A les regarder comme ça prendre la pose devant un crépi Castorama avec leurs polos neutres, on aurait vite fait de croire que ces trois là viennent de fonder un groupe d’indie rock en hommage aux Pixies. Les apparences, souvent trompeuses, laissent pourtant place à une toute autre vérité : ces types sans paillettes ont simplement créé le meilleur site musical français : The Drone. Pour fêter ces cinq ans d’existence en zone libre, il était donc tout indiqué de voir comment ces intégristes résistaient à l’envahisseur.

logo_drone_dailyDerrière leurs bureaux carrés, on imagine la gueule déconfite des types d’agences de communication tentant de pitcher le contenu de The Drone pour leurs clients : « Site branché tendance et un peu prétentieux parlant de groupes obscurs, à considérer comme le successeur de la Blogothèque. Fédère une audience de niche et génère tout un tas de commentaires auxquels on ne comprend rien, site riche en interviews vidéos d’artistes aux noms très compliqués. Ne pas investir dessus avant 2030 ». On visualise également la goutte de sueur qui perle sur le front du préposé au brief, mais après tout chacun son destin ; lui n’avait qu’à écouter de meilleurs disques pour éviter de se retrouver coincé dans un CDI avec un patron qui sent la sueur.

Cinq ans que ça dure, cinq ans que la petite clique de The Drone tente d’imposer une autre vision de la musique – c’est même leur slogan : Watching Music – et un point de vue pertinent au pays des faux experts ; le tout avec un ton distancié, quasi clinique, qui contraste d’avec la subjectivité vantée ici même. Comme avec Hartzine, le goût de la différence est ici une qualité et la curiosité une vertu ; et à force de tomber toutes les semaines sur des pépites en streaming ou des interviews passionnantes de Matmos, Kim Fowley ou Ty Segall, on finirait presque par croire que ces talibans peu loquaces entament leurs journées au bureau en se cognant la tête sur une bible customisée avec la gueule de Stockhausen collée sur la couverture.
Mais en fait, non. Derrière les murs d’un local du 20ième arrondissement et dans un bureau qui ne paye pas de mine, ces doux nerds ringardisent la rock critic et le journalisme bêlant en imaginant quotidiennement une alternative aux top 10 et autres ‘’cinq choses à savoir sur…’’ qui font de Buzzfeed et consort les nouvelles prostituées du trottoir numérique. A l’abri des tentations – le site de The Drone ne génère pas d’argent et sert tout au mieux de vitrine à leur boîte de prod’ Milgram – voilà donc nos trois rois mages qui s’assoient enfin autour de la table pour une interview bilan, après cinq années passées à défricher toute cette musique étrange (krautrock, psyché, house, drone, pop déviante) que tant d’autres laissent en jachère.

La mauvaise réputation

Le jour de cette rencontre, les gars flippent un peu. Pour souffler les bougies de cet anniversaire, ils ont imaginé une soirée à la Gaité Lyrique le 17 janvier prochain avec JC Satan, Black Bug et plein d’autres groupes que tu ne connais pas, et qui pour l’instant ‘’n’affiche que sept préventes’’. Pas facile de crever l’écran quand on a la réputation d’être un média élitiste qui n’aime pas grand-chose et qui ne pratique guère le copinage, pas plus que de préparer une boum sans savoir qui viendra. « C’est vrai qu’on ne sait pas précisément à quoi ressemblent nos lecteurs, ni qui ils sont ou ce qui les attirent chez nous » rajoute en préambule Clément Mathon, cofondateur du site avec David Pais. Présentation pour éviter l’entre-soi. Dans une autre vie, les deux travaillaient pour l’émission Tracks sur ARTE et puis un beau jour de 2008, fatigués d’avoir à vendre leurs sujets à un responsable hiérarchique, le duo s’est enfin décidé à passer du grand au petit écran pour avoir les mains libres. Ni Dieu ni maître. Aussi paradoxal que ce soit, on ne pilote pas ce drone là.
Rejoint voilà deux ans par un transfert de la presse écrite, Olivier Lamm de Chronicart (par ailleurs hémisphère gauche du groupe Egyptology), l’équipe de The Drone réussit donc cet exploit de réunir toutes les semaines une communauté invisible sur un site monochrome et gai comme une pierre tombale. ‘’On peut citer George Brassens ?’’ demande Clément à ses associés hilares, ‘’l’important c’est d’être reconnu, pas connu’’. L’interview débute comme ça, loin des préjugés sur ces nazis de la musique indie.

