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Howlin’ Jaws voit paraître Half Asleep Half Awake, deuxième album pour lequel le trio s’est cette fois attaché à l’expérimentation sonore avec le soutien de Liam Watson au Toe Rag Studios de Londres. Et le résultat analogique, inévitablement, rappelle le travail de célèbres Anglais à la coupe au bol.

Il y a deux ans, Howlin’ Jaws sortait « Strange Effect », un disque qualifié de premier album. Mais en réalité, ces trois Parisiens qui se sont connus avant même la puberté cheminent sur le circuit depuis une bonne décennie. Après s’être essayés à développer un son punk en pleine adolescence tourmentée, le chanteur principal, bassiste et contrebassiste Djivan Abkarian, Lucas Humbert à la guitare et Baptiste Leon derrière la batterie se reconvertissent dans le rockab’ dont ils s’imprègnent jusqu’à la dégaine. Dès 2012, alors qu’ils n’ont que 15 ans, un album intitulé « Howlin’ Jaws » paraît sur Rock Paradise et les amène à assurer la première partie de la chanteuse américaine Wanda Jackson en Europe.

Craignant peut-être de sombrer dans l’oubli d’une gloire éphémère ou bien désireux de marquer les esprits, les trois adolescents balanceront ensuite un single deux-titres par an entre 2014 et 2016. Deux ans et de nombreux concerts plus tard, durant lesquels ils exerceront leur technique et affûteront leur son avec l’interprétation d’un mélange de compositions et de classiques rock’n’roll de la fin des années 1950 et du début de la décennie suivante, leur premier EP Burning House voit le jour.

 

Leurs années estudiantines semblent n’avoir aucunement freiné leurs aspirations. Au contraire, une fois déscolarisés, ils décident de mettre un coup de pied dans la fourmilière pour pouvoir vivre de leur musique. Les prestations s’enchaînent et, en 2019, ils composent en direct des répétitions de mise en scène la bande-originale de la pièce de théâtre Électre des Bas-Fonds, écrite par Simon Abkarian. Auréolée en 2020 de trois Molières et également de deux Prix du syndicat de la critique dont notamment celui du Meilleur compositeur de musique de scène pour Howlin’ Jaws, ils accompagnent la troupe pour la sonoriser à même les planches jusqu’en 2022.

Rencontre décisive

Suite à un concert au Fidler’s Elbow de Londres en octobre 2018, la chance leur sourit. Ils y rencontrent le producteur Liam Watson, fondateur du désormais légendaire Toe Rag Studios depuis l’enregistrement de « Elephant » des White Stripes. Le contact conservé, au cours de discussions ils envisagent une collaboration pour leur futur album. De cette rencontre fortuite émerge « Strange Effect », enregistré, mixé et produit par Liam Watson dans ce studio pensé pour travailler à l’ancienne, sans ordinateur, principalement avec du matériel analogique rétro. Un rêve qui se concrétise pour ces musiciens qui auraient certainement troqué l’ère Macron pour la France gaulliste.

Intitulé en hommage à l’implicite This Strange Effect des Kinks, comme si la décennie 1960 suivait son cours et laissait place à de nouvelles tendances, le trio parisien laisse le rockabilly à la marge pour faire évoluer sa musique – et sa dégaine – dans une dimension plus rhythm’n’blues et pop anglo-saxonne des swinging sixties. Cette fois-ci, Howlin’ Jaws a circonscrit une empreinte musicale bien définie qu’il a fait sienne. Une fois l’album dans les bacs, ils assurent dans la foulée les premières parties de la tournée des Limiñanas en France.

 

Turn on, tune in, drop out

Après le rockab’ et la pop anglo-saxonne à ses balbutiements, Howlin’ Jaws poursuit son voyage au cœur de l’épopée sixties avec « Half Asleep Half Awake », un deuxième album dans lequel ils explorent et incorporent davantage d’expérimentations sonores comme s’ils venaient de découvrir la distorsion des sons sous acide et que les révolutions techniques dans la production musicale venaient d’apparaître. À nouveau enregistré et produit dans la capsule temporelle de celui qu’on ne présente plus, une dimension légèrement onirique s’échappe des compositions, appuyée par la démarche plus électrique des guitares, boostée au phaser (notamment sur Mirror Mirror), bien plus présente que sur leurs précédents titres. Leur rock mute comme celui des musiciens actifs lors de l’émergence de la pop psyché avec de multiples allusions à la période.

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À l’instar du Tomorrow Never Knows des Beatles, par exemple, les voix sont doublées (peut-être par ADT au moyen de deux magnétophones comme l’a imaginé en 1966 l’ingénieur d’EMI Ken Townsend), puis passées dans une cabine Leslie. Sur le titre éponyme de l’album, certaines parties de guitare ont une sonorité comme si la piste avait été diffusée à l’envers (pratique affectionnée par George Harrison sur le morceau précité ou par  Jimi Hendrix sur Castles Made of Sands). « Half Asleep Half Awake » a par ailleurs sensiblement une couleur kosmisch dans son instrumentation motorik qui peut faire penser aux Allemands de Neu !

À l’image de cette curiosité pour les musiques d’ailleurs dans le milieu des années 1960, perçues alors comme exotiques et mystiques, des instruments comme le djura et des sagattes ont même été intégrés dans des compositions indéniablement rattachés au registre occidental.

It’s You commence presque comme Tomorrow Never Knows et aurait pu, à s’y méprendre, être incluse dans l’album « Revolver » des Beatles. Quant à See You There, elle semble naviguer dans la mouvance flower power californienne avec, en fin de chanson, ses phases aériennes de guitare un peu à la Jerry Garcia du Grateful Dead. Mais l’album contient aussi des chansons et ballades plus classiques du registre de Howlin’ Jaws avec notamment Through My Hands, Lost Songs, Mind Reader ou Blue Day.

Hasard de la providence qui veut faire vivre au trio l’expérience des glorieuses sixties, le 12 septembre, Howlin’ Jaws donnait un concert à la prison de Fleury-Mérogis. Date qui marquait les 20 ans du décès de Johnny Cash. Notons enfin que contrairement à l’identité visuelle habituelle du portrait de groupe sur leurs pochettes, la dimension psychédélique de celles de « Half Asleep Half Awake » (album et singles qui y sont liés) résulte d’une intelligence artificelle. Comme quoi, effectivement, demain ne sait jamais.

Howlin Jaws // Half Asleep Half Awake // Bellevue Music / Modulor
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