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20 juillet 2025

Rien ne va plus à Death in Vegas

Après 9 ans d’absence, le Xavier Dupont de Ligonnès de l’électronique anglaise revient avec miraculeux sixième album donnant l’impression d’une danse chaotique avec les Replicant de Blade Runner.

Triste époque que celle nécessitant de rappeler aux amnésiques qui est Richard « Sans Peur ». A leurs décharges, les grands faits d’armes de son projet Death In Vegas remontent à si loin qu’ils ont peut-être oublié qu’ils n’étaient même pas nés à l’époque.

On parle de la grande époque de Richard Fearless, au début des années 2000. Dans la foulée de « The Contino Sessions », où l’Anglais post post-rock s’était déjà payé le luxe d’inviter Iggy Pop et Bobby Gillespie sur des tracks, voilà qu’il remet ça en 2002 avec « Scorpio Rising », où l’on retrouve Liam Gallagher sur un single comme Oasis n’en sort déjà plus depuis des lustres (Scorpio Rising), mais aussi Paul Weller (So You Say You Lost Your Baby), Hope Sandoval de Mazzy Star (Killing Smile). Et voilà qu’en plus le titre Hands Around my Throat apparaît même dans une pub pour un portable.

A ce moment-là, Fearless est alors à son sommet : adoubé par ses pairs, il s’en met plein les fouilles.

La majorité des gens normalement constitué aurait décidé d’alourdir la planche en répliquant la même méthode sur un disque ou deux de plus. Le label aurait publier un best-of à l’orée des années 2010 ; Fearless aurait simulé une OD pour écrire ses mémoires dans la foulée et qui sait, peut-être qu’en 2025 on l’aurait retrouvé à moitié édenté en train de jouer à la pétanque avec Pete Doherty à Redemption-les-deux-Eglises, en Normandie.

Le fait est que sentant venir son climax au milieu des années 2000, Fearless a forcé sur le frein à main : création de son propre label en 2004 (Drone Records) puis sortie d’un disque anti-commercial dans la foulée, « Satan’s circus », hommage aux pionniers du krautrock planant avant qu’ils ne redeviennent cool. Et puis après ça, plus rien.

4 albums en 20 ans

On ne sait pas si Richard avait beaucoup trop de linge à repasser ou si les émoluments de ses albums commerciaux lui ont permis de sortir du rythme de l’album-tous-les-deux-ans, mais le fait qu’il faudra attendre 7 longues années pour le revoir derrière des machines. Nous sommes alors en 2011 et « Trans-Love Energies » marque une triple rupture : aucun single, plus aucune pression (l’électronica-rock sous acides est passé de mode), terminado les featurings avec des gens connus et en prime, Fearless s’est pris d’amour pour Katie Stelmanis, une brillante musicienne lesbienne inconnue au bataillon. La pochette cryptée hésitant entre mythe des chevaliers de l’apocalypse et balade dans la forêt en famille est déjà un signe : à peine revenu, Death In Vegas fait comprendre qu’on les reverra pas de si tôt. Nouvel album en 2016, toujours sur son label ; et « Transmission » est si inconséquent qu’on se demande qui a eu la force de l’écouter jusqu’au bout. Ca ressemble à une fin de carrière. Et puis après ça, surprise : encore plus rien.

La radicalité comme porte de sortie

Si l’on vous parle de ces disparitions à répétition, et comme vous n’êtes pas des lapins de six semaines, c’est évidemment parce que Death in Vegas est bien de retour en 2025. On écrit « évidemment », mais c’était évidemment tout sauf prévu. D’autant plus que sur « Death Mask », nouveau né de ce projet qui sent quand même bien la mort, Fearless pousse le curseur encore plus loin : aucun single, aucun featuring et une pochette donnant l’impression qu’elle a été concoctée par un alcoolique souffrant d’un glaucome dans un club de Bristol.

Paradoxalement, c’est dans ce qui ressemble à un désert sans désir qu’on apprécie aujourd’hui de se perdre. En se délestant du poids de la notoriété comme des attentes (des médias, du public), Richard Fearless s’aphextwinise ; entendre par là que le temps semble devenir une variable permettant à l’artiste d’enjamber les modes, les ruptures technologiques (Death in Vegas a commencé sa carrière aux débuts d’internet) et le concept même de l’audience : à qui s’adresser, et pourquoi ? Deux questions auxquelles « Death Mask » oublie volontairement de répondre. Il suffit néanmoins d’écouter Chingola ou While my machines gently weep pour comprendre que ça ne sonne pas vraiment comme les Beatles, et que les hymnes électroniques n’ont rien perdu de leur superbe chez cet Anglais qu’on rêverait de regarder dans un studio avec Soulwax – autres parrains de l’électronique silencieuse.

Plus qu’un simple album, « Death Mask » est donc un manifeste dont feraient bien de s’inspirer la jeune scène électronique obsédée par le single Spotify. Le plus dur, c’est de durer. En 64 minutes lâchées au bout de 9 ans d’attente, Richard Fearless qu’une carrière est telle une plongée à la Jacques Mayol où il faudrait posséder assez de câble de rechange pour retrouver son chemin vers la surface. De quoi se demander si l’histoire de Death in Vegas n’était pas dès le départ calculée : en empilant dès le départ les 0 sur le compte en banque grâce à ses nombreux featurings, Fearless est finalement parvenu à s’affranchir de toutes ses obligations commerciales. Une trajectoire semblable à celles de Geoff Barrow et Lady Di, et qui rappelle qu’aussi complexes soient-ils, les Anglais possèdent toujours une longueur d’avance quand il est question de disparaître dans un tunnel.

Death in Vegas // Death Mask // Drone Records

3 Comments Laisser un commentaire

  1. J’aime bien cet album zombie qu’est Transmission.
    Je dois donc être le seul à l’avoir écouté jusqu’au bout, et plusieurs fois.

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