Comme vous venez tous les trois de médias dit ‘’traditionnels’’, et comme le prétexte de cette rencontre ce sont vos cinq ans d’existence, pouvez-vous revenir sur les raisons de la naissance de The Drone ?

David : Ca coïncide avec le début des webzines vidéos, autour de 2008.

Clément : Et le peu de sites qui en faisaient n’étaient pas spécialement…

David : Disons que ce qui nous intéressait c’était le rapport à l’interview. Tu vois, par exemple, quand j’ai débuté à Tracks, Youtube n’existait pas… et comme Youtube a vraiment commencé à exploser au moment où on a lancé The Drone, on a vraiment pu constater que les sujets ou groupes choisis sur Internet nous correspondaient, par contre la façon dont c’était fait… tu sentais vraiment que c’était plus un hobby qu’un truc vraiment professionnel, le côté amateur éclipsait la passion, d’un point de vue purement technique. Du coup on s’est dit qu’il y avait une carte à jouer. Des années passées chez Tracks, on a conservé la nécessité de raconter une histoire; impossible de faire une interview sans angle, sans cadre.

Clément : Ce qui est agréable dans notre trio, et on se rejoint tous là dessus, c’est qu’on ne sent pas obligé d’aimer tous les trucs soutenus par les Inrocks ou Pitchfork, parce qu’on nous aurait dit que c’était des trucs ‘’cools’’. (…) Forcément les conneries des Inrocks qui trainent sur Facebook on va les lire, mais l’avis de machin sur le nouveau, euh, j’sais pas quoi, Lisa truc… Tu vois sur le côté ‘pointard’ [traduire par élitiste, NDR], c’est marrant : prend n’importe quelle émission de foot à la télé, regarde le niveau d’exigence que les mecs ont, et leur niveau de technicité qu’ont les chroniqueurs quand ils parlent… Par contre dès qu’on est un peu spécialistes dans la musique, ça pose un problème. Moi je vais poser la question à l’envers mais…

En fait je vais la poser à ta place comme ça vous passerez pas pour des mecs encore plus prétentieux : êtes-vous trop exigeants ou bien est-ce les autres qui ne le sont pas assez ?

Clément : Voilà. Evidemment, ce sont les autres [journalistes] qui ne le sont pas assez. On va pas commencer à chier sur les collègues mais dans n’importe quelle radio ou canard de musique qui vend un petit peu, les gens s’interdisent de parler de choses méconnues parce qu’il faut vendre du papier, faire du clic, etc. Nous même on le voit sur le site, dès que tu postes un nichon ou un chat t’as du clic, dès que tu te fais chier à faire un sujet un peu compliqué…

« C’est catastrophique de penser que le lecteur va te lâcher au bout de 10 secondes parce qu’il n’a pas de culture musicale »

Votre Shitlist [1] est-elle née de cette conclusion que la vulgarité est toujours un produit d’appel plus vendeur que l’exigence ?

Tous : Non, non, non. Non non.

Olivier : Au-delà de la Shitlist, il y a deux problèmes dans le fait de parler de musique en France, à savoir : ce dont tu parles et la manière dont tu en parles. A la limite, tu peux entendre parler de choses pointues à partir du moment où elles sont adoubées par des médias anglo-saxons, voire même quand les Inrocks décident d’aller déterrer un truc de folk obscure qui peut du coup devenir énorme du jour au lendemain. Le problème pour moi, c’est plus la manière, à savoir considérer ce qu’on écrit comme un truc sérieux en estimant par défaut que le lecteur va être capable de te suivre loin dans l’histoire. Parce que c’est un peu catastrophique si tu penses que le lecteur ou le spectateur va te lâcher au bout de 10 secondes à cause de son manque de culture musicale… c’est une conception assez triste.

La_femme_picture-1-4

Votre discours est assez paradoxal : quand vous réalisez cette interview filmée de La Femme [2], vous constatez bien un décrochage en termes d’audience par rapport à d’autres papiers plus obscurs. Non ?

Tous : Ah bah oui.

Ca vous inspire quoi ? Le nivellement par le haut est-il encore possible ?

David : Pour revenir à la Femme, personnellement je suis content qu’on l’ait faite [l’interview, NDR] parce que c’est vraiment parti d’une envie sincère et collective. Pourquoi La Femme sur The Drone ? Parce qu’à un moment y’en a un d’entre nous qui dit ‘’putain j’ai écouté l’album, moi j’ai bien aimé et vous ?’’ et que les autres répondent ‘’ah bah ouais on a bien aimé aussi’’.

