Il y a un peu plus d’un an on vous disait le plus grand bien de l’album « Thousand Shadows Vol. 1 ». Le volume 2 de You Said Strange est désormais disponible et, comme un bon calvados laissé à maturer, le projet a pris de la bouteille avec une identité sonore qui est devenue sa marque de fabrique.

Sans repartir sur les éléments promotionnels qui ont permis au groupe des frères Carrière de décoller au-delà du petit circuit des formations indés de nos terroirs, notamment grâce à Peter G. Holmstrom des Dandy Warhols qui a misé sur ces musiciens de Giverny en produisant leur premier album, chose que nous avions déjà ressassée lors de la parution de « Thousand Shadows Vol. 1 », notons tout de même que ce sont ces mêmes frères qui sont à l’origine du festival Rock In The Barn. Cela étant dit, revenons au but premier de ce présent article qui est bien de louer la qualité des compositions de « Thousand Shadows Vol.2 » qui, à mon sens, est encore mieux que le premier volume.

De France Télévision à KEXP

Déjà, il y a deux mois, un single était dévoilé, accompagné par son clip qui, au vu du nombre de clopes fumées par leur chanteur Eliot (et des centaines de mégots présents à l’image), ne devrait pas être diffusé sur la télévision publique à moins que cela ne soit destiné à une campagne de sensibilisation sur les risques du tabagisme. Enfin, on parle bien du clip puisque You Said Strange était invité sur France Télévision à interpréter ce (Song For A) Wasted Land à l’antenne pour fêter les deux ans de l’émission « Culturebox ». À ce moment déjà, ce morceau de haute volée, que je pensais peut-être à tort dédié à l’urgence climatique, laissait pressentir par ses airs, à la façon d’un hymne qui reste coincé dans la tête comme une ritournelle incessante, que ce « Thousand Shadows Vol. 2 » allait faire la nique à ces formations indés françaises, parfois néanmoins respectables, qui crament des années de leur vie à essayer de transcender leur condition de petit groupe bouche trou de programmations.

 

Ne vous en déplaise, musiciens de la scène indé hexagonale qui lisez ces lignes comme des voyeurs en espérant que vous trouverez dans cet article quelque chose qui aurait pu sensiblement s’apparenter à ce qui a été noté sous contrainte sur votre projet musical, You Said Strange est l’un des seuls, si ce n’est l’unique, groupe issu de nos régions à avoir enregistré non pas une mais bien deux sessions sur KEXP, vénérable institution musicale de Seattle. Ça, déjà, c’est assez remarquable.
D’autant que les quatre musiciens semblent désormais bien habitués aux rades et routes du pays des trumpistes et des rois de la tech à chapeau de cow-boy, qu’ils doivent désormais aussi bien connaître que les recoins secrets des housses de leurs instruments respectifs.

 

Il serait cependant regrettable de penser que ce groupe nourrit un sentiment de supériorité face à la multitude de formations rock hexagonales qui émergent continuellement. Il suffit de compter les nombreux groupes de cette scène cités dans leur dossier de presse, ainsi que leur acharnement à leur donner sans cesse leur chance en les intégrant dans la programmation de leur festival normand, pour comprendre le profond respect que You Said Strange leur consacre.

Sacre du printemps

Revenons à « Thousand Shadows Vol. 2 », qui demeure l’excellente surprise du printemps, avec tous ses atouts qui ne se confinent pas à leur single puisque l’intégralité de l’album s’écoute sans se mettre honteusement à penser à quand est-ce que le diamant du bras de lecture de la platine sera enfin arrivé à la piste suivante. L’exemplaire vinyle, par ailleurs, avec sa pochette illustrée par Maxime Danel de Dye Crap, peut être collectionné par les plus mordus avec ses trois déclinaisons stylisées : éclaboussures blanches sur fond rouge pour le label Le Cèpe Records en France, blanc sur rouge pour EXAG’ Records pour la diffusion européenne et noire sur blanc pour Rough Trade chez les Brexiters.

Sans se risquer à décortiquer tous les morceaux comme un archéologue en recherche d’une vérité bafouée, un musicologue aussi maniaque que passionné ou un rock critic qui ne saurait quoi dire d’autre, reconnaissons à You Said Strange une patte qui leur est propre ainsi que des sonorités et un style non pompés chez les tendances rock qui semblent actuellement en lice. Il y a une cohérence entre tous les morceaux, particularité qui n’est hélas plus si usuelle dans les albums ni même dans les modes de consommation musicale contemporains.
Qu’il s’agisse de l’interlude de piano pour Rats qui vient marquer la pause au milieu de l’album ou l’intro de la face B sur vinyle ; des phases jazzy de saxo qui reviennent sur plusieurs titres et qui clôture en toute beauté Eastern Side ; de l’instrumentation plus primaire sur l’intro de Control ou Trade Your Soul aux chœurs chantés tout du long comme un mantra ; il y a dans cet album une fine recherche de l’esthétique musicale et une réelle richesse sonore. Le titre qui vient le clore s’intitule What A Day, chic idée pour terminer un album accompli à la manière de Ringo Starr qui, en sortant d’une éprouvante session de studio, aurait dit tout déboussolé : « It was a hard day…’s night ».

You Said Strange // Thousand Shadows Vol.2 
https://yousaidstrange1.bandcamp.com/music

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