Avec leurs gueules de rescapés du chalutier du Captain Iglo, les gars de Wolf People ne donnent pas l’impression d’avoir inventé le futur. Quant à la musique de leur troisième album « Fain », mieux vaut s’armer d’une cotte de mailles pour éviter d’être transpercé par la modernité. Amateurs d’Aleister Crowley, de chansons médiévales et d’oripeaux celtiques, ce disque est pour vous.

Il y a quelque chose d’extrêmement déstabilisant à (re)découvrir la musique de Fairport Convention en 2013. Non parce que le groupe précurseur de la folk électrique continue d’écumer les festivals depuis sa naissance en 1967, ni parce que Richard Thompson a quitté le navire depuis trente ans déjà et que cet assemblage moderne de bric et de broc donne au groupe actuel des airs de pièces rapportées, mais plutôt parce que les membres de Wolf People, certainement nés autour de la première crise pétrolière de 73, donnent l’impression de pratiquer la même musique pour guimbardes, les mêmes accords ancestraux branchés sur le courant 220W, et qu’à vrai dire si on n’avait jamais écouté « Liege and Lief » (1969), on pourrait probablement trouver à Wolf People des qualités originales dont il est en réalité dénué. Faut-il pour autant bouder le plaisir de ce disque composé à la manière de ? Certainement pas. Disons qu’en tout cas, l’affaire est plus compliquée qu’il n’y parait.

umojacketv1Comme c’est souvent dans les vieilles soupières qu’on fait les meilleurs cocktails,  difficile de reprocher à Jack Sharp et ses flibustiers de piocher dans des recettes bien connues. Un bout de Pentangle, plusieurs grumeaux de Fairport Convention, un peu de Davy Graham, une pincée de John Renbourn, c’est sans fin tellement la liste d’influences de Wolf People est longue ; quelque part c’est déjà pas si mal, d’avoir réussi à faire l’impasse sur vingt ans de culture anglaise mêlant Oasis, Pete Doherty et les Spice Girls, mais tout de même, tant de patriotisme pour au final sonner exactement comme les ancêtres, il y a de quoi se demander quelle est la véritable différence entre le sublime « Steeple » paru en 2010 chez Jagjaguwar et ce « Fain », toujours chez le même épicier. A vrai dire, aucune. Si ce n’est qu’entre temps Bert Jansch a passé l’arme à gauche et que l’information a fait deux lignes – et encore – dans les journaux, et qu’outre ce décès du parrain de la folk anglaise, un groupe américain – Earth – a publié un disque hommage – « Angels of Darkness, Demons of light part II » qui permettait déjà de refermer la pierre tombale sans avoir à rougir. Ecouter « Fain » après tout ce vacarme quasi silencieux s’avère, par endroits, quelque peu décevant. Où sont donc les envolées qui faisaient de « Steeple » plus qu’un disque de prog-celtique ? « Avec cet album, on a décidé d’explorer encore davantage la musique traditionnelle, mais c’est aussi plus lourd, avec de grosses batteries et des guitares fuzz » tentait récemment de justifier Jack Sharp dans une récente interview. Rajouté à cela une pochette horrible comme c’est pas permis et vous obtiendrez une semi-déception qui donne au pays de feu Margaret Thatcher un air d’ile à la dérive, repliée sur elle-même, à la fois traditionnaliste et incapable de se réinventer. Tout cela ayant été posé sur papier, restent néanmoins quelques morceaux – Empty Vessels, When the fire is Dead in the grate – du calibre de Led Zeppelin période gilets en peau de mouton. Ce n’est certes pas rien, mais hélas le compte n’y est pas.
Il se peut également que je sois devenu un vieux con aigri et nostalgique de la révélation sonique que fut « Steeple », auquel cas merci d’envoyer vos demandes d’éviscération de ma personne sur un bûcher, comme au bon vieux temps de la chasse aux sorcières.

Wolf People // Fain // Jagjaguwar
http://www.wolfpeople.co.uk/

En concert le 23 mai à la Flèche d’Or pour la soirée Secretly Canadian avec Cayucas, Bleached et Diana

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