Dans son roman Neuromancer de 1984, William Gibson donnait naissance au mythe cyberpunk afro-futuriste à travers le personnage de Maelclum: Un remorqueur rastafari du cyberespace affublé de «dreadlocks comme un arbre enchevêtré aux branches couleur laine d’acier» qui aidera le héros dans son voyage vers un méta-monde. A bord de son vaisseau baptisé Marcus Garvey, Maelcum écoute du dub et habite une colonie spatiale appelée Zion. Roman à l’esthétique video punk ultime, Neuromancer est avant tout un roman d’aventure pop où se croisent des ninjas gardes du corps, des femmes androïdes au look new wave et des cowboys mercenaires accros à la méthédrine.
Influencé par le travail de Syd Mead pour Blade Runner sorti deux ans avant, l’apport de ce second personnage de pilote de l’espace rasta est peut être une date clé dans la création du mouvement de contre culture qu’est l’afro-futurisme dans la littérature.
En musique cependant, la révolution afro-futuriste n’a pas attendu le cinéma ou la littérature. Lancé des années auparavant par des artistes américains comme Sun Ra ou Herbie Hancock à bord d’un astronef sur « Thrust » en 1973, c’est réellement mid-70’s que le mouvement cosmique va prendre tout son sens avec les sorties des albums concept signés Parliament. Avec ses disques « Funkentelechy Vs The Placebo Syndrome » (1977), « The Clones Of Dr Funkenstein » (1976) ou encore « Mothership Connection » (1975), George Clinton et ses musiciens débarquent à bord d’un véritable vaisseau spatial à ampoules lors de la tournée U.S.
En Angleterre, c’est seulement au début des années 80, qu’apparait l’armée de réplicants, marchant sur les ruines d’un mouvement punk encore fumant. C’est à ce moment-là que le label On-U sound jette les bases de la version de l’afro futurisme à l’anglaise.
De la TR 808 branchée à un frigidaire.
Créée sous l’impulsion du sorcier Adrian Sherwood dans l’underground Londonien, On-U sound Records réunit des chanteurs de reggae, des producteurs proto-electroniques adeptes de vodoo, des dealers fans de SF, des chanteurs de cabaret transgenre, des gamines branchées hip hop ou encore des punks blancs.
Pendant trente ans, le label se définit comme un lieu complètement dingue d’expérimentation d’opiacés digitales.
C’est sur cette période obscure que la compilation érudite « Science Fiction Dancehall Classic » se propose de faire la lumière: Tourné vers l’avenir, la marginalité, l’avant garde, la pop et la science fiction, On-U sound s’avère être un passionnant miroir d’une sous-culture assez géniale et pas assez documenté.
Le patron du défunt label culte Output Recording s’était déjà distingué dans l’art de digger avec ses compilations sur le mouvement EBM à tendance cuir (Metal Dance compilation » »). On l’a laissé fouiller dans les archives du catalogue pour en extraire des morceaux totalement syncrétiques; et voil ce qu’on trouve dessus:
– des anciens punks froids venus du Pop Group ou des Slits qui font dans la minimal blank en 1980,
– un groove hypnotique engagé sous le nom de New Age Steppers, de la no-wave glaciale,
– du reggae digital avec Dub Syndicate,
– une Neneh Cherry à peine majeure qui nous sort du proto-R&B futuriste et qui sonne comme du Timbaland en 1982,
– des trucs plus techno pop, comme Atmosfear, sorte de house vocal ultra cheap,
– des pistes du projet African Head Charge qui voulait donner une vision «psychédélique de l’Afrique»: sorcier, moite, sombre, déviant et sexuel,
– des boites à rythmes complémentent dégueulasses et en fait terriblement bandantes,
– de la TB 808 branchée à un frigidaire.
Il y a aussi ce curieux personnage de Alan Pellay: sub-héros transgenre des scènes de cabaret déviant, amateur des clubs de travailleurs du nord de l’Angleterre. Alan s’est métamorphosé en disco-queen hi-nrj vers 86. Proche du designer fashion Leigh Bowery ou Mak E Smith de The Fall, il a aussi gravé des dubplates pour On-U sound complémentent incroyables: il nous refait le numéro du Flowers of romance de PIL, arrogant, fou et avant-gardiste.
Anyway, tout est résumé parfaitement dans le titre donné à cette compilation: Science Fiction Dancehall Classic.
A l’époque de Mitterrand on appelait ça de la musique «ché-bran».
Trevor Jackson presents : Science Fiction Dancehall Classic // On-U Sound records
http://on-usound.com/
2 commentaires
Tb 808… 🙁 Ça suffit les âneries hein!
nO sO hOt la COm_COn_P.I.L y’avais mieux a faire, mais les contrats/droits etc, fuck various then…..