Peut-on parler de spoiler pour un film qui n’a aucun sens ? Peut-on parler de spoiler pour un film de pneu ? Peut-on écrire sur ce film sans faire de mauvais jeux de mots ? Rubber, le film de Quentin Dupieux est riche en questions, dont la plupart resteront sans réponse.

Un pneu télépathe roule dans le désert américain en faisant exploser la tête de tous les êtres vivants qui croisent sa roue. Des spectateurs placés au loin observent l’action avec des jumelles avant de mourir eux aussi. La mort hante le film, mais avec un côté cour de récréation, du genre pan-t’es-mort, non-c’est-toi-qu’est-mort, le shérif le montre dans une scène, on meurt, mais on ne meurt pas, le lapin explose mais c’est une peluche, etc. Une sorte de bip-bip et le coyote, quoi.
Rubber
prend le parti d’un scénario absurde, mais finalement pas si  risqué que cela. Il y a un héros dont les semblables sont persécutés (voir la belle scène du bûcher), il rencontre une femme à laquelle il renonce, meurt, ressuscite et réunit des apôtres pour aller vers le royaume des cieux (ici Hollywood). La structure du film reste finalement assez old school. La forme dérape certes un peu, mais un dérapage contrôlé, une absurdité tranquille qui tourne parfois à vide. Quentin Dupieux en reste un peu à la pochade adolescente, sans posséder le savoir-faire des professionnels et sans pousser non plus l’absurde de la situation dans ses retranchements, Rubber est soit trop sympa soit pas assez, radical sur la forme mais pas sur le fond, les Monthy Python avaient pris la recette inverse pour raconter la vie de Jésus et s’en étaient sortis aussi bien que Mel Gibson. On se demande ce qu’aurait été le film si Dupieux avait laissé plus de place aux autres, à son monteur pour éviter quelques sorties de route, à ses acteurs pour laisser le film s’étoffer un peu. Stephen Spinella tient avec un sérieux parfait les scènes qu’il occupe, c’est lui qui fait parfois vaciller le film, non parce qu’il est absurde mais parce qu’il assène cette absurdité avec une déroutante confiance en lui.

Rubber n’est pas un mauvais film, mais l’objet est suffisamment étrange dans le paysage cinématographique français pour que l’on souhaite que Dupieux aille plus loin, oserai-je dire qu’il passe à la vitesse supérieure.

Quentin Dupieux // Rubber // En salle
(3 colonnes : c’est bien mais c’est pas si bien mais quand même ça vaut le détour)

5 commentaires

  1. merci de reconnaître le manque de danger et la fadasserie (?) du fond de ce film.
    Le truc le plus dingue est dans le projet, une fois l’objet devant les yeux, il ne se passe rien.

  2. C’est sûr que si on n’apprécie pas ou peu l’oeuvre de Duchamp, on ne risque pas de trouver génial un film avec un pneu en 1er rôle. Rubber m’intrigue parce que j’ai envie de voir s’il est réussi ou pas. Non pas du point du scénario (un pneu serial killer se venge sur les humains), ni de la direction d’acteur (ok, moteur!… pardon Rubber!…allez roule plus lentement….cambre toi, montre bien ta valve…voilà comme ça. Parfait on là) non c’est ridicule. L’intérêt est dans le surréalisme et la manière dont le réalisateur le gère ou l’utilise.
    Nous sommes plus conservateur que nous ne le croyons, et c’est pour cela que nous n’aimons pas payé pour un spectacle sans histoire. Le théâtre a ce souffle de « n’importe quoi » avec profondeur et qui finalement a/est une histoire, je pense à Pippo Delbono, Arrabal ou encore le théâtre de l’absurde. Il n’est pas dit que la fadasserie plutôt au dessus de nos têtes.

    Monicelli disait que les époques et les gens méritaient les films qui étaient fait. Comprenons-le bien. et il rajoutait « si j’ai fait des bons films pendant toutes ma carrière, c’est parce que l’époque était intéressante, le matériel je l’avais au quotidien…et si aujourd’hui (2009) je ne fais plus de film c’est parce qu’il serait nul et pourri au reflet de notre société.

  3. @ Serlach
    Je suis tombé là où je devais tomber. Après que Bur(r)en aime Duchamp je n’en doute pas. Tous les lecteurs n’ont pas la même affinité avec William, donc vous comprenez bien que nous ne sommes pas au courant de vos discussions entre amis… a moins qu’un Julian Assange s’intéresse de près à Gonzai et balance des dossiers.
    A aucun moment l’article ne site le surréalisme, ou démonte Quentin Dupieux. C’est quand même le type qui a fait « Steak » avec Eric et Ramzy, mr Oizo c’était lui avec la peluche de merde. Ce type tourne autour de l’absurde, bien, et certainement que lui aussi aime Duchamp (Et qu’un ami de Dupieux ne vienne pas me dire que je suis mal tombé parce que y a pas plus fan de Duchamp que lui). Bon, mais ca suffit pas! Je me rends compte, là, en écrivant que finalement « aimer un artiste (ou pas) » ne signifie absolument rien.
    Oh! je voudrais pas défendre Rubber. J’échange volontier les films de Quentin Dupieux contre 1 minute de Romain Gavras (pour rester contemporain).

  4. Absolument le surréalisme, mais alors justement le surréalisme Duchampien qui n’est que de très loin le surréalisme kitsch à la Dali, très loin du surréalisme foloklorique à la Breton. Alors oui, crash-testons Rubber contre le surréalisme Duchampien, le surréalisme le plus froid, le plus distant et le plus machinique, en même temps le surréalisme le plus pornographique.

    Mais je préférerai ne pas.

    Restons plutôt, en dessous des limites de vitesse, sur la voie du nonsense, les Monthy Python sont peut-être, voulu ou non une aune plus juste pour mesurer ce film.

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