Ca ressemble presque à une sorte de coming out votre truc, ah ah ah.

David : Bah ouais, La Femme on savait pas trop ce que chacun de nous en pensait, on s’en était pas vraiment parlé et puis finalement on se dit que même si le disque a des défauts, il a fonctionné chez nous et donc, il mérite qu’on en parle avec le groupe. Après ce qui peut me navrer, ce sont  les réactions un peu dures dans les commentaires… Disons qu’on n’a pas été critiqué pour le choix de cette interview, mais les gens qui ont regardé ce sujet n’étaient jamais venus sur The Drone auparavant, ils savaient même pas ce que c’était avant de taper La Femme + interview dans Google. Les réactions négatives, le bashing qui a suivi la publication de la vidéo, ça en dit finalement plus long sur eux que sur nous, parce qu’ils ont beau s’en défendre, ils sont clients de ça. Même si tu trouves que ces gamins [La Femme, NDR] sont des crétins, c’est quand même ce que tu es venu voir, et c’est ce qui t’a fait commenter. T’as beau critiquer déverser ton fiel, c’est quand même ce qui te nourrit à longueur de journée. Ca me navre. D’une manière générale, tous ces gens ne s’excitent pas, ne commentent pas d’une façon positive pour dire à quel point c’est génial qu’on parle d’untel ou d’untel. Par contre monter au créneau pour démonter un groupe alors qu’au final ils n’en connaissent pas beaucoup d’autres, ça montre surtout qu’ils n’ont pas grand-chose à apprécier.

Olivier : Ce qui est génial, c’est que dès qu’on met en avant un truc un peu plus mainstream ou ‘rigolo’, systématiquement t’as un mec qui pointe son nez pour lâcher un ‘’vous pouvez pas parler d’autre chose ?’’. Nan mais putain regarde juste 20 centimètres à gauche sur l’écran de l’endroit où t’es en train de commenter et regarde le sommaire…

« C’est toujours triste quand les crétins se moquent des intellectuels ».

Au fond, n’y a-t-il pas un peu de militantisme dans votre démarche ?

David : Ouais mais on n’est pas dupe : si tu parles d’un truc de merde, ça fera toujours plus d’audience.

Olivier : Mais ce n’est pas non plus une fatalité, y’a le long terme, etc. Dans l’absolu, si tu prends le travail de la BBC dans les années 50, il y avait le désir d’éduquer l’ensemble du peuple anglais [et ça ne choquait personne, bien au contraire NDR].

Historiquement c’est aussi la mission première du service public français, avant que l’ORTF ne soit démantelé.

David : Tout à fait. Et c’est finalement super noble de partir avec cette ambition là… Je trouve ça toujours triste quand les crétins se moquent des intellectuels. Je parle de manière générale évidemment, pas pour The Drone ; pour moi ce sont les types qui ricanent bêtement devant une expo parce que finalement le truc leur passe complètement à travers et qu’ils ne font pas l’effort. Et au bout du compte, il y a plus de gens comme ça que l’inverse.

« Tu milites vraiment pour un monde où les types seraient fringués en mocassins avec des coupe-vent Aigle ? »

Vous avez justement publié ce matin une vidéo de « Bruxelles », le nouvel album de Judah Warsky [3],  où figure le titre Marre de tout, où Judah dit en avoir marre ‘’de la télé, d’internet du cynisme et de l’ironie’’, entre autres choses. Que pensez-vous de ce cynisme ambiant, propre à la génération internet, qui consiste à dénigrer avant même d’exprimer un avis ?

Clément : La Femme est encore une fois un très bon exemple. La principale remarque qu’on ait eu dans les commentaires c’était : ‘’quelle bande de petits cons’’, mais putain ils ont 25 ans c’est normal, ils sont payés pour être des petits cons ! Forcément, je me doute que pour plein de gens cette interview est vue comme un truc un peu cynique, parce que publiée sur The Drone, alors qu’en fait elle est réalisée au premier degré.

