(C) Eleonore Wismes

Avec « A place for my hate », premier album bourré de guitares et d’énergie, le dus amiénois Structures a fait parler de lui en fin d’année dernière. Même ici, chez Gonzaï, où notre vénérable rédacteur en chef s’est fendu en novembre d’une critique acide du groupe. Mais vous le savez comme moi, c’est pas parce qu’on est haut placé dans la hiérarchie qu’on a forcément raison. Laissez-moi vous le prouver.

Signé chez PIAS, voilà désormais Structures sur scène, avec un prometteur concert au Trabendo le 19 mars à Paris, capitale de la France et des rats. L’occasion de leur poser quelques questions stupides, et d’autres moins, sur leur point de vue du couple amour/haine si cher à Robert Mitchum dans la Nuit du chasseur.

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Puisque c’est votre premier album, on va parler sur ce mode là. Rien d’original, mais j’ai pas trouvé d’autre angle. Je vais donc vous poser quelques questions stupides auxquelles vous allez répondre de façon intelligente.

STRUCTURES : On ne se privera pas de répondre aussi de manière stupide. Allons-y.

On débute par la question fondamentale. Structures, pourquoi ce nom ?

STRUCTURES : On doit exister depuis 6 ou 7 ans. A l’époque on était encore très jeunes. Avoir un groupe et avoir cette passion, c’était presque pour nous une direction dans nos vies. Cela nous permettait d’avoir quelque chose à faire de notre temps. Pour nous structurer, donc. Aujourd’hui, c’est devenu une évidence, puisqu’on gère nos deux vies par rapport à Structures. C’est aussi un mot qui peut à la fois se prononcer en anglais ou en français. Et un mot assez dur qui collait bien à la musique qu’on voulait faire. Un mot avec beaucoup de consonnes, et une consonance presque germanique.

Vous venez d’Amiens.

STRUCTURES : Ouais, une ville où il n’y a pas grand-chose à voir.

Il y a quand même eu pas mal de groupes, comme le montre la compilation Amiens Underground 77-96, sortie il y a quelques temps. On y trouve des noms comme Putain d’Hiver, Stress, Septembre Noir, Guerre Froide… 

STRUCTURES : Guerre Froide, ça nous parle même s’ils ne se sont jamais vraiment revendiqués comme étant d’Amiens mais plus du nord de la France. La première fois que je les ai vu en concert, c’était à la Briqueterie, un lieu culturel amiénois autogéré. En tout cas pas très subventionné et qui organise des expos, des concerts… A l’époque, notre pote Louis – qui était le premier bassiste de Structures – m’avait vivement conseillé d’aller voir ce groupe car il était fan de Guerre Froide.

Quand on voit le nom des groupes, on peut légitimement se demander s’il fait bon vivre à Amiens ou si c’est la place idéale pour se pendre.

STRUCTURES : C’est carrément les deux. Mais nous on vient plus de la scène Amiens Burning de la fin des années 2000. Je ne sais pas si tu vois, mais il y avait plein de groupes comme les Molly’s, Oregone, The Beyonders. On allait les voir dans tous les cafés-concert d’Amiens et c’est eux qui nous ont donné envie de faire de la musique, bien plus que tous les groupes que tu as cités avant, même si on les a connus un peu.

Pensez-vous que la ville a eu une influence sur votre musique ?

STRUCTURES : Forcément. Il y a un côté très brique, très anglais. C’est gris, froid, très brouillard du matin. Une ville très Auguste Perret, quoi. On y trouve aussi un vrai microclimat. Le matin, tu peux te retrouver avec deux degrés, un brouillard épais et t’es glacé par la bruine qui te transperce les os. Puis en début d’après-midi, il peut se mettre à faire super chaud.

Amiens, c’est une ville bipolaire où l’on passe par tous les stades.

Plein de gens disaient qu’Amiens était la petite Manchester, et en vrai, je comprends. Il y a une énergie très forte là-bas en tout cas. Et c’est un endroit idéal pour se bourrer la gueule. Amiens, c’est une atmosphère.

Y-a-t-il une faute dans le titre de votre album ? Vous êtes deux et il s’intitule « A place for my hate ».

STRUCTURES : Marvin, au début, m’avait aussi fait cette remarque. Mais on l’a gardé, déjà parce qu’il y a dans l’album un morceau qui porte ce titre, et ensuite parce qu’un album doit être tourné vers l’auditeur, pas vers le ou les créateurs. A terme, ça doit être un endroit pour sa propre définition de la haine. Haine qui peut parfois être une prolongation de l’amour. On en parle aussi dans l’album. Tout ça, c’est un jeu entre lumière/obscurité et amour/haine.

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Quelle est votre propre définition de la haine et vers quoi ou qui se retourne-t-elle aujourd’hui ?

STRUCTURES : J’en sais rien. Peut-être contre le monde en général, contre la politique. Il y a beaucoup de choses qui nous anime, et la haine en fait partie. Dans nos journées, on ressent parfois beaucoup de haine alors que ça ne devrait pas être le cas. Sans haine, pas d’amour. Et vive-versa. La haine, c’est probablement le sentiment le plus fort du manque d’amour. Dans notre société actuelle, on manque beaucoup. Vis-à-vis du peuple en général, mais aussi vis-à-vis de nous mêmes. On a tendance je trouve à se détester de plus en plus. On est assujetti par des diktats sociétaux, par des diktats sur la manière de penser, à quoi ressembler, etc. Même si on entend beaucoup de discours sur l’acceptation de soi, c’est quand même encore très dur d’y arriver.

