Pour leur deuxième disque « Honest Labour », les Anglais de Space Afrika se foutent totalement du format album. Dans un voyage kaléidoscopique à travers leurs mémoires, ils rendent un hommage radieux aux musiques qui les ont marqués.
Quelle serait la durée idéale pour un morceau de musique ? Peut-on en dire plus que Dennis Wilson dans la minute 22 de Be Still , Aphex Twin dans les 2:05 minutes de April 14th ou John Lennon dans les 2:28 de In My Life ? Brian Eno a-t-il vraiment besoin de 30 minutes pour faire vivre son « Discreet Music » ou Eliane Radigue d’une heure pour ouvrir sa « Trilogie de la Mort » ? Autant de questions qui n’ont plus vraiment lieu d’être hormis chez les monomaniaques alors que le classique format de la chanson pop d’environ trois minutes est enterré profondément sous terre à côté de Marc Toesca et du CD Single. A l’heure du streaming généralisé, la tendance qui se dessine dans la sphère grand public irait plutôt vers des formats courts vu la durée d’attention de l’auditoire et le besoin frénétique de clics. Mais, comme plus aucune contrainte technique n’empêche de baisser ou d’augmenter la durée, chacun fait un peu comme il veut. Le bon format selon moi irait autour des 5 minutes même si cela dépend aussi fortement du genre musical et que tout le monde s’en fout.
Cette introduction laborieuse n’a finalement pas grand-chose à voir avec le disque en question. A l’exception notable que le duo mancunien Space Afrika use d’à peu près toutes les durées dans les 19 titres qui composent son nouveau disque « Honest Labour », allant de 0:47 à 5:30. Mais ce n’est pas utilisé ici dans la démarche épuisante des interludes qui pullulent notamment dans le rap. Chaque titre a son idée, son ambiance et surtout son style dans un album voulant rendre hommage à toutes les musiques, et notamment les musiques noires anglaises (dubstep, UK garage, jungle, grime…) qui peuplent les esprits de Joshua Inyang et Joshua Reid.
Composé en plein confinement alors que l’un était resté à Manchester et l’autre avait bougé à Berlin, « Honest Labour » est le deuxième véritable album du tandem après un EP très orienté dub techno en 2015, l’ultra-minimaliste « Somewhere Decent To Live » de 2018 et une mixtape remarquée en 2020 publiée dans le cadre de leur excellente émission sur la webradio NTS.
Du dub des débuts, il ne reste plus grand-chose désormais dans la musique parsemée de guests des deux artistes revendiquant haut et fort leurs origines ouvrières. Comme cela est dit dans les commentaires Discogs (vrai lieu de trouvailles comme ceux de Youtube d’ailleurs), l’écoute de ce disque est comme être « immergé dans un sac amniotique rempli de dubstep/rnb/ambient déformés ». Belle formule résumant assez bien ces 45 minutes de musique claustrophobique qui, comme le reflète la pochette, ressembleraient à ce qu’on pourrait entendre l’oreille collée à la fenêtre d’un bus qui roule de nuit sous la pluie dans le dédale d’une grande capitale urbaine du cyber futur. Chaque titre va balader pendant quelques secondes vers, ici quelques boucles de house (NY Interlude), là des bribes de drum’n’bass (<>) ou encore ici un embryon du trip-hop enfumé de Bristol de Tricky ou Massive Attack (With Your Touch, U).
Inyang et Reid savent aussi s’arrêter plus longtemps sur le dubstep/garage de Burial (yyyyyy2222), un post-punk renvoyant aux Cocteau Twins ou aux aînés d’A.R. Kane avec guitare cristalline (LV), le si caractéristique hip-hop anglais gavé ici de cordes sublimes (B£E), le violoncelle d’Arthur Russell sur fond de monologue samplé (Preparing The Perfect Reponse) ou encore une merveille ambient indéfinissable (Girl Scout Cookies) et une sorte de dub maritime comme cela a pu être écrit ailleurs (Honest labour). Une multitude de sons et de genres qui prennent la forme de vignettes éparses entrecoupées de glitch qui constituent pourtant au final un tout protéiforme qui pourrait aussi rappeler les récents travaux de leur compatriote Actress, notamment sur « 88 ».
« Le but principal de ce projet est de montrer que certains sons ne peuvent pas être définis, ils évoluent et bougent constamment » expliquait récemment Reidy en interview. C’est aussi la nouvelle preuve de la merveilleuse vitalité de la scène anglaise dans tout ce qui touche de près ou de loin à l’électronique.
Space Afrika // Honest Labour // Dais
6 commentaires
l’aviateur atterit! a paris y’a mieux çà sort en nov, & toi le journo sort la nuit!!!!
arp frique connais toi ?
yassine vs erik
ah c ça les ‘taxis’ hier soir chez mr & mme pay »s par ????