Quiconque a déjà posé les pieds dans une cuisine le sait : laisser la porte d’un congélateur ouverte entraine autant une surconsommation d’électricité que l’apparition d’une couche de glace nuisant au bon fonctionnement du système de conservation des aliments. Le premier album des rockeurs d’Amiens fait à peu près le même effet. Et « A place for my hate », à force de vouloir sortir ses idoles cryogénisées du bac à glaçons, de ruiner le carrelage.

Si vous suivez l’histoire du rock depuis au moins deux décennies, il ne vous aura pas échappé que l’époque est au révisionnisme, à la copie et aux imitations. Un phénomène auquel peu de genres échappent, mais d’autant plus visible quand il est question d’allumer un ampli et d’ouvrir le placard à vêtements en cuir pour incarner la sauvagerie d’une mode contestataire initiée voilà soixante ans par des pionniers comme Vince Taylor. Pas de bol : le héros à l’origine du Ziggy Stardust de Bowie est mort en 1991 en Suisse des suites d’un cancer des os, pile au moment où le grunge de Nirvana explosait sur les ondes de la sono mondiale. On ne voit pas trop comment on va conclure ce premier paragraphe, mais le rock de Structures, vanté ces dernières semaines ici et là dans des proportions qui nous semblent exagérées, est le dernier exemple de cette mimification du pauvre rock sur lequel trop de générations sont repassées à la manière d’un chauffard s’amusant à ré-écraser sa victime déjà morte depuis bien longtemps.

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Crédit : Eleonore Wismes

Annoncé comme la relève (à entendre comme la fin d’un tour de garde, peut-être) du rock français, et tout cela au simple prétexte que leur premier album empile les clichés consistant à alterner morceaux qui font beaucoup de bruit (la colère) et titres sans refrains susurrés comme Trent Reznor (l’espoir), Structures livre donc un premier album passant en rebus les deux dernières décennies du rock dit « froid », d’Editors à Interpol, sans oublier ces grands noms du rock démembré que sont New Order, Depeche Mode ou Nirvana. La décongélation, qui sent tout de même le réchauffé, n’est ni vraiment grunge, ni vraiment post-punk, ni vraiment bien d’ailleurs. On la déconseillera aux enfants âgés de plus de 10 ans, de même qu’aux vrais adultes en âge de voter, tant les 46 minutes de souffrance imposées par « A place for my hate » ressemblent au visionnage en accéléré d’un épisode trop bruyant de McFly et Carlito façon rock pour les nuls.

A trop se rêver Dave Gahan de Picardie, à trop croire en des lendemains heureux pour un rock dont l’intégralité de l’histoire a déjà été racontée, les deux membres falots de Structures finissent par en devenir ridicules (voir l’intro de Roses donnant l’impression de vivre 1983 en moins bien avec Bernard Sumner prenant un TER interrégional avec un synthé commandé sur Wish, ou celle de Mod3rn tapant dans les codes de Depeche Mode époque garçons coiffeurs) et le duo, dans sa fascination d’une révolte en plastique, de devenir rapidement l’hymne des ronds-points désertés par les anciens lecteurs de journaux rock ne survivant que grâce aux maigres publicités vantant les mérites de gels anti-décoiffants.

Que faire face à cette mauvaise copie cold-wave du Black Rebel Motorcycle Club dont chaque riff sonne comme un mauvais plagiat de Spinal Tap tourné en banlieue de Manchester ? Utiliser le nom du groupe pour lui donner un conseil : changer une nouvelle fois l’intégralité de la structure du duo, et bien penser à reformer la porte du congélo en sortant de cette pénible salle de répétition.

Structures // A place for my Hate // PIAS

 

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