David : Même lorsqu’on titre le papier avec ‘’Je veux une snare un peu Berlin’’, c’est fait avec bienveillance. Encore une fois, c’est la même chose que lorsqu’on est fan d’un artiste et qu’on s’oblige à prendre du recul. […] Moi ce que je trouve hyper violent, ce sont les critiques des gens qui militent pour un monde plus triste, c’est à dire que t’as pas le droit à 20 ans d’être un crétin, bon. De la même manière, je supporte plus les gens sur Facebook qui bavent sur les hipsters genre ‘’ouais super le Pitchfork Festival, si seulement j’étais pas entouré de tout plein de putain de hipsters !’’. Mais t’es en train de critiquer quoi là ? Des types de 20 ans qui se lookent d’une manière un peu extravagante, point barre. Et toi tu milites pour quel genre de monde ? Pour des clubs ou des festivals où les types seraient fringués en mocassins avec des coupe-vent Aigle ? C’est vraiment triste que des types de 30 ans se mettent subitement à militer pour un monde plus austère. Aujourd’hui, t’as plus le droit d’être bête.

Olivier : Et ça vaut pas mieux que les fans de Garage qui sont des encyclopédies des groupes ‘’Nuggets’’ entre 61 et 63.

David : Ces mecs qui vont te parler des Stooges avec le petit doigt en l’air. Chez ces gens là, la vision de la musique est hyper bourgeoise, faut que rien dépasse.

Clément : Et pour conclure sur le cynisme, ça ne peut pas être ton carburant pour récupérer des ‘sonores’ comme on en récupère dans une interview de La Femme. Faut se farcir le disque, t’as eu les bonhommes en face de toi pendant 45 minutes, et …

… Pardon de te couper mais le procès du cynisme ne vous était pas adressé, je parlais de ceux qui commentent.

Clément : Ah. Ouais.

« Aujourd’hui, y’a quoi de plus bourgeois que l’indie rock ? »

D’un point de vue éditorial, existe-t-il une sorte de ligne rouge à ne pas franchir chez The Drone ?

David : Ah bah avec La Femme on l’a passé c’est sûr (ricanement général).

Clément : La ligne rouge, c’est lorsqu’un de nous trois s’oppose à une proposition de sujet.

C’est une lapalissade mais plus le temps passe pour un média, et plus il vieillit. Et un peu à la manière des groupes qui enchaînent les bons albums, la pression devient plus grande au fur et à mesure que l’histoire s’écrit. A l’image des labels que vous soutenez historiquement, comme Pan European ou Versatile par exemple, comment parvenez-vous à éviter le surplace et l’embourgeoisement ?

Clément : C’est ça la fameuse ligne rouge ; si tu mets suffisamment de distance et que tu n’es jamais fan des groupes dont tu parles, tu passes facilement à autre chose. L’autre question sous-jacente, c’est l’idée de la relève musicale quand tu commences à moins sortir, à moins écouter de trucs. Pour cela, faut du nez, savoir trouver les gens…

Est-ce que vous vous voyez en train de fêter les dix ans de The Drone ?

David : Ouais mais pour ça faut renouveler le personnel.

Olivier : Ou alors avoir des artistes que tu suis pendant toute ta vie, genre Bob Dylan.

dronecast042_GilbrDavid : C’est d’ailleurs pour l’instant notre grande chance, on s’appelle pas Rock & Folk et on ne s’est pas cloisonné sur un genre dès le départ. Quand tu compares les sujets dont on parlait au début de The Drone et ceux qu’on écrit maintenant, ça n’a plus rien à voir ; on a suivi l’évolution de nos goûts mais aussi la tournure qu’a pris la musique… Au départ, on était davantage rock ‘’indé’’, psyché ou Garages, de Beak à Thee Oh Sees. L’arrivée d’Olivier dans l’équipe a permis de changer tout ça, de donner un coup d’air frais à l’ensemble. C’est drôle car on l’a jamais théorisé mais c’est lorsqu’on a commencé à se faire accoster par des gens qui nous disent ‘’pour moi The Drone c’est le meilleur site de musique électronique’’ qu’on s’est rendu compte de l’évolution.

Certains labels vous ont-ils déçus, en cours de route ?

Clément : Disons qu’il y a eu des points de rupture, notamment pas mal de voyages à South by Southwest dont on est revenu écœurés du merdier. L’un des trucs excitants dans la musique c’est d’aller s’encanailler, faire des trucs initiatiques, mais une fois que c’est fait, tu te rends compte que tu commences à tourner en rond et que le truc crade que tu aimais au départ est devenu une industrie. Quand t’arrives au vingtième groupe avec ’’beach’’, ‘’cloud’’ ou ‘’mountain’’ dans le nom, que t’as passé 2010-2011 dans une sorte d’immobilisme, et que tu débarques à Austin et contemples la réunion des peigne-cul, tu te dis que c’est mort.

