Après s’être mis en scène à faire les cons et à picoler en jouant du rock plutôt vintage, les quatre musiciens de Meltheads semblent avoir mis le pied à l’étrier. Il y a deux ans sortait une chanson en flamand proche de ce qu’on appelle la belpop mais c’est finalement une voie un peu plus bruyante qu’ils ont choisi d’emprunter pour leur apporter la consécration qu’ils recherchent avec « Decent Sex ».

Anvers, charmante ville du nord de la Belgique, célèbre pour son port commercial qui est l’un des trois plus importants d’Europe, mais aussi pour ses joailleries qui ne voient plus transiter de diamants russes depuis la nouvelle année. Quel rapport avec « Decent Sex », premier album de Meltheads ? Aucun me semble-t-il, je n’irai certainement pas écrire qu’il s’agit d’un « diamant brut », « pépite », « bijou » ou autres inepties qu’on observe dans la presse musicale. Toutefois, les quatre musiciens aux noms on ne peut plus flamands évoluent bien dans cette ville qui de par ses activités portuaires s’illustre aussi comme plaque tournante du narcotrafic européen.

Les stupéfiants, voilà la transition. Avec le sexe et l’alcool, leur consommation apparait constamment dans les compositions de Meltheads qui se la jouent un peu rockeurs des décadentes seventies tout en incorporant des genres musicaux et sujets relativement plus récents pour creuser leur sillon et rester crédibles dans le circuit européen.

Jeunesse turbulente

C’est un peu par hasard que je les ai découverts. À vrai dire, je ne m’étais jamais vraiment posé la question du rock chez les Flamands. La providence a voulu que je cède à la tentation d’ouvrir un e-mail avec pour intitulé « Metlheads : ne passe surtout pas à côté de ce groupe ! », qui, avec ce type d’accroche, me pousserait plutôt davantage à passer justement à côté de ce groupe.

En s’intéressant de plus près à Meltheads et ses quatre garçons qui ont entre 22 et 25 ans, on découvre que ça fait déjà un petit moment qu’ils traînent leurs guêtres entre les Pays-Bas et la Belgique. Au début de l’année 2019, un premier clip accompagnait leur titre Disco of L’amore, plutôt garage bluesy et chanté en anglais, qui s’ouvre sur les quatre musiciens en train de cuver sur une plage leur débauche éthylique de la veille. Comme dans Sweet Monica, puis We Used To, leurs morceaux suivants sortis en 2020, il y est essentiellement question de picole et de sexe, thématiques dans la droite lignée de l’archétype de la rock star du monde d’avant.

La pseudo apologie de la défonce semble s’achever en 2022 avec le plus politique Naïef, premier titre du groupe interprété en flamand qui se retrouve sur internet. Dans une récente interview pour le magazine Humo, le chanteur, Sietse Willems, soulignait cependant vouloir continuer à écrire en anglais pour s’exporter. « Le territoire néerlandais est tellement petit. Avant même de s’en rendre compte, on est déjà allé dix fois dans chaque salle. Nous aimerions regarder un peu plus loin. Mais nous n’excluons rien. Ce disque [« Decent Sex », NdlR] est en anglais. Peut-être que le prochain, ou celui d’après, sera en néerlandais, si nous en avons envie. » On apprend également au cours de cette longue interview, indéchiffrable sans Deepl, que Meltheads ont saigné les tremplins musicaux pour gagner un peu d’oseille et se faire un nom. C’est cette visibilité ponctuée de défaites qui les a fait surgir de l’anonymat pour signer sur Mayway Records, label de Courtrai qui sort ce présent album. 

Ravalement de façade ou continuité ?

Dans ce « Decent Sex » les influences post-punk, garage ou punk qui tire parfois vers la salade Fidlar, Shame, Uranium Club, Servo, Ditz ou Sonic Youth (et ainsi va le name dropping), se télescopent. La chanson éponyme ressemble un peu à Slaughter and the Dogs qui auraient entrepris une jam avec une contrefaçon de Charlie Steen bien entamé. La dimension lubrique, comme la toxicomanie, ressurgit finalement au galop dans leurs titres comme Night Gym et White Lies. Les textes sont cependant emplis d’autodérision et de désinvolture avec la crainte prégnante de ne pas se retrouver à la hauteur. Qu’il s’agisse de sexualité (« She’s crying, she’s laughing / she’s asking what’s my size / I could tell her that I’m big / But that would be a lie » sur White Lies) ou de la vie professionnelle (« I don’t wanna work in construction /  I don’t wanna work at the bar / I don’t wanna wait tables no more / I don’t want to have a job at all » sur Arbeit). 

En somme, ils s’intègrent dans cette mythologie de jeunes frustrés talentueux malgré eux chère à l’imaginaire rock qui, comme de nombreux désenchantés du système capitaliste avant eux, cherchent leur salut dans la musique et la débauche pour éviter une existence conventionnelle généralement pas très marrante. Sauf que, comme le confie les musiciens de Meltheads, ils ne s’attendaient pas à ce que la vie de rock star exige un certain professionnalisme, de la rigueur et de nombreuses concessions.

Sur le plan musical, l’esthétique nourrit les avides du rock bagarre. Meltheads suivent néanmoins les tendances actuelles à travers une musique qui s’exprime principalement avec le caractère bruyant du rock noise de nos jours.

Comme une légère entourloupe, Screwdrivers est la seule chanson pop, voire plutôt glam, de l’album. Vegan Leather Boots traite, elle, de masculinité toxique à travers l’injonction d’être un bonhomme et remet explicitement Morrissey à l’honneur avec cette allusion non feinte en fin de chanson : « Cause meat is fucking murder ». Mais ne nous laissons pas duper, Meltheads demeurent les mêmes sales gosses qu’ils étaient à leurs balbutiements musicaux. Pour assurer leur promotion et rester raccord avec le titre de leur album, ils ont sorti en goodies des capotes.

Meltheads se retrouve désormais gravé sur disque rose comme la luxure mais ils restent assurément un groupe pour s’enjailler en concert. À Paris, ils passeront par le Supersonic le 24 février et cet été ils s’emploieront à encanailler la scène du Dour Festival où ils sont programmés.

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