’autre connard, là, n’émerge jamais avant midi… Mais de toute façon, avec ton article, on va percer en France et faire une super carrière, non ? Bye bye, mijnheer facteur.

Qu’il n’y ait aucune intersection entre l’ensemble des choses qui me font frémir et l’ensemble de celles que Barbie Bangkok a à offrir ne m’en paraît que plus regrettable. Une espèce de gâchis absurde.

Les opinions modérés, finalement, c’est peut-être vite oublié, mais, par ailleurs, c’est irrémédiablement triste…

http://www.myspace.com/barbiebangkokmusic

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