David : Par rapport à l’indie rock, dans ce qu’il a de plus bateau et basique, y’a eu une vraie rupture à partir du moment où cette musique n’a plus rempli la fonction qu’un genre musical est censé apporter à quelqu’un : aujourd’hui, y’a quoi de plus bourgeois que l’indie rock ? Aucune notion communautaire style ‘’je suis ton meilleur ami parce toi et moi on écoute la même musique’’, aucune transgression parce que ça fait plus du tout chier tes parents que t’écoutes machin, plus de drogues, plus de danger. C’est incomparable avec ce que les gamins sont en train de vivre en allant en after aux Concrete le dimanche après-midi. L’indie rock, faut se faire une raison : c’est FI-NI.

« Le mainstream, c’est le dernier rempart du fan de la playlist des Inrocks pour se convaincre qu’il a bon goût ».

De fait, quelle est votre définition de la musique ‘’mainstream’’ ?

David : Pour moi l’indie rock fait aujourd’hui complètement parti du mainstream. A partir du moment où un type me dit que ce qu’il aime dans la vie c’est Animal Collective et Beyonce, c’est bien la preuve que tout cela n’a plus aucune utilité.

Donc The Drone rejette l’argument qui consisterait à dire que votre site est ‘’anti-mainstream’’.

David: Tu sais ce que c’est le mainstream ? C’est le dernier rempart que se sont fabriqué les types qui sont fans de la playlist des Inrocks pour se convaincre qu’ils ont du bon goût. Mais c’est pas vrai ! Parce que les groupes qu’ils écoutent, ils sont partout !

Clément : Un autre gros moment de rupture, c’est quand on a fait l’interview de ce truc qui sonne à la Shellac, avec le mec de Metz. On se retrouve face à un Canadien qui fait une sorte de resucée hyper respectable du post-hardcore qu’on écoutait ado, et là le type a le toupet de nous dire avec sa bière dans la main – on lui avait même payé sa putain de bière quoi ! – qu’on a ‘’des questions de ouf, qu’il adorerait y répondre avec ses potes assis chez lui mais que là en interview, il a pas envie’’. Ca y est, on y est.

Finalement, est-ce encore intéressant de tendre un micro à un artiste ?

David : Mais évidemment ! En principe, ce sont les premiers que t’as envie d’entendre en premier sur tous les sujets !

Olivier : Ca dépend lesquels…

Mais est-ce que ça vous est déjà arrivé de refuser des intervi…

SILENCE

Bon voilà, c’est ici que l’interview s’arrête. Ca vous apprendra à faire confiance à un type qui ne sait pas se servir de son nouveau dictaphone. La rencontre a encore duré assez longtemps pour que j’apprenne que la bande avait le matin même fait l’effort de se geler les miches à l’extérieur pour se prendre en photo, en prévision des interviews à accorder pour ses cinq ans. Soucieux de leur image, autant que libres dans leurs choix. Ou l’inverse. ‘’Un truc à vous souhaiter pour les cinq prochaines années ?’’ que je leur ai demandé en conclusion, histoire de pasticher les questions de presse écrite comme on en lit toutes les semaines dans A Nous Paris. Comme j’étais bourré après avoir sifflé la moitié d’une bière en une heure, j’ai pas bien retenu la réponse mais ça devait être un truc à côté de la plaque. On a ri. C’était pas bien glorieux.

Finalement, que retenir des cinq premières années d’existence de The Drone, ainsi que de cette interview tronquée ? Qu’il est possible de ne pas tomber dans le mimétisme et la caricature, et que le journalisme musical tel que ces zozos le pratiquent est une forme de résistance à la bêtise crasse. Au moment de se quitter, et alors que le dictaphone avait rendu l’âme depuis bien longtemps, David rajouta qu’ils étaient bien emmerdés : leurs confrères de Vice leur avaient proposé le matin même un exercice rigolo consistant à « corriger » des papiers Vice déjà existants, en les confrontant au « style The Drone ». Allaient-ils se prêter à ce stupide exercice d’auto-caricature dans le seul but de faire parler d’eux et de leur anniversaire ? ‘’A priori non’’. On reviendra dans cinq ans pour voir si ce drone reste toujours aussi difficile à téléguider.

http://the-drone.com

Soirée anniversaire le 17 janvier à la Gaité Lyrique avec JC Satan, Pete Swanson, Tomas More, Somaticae et Black Bug. Plus d’infos ici.

the_drone-flyer_web


[1]  Pour résumer salement, l’équivalent de la ‘’page pute’’ de Brain Magazine, où les journalistes de The Drone postent tout ce qui leur passe par la tête, du génial au plus dispensable. En synthèse : un contenu jetable idéal pour être relayé sur Facebook, et faire du clic.