Votre musique suinte le rock. Qu’est-ce qui vous a orienté plus jeune vers ce style musical ?

STRUCTURES : La haine, aha !

Celles des synthétiseurs ?

STRUCTURES : Non ! C’est sûrement le malaise adolescent qui nous a conduit vers cette musique je crois. La haine d’un système d’émotions qu’on commence à comprendre dès le collège. C’est un album où on s’est beaucoup penché sur ce qui nous a donné envie de faire de la musique, de nous exprimer. On a beaucoup réécouté de choses qu’on écoutait quand on était adolescents. Cet album, c’est aussi un regard vers notre chambre d’ado. On a voulu puiser notre énergie sur celle qu’on avait alors, et poser des mots sur ça aussi. Jeune, tu es juste une éponge. Tu ressens les choses, tu t’identifies mais t’analyses très peu, voire pas. Parce que t’as pas encore cette capacité. Aujourd’hui, on peut le faire, et c’est aussi une manière d’assumer complètement qui on est, qui on a été et qui on sera.

Adolescent, on s’identifie souvent à des groupes en se disant qu’ils ont tout compris, même dans leurs textes.

Ce qu’on oublie, c’est que ce sont des adultes pour la plupart. Notre idée, c’est aussi un peu de prendre cette place, sans savoir si on y arrivera bien sûr. Il faut aussi dire que le rock n’a pas la même place aujourd’hui. Quand on était jeunes, on entendait des guitares partout. C’est un peu moins le cas, y compris à la radio ou à la télévision. Ma sœur par exemple écoutait beaucoup Deftones ou Nine Inch Nails. A la télé, on pouvait voir les Strokes.

A propos d’erreur de jeunesse, pouvez-vous nous dire comment survivre dans la vie quand ado, on est fans de Linkin Park comme vous ?

STRUCTURES : J’ai rarement entendu quelque chose de plus dépressif dans toute ma vie. J’ai été hyper marqué par la manière de chanter, d’écrire de Chester Bennington. Bien sûr que son groupe récolte tous les tics du néo-métal, un genre sur lequel les gens aiment cracher.

J’ai aucun souci à crier très fort que oui, j’ai écouté Slipknot et Linkin Park en boucle.

La vérité, c’est qu’aujourd’hui je rencontre énormément de gens qui me disent « Mec, tu te souviens comme c’était trop bien Linkin Park ? ». Faut assumer ça aujourd’hui.

Cold Touch, c’est un peu votre titre Interpol, non ?

STRUCTURES : J’ai toujours aimé Interpol, mais on n’a jamais voulu faire du Interpol. Même si on a beaucoup écouté ce groupe, et s’il faut vraiment comparer, je trouve ce morceau plus proche des Smiths. En tout cas, c’est vrai qu’il a une dimension assez grandiloquente dans les guitares. D’ailleurs, c’est quoi Interpol, c’est du post-punk ? Aha.

On laissera nos lecteurs en décider. 

STRUCTURES : C’est marrant parce que t’as remarque me fait réaliser que dans l’écriture de ce morceau, il y a sûrement un truc à la Interpol, c’est vrai. Un truc un peu Evil, très assumé. 

Comment avez-vous bossé sur cet album ? Vous avez tout fait à deux ?

STRUCTURES : A part quelques petites exceptions, on a vraiment tout fait à deux. Marc, un ami de Marvin, a également pondu un énorme solo sur Pigs. C’était un plaisir de collaborer avec lui sur ça. Il a également participé à l’arrangement de Best Friend et Disaster. Louis Aguilar, un artiste amiénois, a également participé. Il m’a aidé à débloquer le texte de Mod3rn. Et Rebecca Baby, la chanteuse de Lulu Van Trapp, avec qui j’ai co-écrit Sometimes. Et Axel Le Ray de Requin Chagrin, bien sûr, notre batteur sur scène. Comme on sait à peu près tout faire sauf la batterie, on lui a proposé de le faire et il a accepté.

Comment s’est passé l’enregistrement de l’album ?

STRUCTURES : Tu vois tout ça sur le back de la cover de l’album puisque c’est une photo prise dans un studio du Point Ephémère, à Paris. On a commencé à enregistrer l’album dès avril 2022, dans une maison perdue dans la forêt de Fontainebleau où on avait ramené tout ce qu’on pouvait comme matos. Là-bas, on avait posé les premières bases. Ca a duré un an, entrecoupé par des concerts aux vieilles charrues, à Solidays, etc. On ,’avait aucun studio fixe, on a vraiment enregistré et conçu tout ça au fil de l’eau à Rouen, dans un studio du Point Ephémère, à Toulon pour les batteries. L’album, c’est un disque d’itinérant où on a pris de l’énergie un peu partout. Tout du long, on a taillé de la pierre brute. On est deux et il fallait qu’on soit tous les deux complètement satisfaits du résultat. C’est pour ça que ça a pris pas mal de temps. On avait plein de doutes, livrés à nous-mêmes. C’était une première, donc pas si simple.

Vous êtes signés chez PIAS. Pourquoi ?

STRUCTURES : L’un de nous connaissait Ralph, un mec de la distribution de PIAS qui m’a demandé de lui envoyer mes sons. Un jour, il les a passés dans les bureaux de PIAS et on s’est retrouvés à avoir un rendez-vous avec toute l’équipe du label. Voilà.

Structures // A place for my hate // PIAS
En concert au Trabendo le 19 mars

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