L’orchestre de Fred Pallem est de retour en 2022 avec son dixième album titré « X » porté par son architecte ses 25 (!) musiciens. Une magistrale profession de foi, menée à contre-courant d’un paysage musical où la musique orchestrale se fait de plus en plus rare.
Loufoque et exalté de la première à la dernière piste, « X » a quelque chose d’enfantin. À l’image de son compositeur Fred Pallem, plongé corps et âme dans une pratique absolue de la musique, comme un gamin dans une partie de jeu un dimanche après-midi. D’ailleurs, le chef d’orchestre est aussi connu sur les tréfonds du web pour posséder une impressionnante collection de figurines de coureurs cyclistes, peinte par ses soins. Et c’est gamin qu’il commença la musique, lorsque fouillant sous le lit de son père à la recherche de revues érotiques, il tomba sur une guitare électrique.
Pour ce retour en force du Sacre du Tympan (et il le faut, pour réussir un dixième album) Fred Pallem a réuni pas moins de vingt-cinq musiciens, remettant au goût du jour un sens de l’exigence et une liberté musicale devenue rare, souvent remplacée par une quête d’efficacité et une vision productive (et d’une tristesse infinie) de la musique. À contre-courant, le Sacre du Tympan propose ici un album intense et puissant, dont le faste orchestral se livre au service d’un sens pointu de l’esthétisme et d’une expérimentation déchaînée d’esprits en ébullition. Si « X » semble faire les choses en grand, c’est par souci de justesse, car il ne serait pas naturel de les faire autrement. Et puis finalement, pourquoi pas ?
Ce nouvel album instrumental vient après un bref détour parlé (et pas des moindres), sur « Fred Pallem et le Sacre du Tympan racontent les fables de La Fontaine », où le compositeur et sa bande habillaient avec pudeur et finesse quelques classiques et moins classiques du poète. L’opération fut menée sans nombrilisme aucun, comme une grande chorale d’humbles passionnés déclamant les vers sur les mélodies de l’orchestre. L’atmosphère parlée rappelait parfois les musiques de Jean-Claude Vannier (dont Pallem est proche) pour « Histoire de Melody Nelson », comme notamment sur Le Mort et le Malheureux.
Cette couleur peut aussi se retrouver sur « X », mais la direction est autre. Le Sacre prend son envol dans des effusions souvent plus ouvertes et lumineuses, à l’image du morceau d’ouverture L’amour du disque, profession de foi et de joie. Certaines pièces sont absolument majestueuses, comme le tendre et simple Concertation Intersectorielle, où le magnifique et solennel Goodbye Lougarock, dédié à la mémoire du père de Fred Pallem disparu en janvier 2020, empruntant autant qu’à Maggot Brain et aux solos de Gilmour qu’aux musiques de film noir.
Et évidemment, l’influence des musiques de film est omniprésente chez le Sacre du Tympan. Elle l’est depuis la formation de l’orchestre en 1998, par la jeune bande d’étudiants parisiens qui débutait tout juste dans la profession musicale. De « Soundtrax » (compilation de musiques originales pour films imaginaires) à « Soul Cinema » (inspiré des films de Blaxploitation des 70s), l’univers du Sacre est profondément cinématographique. En 2015, Fred Pallem et sa bande reprenaient même François de Roubaix sur un album éponyme. Sur « X », on trouve aussi du Goraguer, notamment pour Stratagème 34 et son intro typée Planète Sauvage.
Mais si l’album est effectivement très cinématographique, il sait se passer d’images, devenant sa musique et son propre film, jonglant entre les ambiances pour jouer avec l’émotion et l’imaginaire de son public. Une musique résolument « sérieuse », par sa richesse, son excellence et sa noblesse, mais qui a la délicatesse de ne jamais se prendre au sérieux. D’ailleurs, la somptueuse pochette d’Elzo Durt et le très inspiré nom du groupe mettaient déjà la puce à l’oreille. Enfin, au tympan.
Fred Pallem & Le Sacre du Tympan // X // Sorti le 18 novembre
https://fredpallemlesacredutympan.bandcamp.com/album/x
Release Party le 6 décembre au Café de la Danse (Paris)