[2] « Un grand moment de télé » comme dirait l’autre, où le groupe tente avec le champ lexical d’un enfant de douze ans et environ une cinquantaine de mots à son actif d’expliquer aux gens de The Drone leur conception personnelle de la musique. En réalité un ramassis de conneries débitées au kilomètre qui vaudra au papier d’être sévèrement commenté par les lecteurs de The Drone.

[3]  A paraître en février chez Pan European. On en reparlera bientôt, évidemment.

16 commentaires

  1. « et qui ne pratique guère le copinage » >>>> HAHA laissez-moi rire.
    The Drone fait partie d’une petite équipe parisienne consanguine qui marche en rangs (et fesses) serré(e)s. Toujours les mêmes mecs, toujours les mêmes groupes etc.

  2. « aujourd’hui, y’a quoi de plus bourgeois que l’indie rock ? Aucune notion communautaire style ‘’je suis ton meilleur ami parce toi et moi on écoute la même musique’’, aucune transgression parce que ça fait plus du tout chier tes parents que t’écoutes machin, plus de drogues, plus de danger. C’est incomparable avec ce que les gamins sont en train de vivre en allant en after aux Concrete le dimanche après-midi. L’indie rock, faut se faire une raison : c’est FI-NI. »

    Tiens il faut que j’annonce à tous mes potes dans des groupes garage, punk, powerpop, post-punk etc. que c’est fini selon the Drone.

    signé: un garageux (entre autre chose) fan des Nuggets et du garage circa-1966

  3. Le garage, pauvres gueux de The Drone, se pratiquât entre 1964 et 1967 et nullement aux dates que vous évoquez… De même il est pour le moins regrettable qu’il ne soit pas plus question des Stooges, notamment du savoureux et bien bon Fun House, que nous aimons beaucoup écouter, ma femme et moi avant d’aborder les fromages.

    Alex → bah ouais mais dans ce cas-là tu parles de l’indé au sens large, « produit par des labels indés ». Evidemment, ils ne parlent pas de ça mais du style indé rock, au sens plus étroit, qui est bien distinct tous les styles que tu évoques…

    1. Je dois préciser que les Stooges ont été abordés pendant l’interview, mais j’ai coupé au montage, ce n’était pas très intéressant.

  4. La lutte des classes appliquée à l’indé, tout est devenu possible hein ?!

    D’un point de vue éditorial, existe-t-il une sorte de ligne rouge à ne pas franchir chez The Drone ?
    David : Ah bah avec La Femme on l’a passé c’est sûr (ricanement général).
    Notez le RICANEMENT général, qui aurait pu être fou rire, barre de rire, mort de lol
    et quoi d’autres de pas dégueulasse ?
    Ricanons donc à la lecture de ce papier téléguidé et à l’évocation de l’after concrete du dimanche après-midi , avatar du salon de thé de mamie déstiné aux CB de la branchouille cosmo SM nazie.

  5. Salu moa franchemen jlé trouv bi1 aigri c mec, en mêm tan g jms rencontré dé gen aussi peu s1patik ke lé journalist 2 tracks
    en mem tan c peu etre parske j abite en provinss
    à par sa c kool la muzik mais on diré ke ça a pa l’air cool kan ils en parl dan l’interview
    par exempl ils diz le rock c fini maintenan c lé concrete, moi je suis juste un blaireau de provincial je connais pas la relève du rock, quelqu’un peut m’éclairer ?

  6. moi je vous aime bien, tous. je continuerai à aimer jusqu’à ma mort tous ces trucs de freaks qui défendent la musique, les crétins qui ne peuvent accepter une vie  »normale », avec une pointe d’humour et d’érudition…ça fait jamais de mal…la musique d’aujourd’hui, elle est multiple, complexe, il y en a de partout…et le music business, il est toujours aussi casse couilles, comme le business en général d’ailleurs…et puis les haters (croyez moi que j’en connais personnellement un paquet, au regard de mon taf de directeur de salle de  »spectacle » grand public) c’est finalement bien souvent des gentils chiools…parfois un peu fatiguant, mais bon…en tout cas log live the drone, gonzai et les autres (tiens faut que je prenne mon abonnement). La bise, comme dans le show bizz…

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