Après une première sortie plutôt confidentielle au format cassette de leur projet “The Stroppies”, le quatuor du même nom, originaire de Melbourne, se dévoile au monde avec son premier album, “Whoosh” ; un mot aussi énigmatique que précis dans l’idée qu’il véhicule de la « pop music ».

Si vous faites partie de nos lecteurs fidèles, vous vous souvenez sûrement de nos émissions ROCK A LA CASBAH. Vous savez, cette espèce de capsule hybride, qui, comme les meilleurs numéros de “Martine” (à la mer, à la ferme…) s’invitait un peu partout, pour vous parler de sujets tant passionnants, qu’incongrus. Bon, maintenant, si vous êtes de ceux que l’on peut qualifier d’« hyper fidèles », vous vous rappelez sans aucun doute, de cette émission, dans laquelle nous vous proposions un voyage temporel dans la Nouvelle-Zélande de la fin des années 70. Une sympathique petite île qui allait à ce moment-là, accouchée d’un genre musical tout neuf : le Dunedin Sound. Une musique née dans la ville du même nom, popularisée par des groupes comme The Clean, et bichonnée par le label Flying Nun. Un style ou “les guitares prédominent, ou le son est frais et brut, qui méprise les modes importées” comme le définissait feu Roy Colbert – une sorte d’encyclopédie de la musique d’Océanie (et plus), qui nous quittait un triste jour de juin 2017.

Si nous vous racontons tout ça, ce n’est pas par pure nostalgie, ni pour vous dire que Dunedin possède la rue la plus inclinée au monde, et encore moins pour vous expliquez en quoi consiste le Dunedin Challenge ; même s’il est très drôle. Mais comme toujours, pour vous parler de musique, et particulièrement de celle des Stroppies, un sympathique groupe australien qui vient tout juste de sortir son premier album. Un disque qui a donc eu comme effet sur nous, un peu à la façon de cette bonne vieille madeleine de ce tout aussi vieux Proust, de nous replonger dans l’histoire de ce mouvement musical très peu connu en Europe, que Gus Lord, l’un des chanteurs du groupe – qu’il forme avec Rory Heane, Claudia Serfaty et Adam Hewitt – garde également bien en tête ; même s’il n’était “pas encore en vie” comme il s’amuse à nous le dire. Joint par Skype en pleine matinée, alors que lui regardait la nuit chassée le jour depuis son fief de Melbourne, on a fait le point avec le musicien pour qu’il nous raconte plus en détail l’histoire de la formation, ainsi que les contours de « Whoosh », leur premier “vrai” album.

D’une table de cuisine à l’importance du DIY

Les légendes sont souvent marquées de moments clefs, symbolisés par des événements atypiques. Celle du quatuor débute par un premier acte, lors d’une belle journée de 2016, à une table de cuisine où chacun des membres se demandait “ce qu’ils allaient manger, et où ils pourraient organiser leur prochaine session de jam”. Même si Claudia Serfaty est anglaise, la petite équipe se connaît depuis un bout, “Melbourne est une petite ville” acquiesce Gus. Et comme ils ont déjà chacun roulé leur bosse dans pas mal de groupes de cette ville (Boomgates, Twerps, Tyrannamen, Blank Statements, pour en citer quelques-uns), leur rencontre n’est pas due au fruit du hasard. “On traînait dans les mêmes cercles, alors on s’est tous connecté comme ça” nous avoue le chanteur. Après un premier “mini-album” à la fin 2017, qui porte le nom du groupe, comme acte de naissance, l’aventure The Stroppies peut démarrer, en toute détente. Initialement disponible en format cassette, cette “modeste sortie” comme la qualifie Gus, était uniquement prévue pour se “propager dans notre groupe d’amis, dans notre cercle restreint, et faire quelques concerts”. Mais c’était sans compter sur Internet, et l’insatiable soif de curiosité du label anglais Tough Love, qui s’est empressé de proposer aux Australiens de le transformer en galette – pour logiquement se retrouver ensuite sur les sites de streaming.

« Le DIY est aussi une approche esthétique ».

De cet ancien disque, comme du nouveau « Whoosh », on est frappé par le côté DIY qui s’en échappe. Apparemment à juste titre, puisque cet aspect est central dans leur musique, comme Gus nous le confirme : “il y a plusieurs explications à cela. D’abord, plus tu as de l’autonomie dans ton art, plus tu es satisfait. Mais le DIY est aussi une approche esthétique. De façon plus personnelle, c’est la première fois que je me retrouve frontman, à écrire vraiment des chansons et à les chanter comme ça. C’est bon de se sentir capable de développer ses idées, sans personne autour pour te… tu sais  !”. Par extension, et toujours selon Gus, cette totale autonomie dans la conception de musique n’oblige en rien à “exposer nos chansons au monde…”. Une réponse plutôt étonnante pour un groupe qui ne gagne qu’à se faire connaître, qui amène logiquement à s’interroger sur ce qui a poussé les Stroppies à partager leurs productions au plus grand nombre. “Je crois que finalement, c’est juste une question de nécessité. Tu arrives à un moment où tu as accumulé tellement de matériel dans ta chambre que tu te dis : soit tu fais des disques pour toi, soit tu les partages. Nous, on a opté pour la deuxième solution” – sage décision.

Deux jours de studio, avant de retourner dans une chambre

Comme pour mieux s’émanciper d’une autre légende, celle qui voudrait que les sessions studios soient d’interminables moments pendant lesquelles les groupes se muent en ermites, The Stroppies y est allé, mais à sa façon, en ne s’enfermant que 48 heures, avec en tête un objectif bien précis, y traduire cette démarche du fais-le toi-même : “il y a deux versions du groupe qui se dessinent, particulièrement avec la sortie notre album – estime le chanteur. Celle qui existe dans notre confort, qui est très prolifique, et celle en studio (rires). On essaye juste d’emprunter les process et la méthode de travail de la première version et de transposer ça dans la deuxième”. Parmi ces biais, on y retrouve leur appétence pour les enregistrements lives, et forcément, cette spontanéité qui caractérise leur façon de concevoir la « pop music », si chère à Gus : “être spontané promet une narration intéressante et de belles histoires. Pour ce genre de musique, les idées les plus brutes sont les plus excitantes ” ; en somme, une manière très romantique d’appréhender son art.

Tout de même, deux jours pour confectionner un album, ça reste un peu court. C’est donc ici qu’intervient leur ami musicien (au sein de “l’excellent” Totally Mild, Free Time ou encore Full Ugly), producteur et ingénieur, Zachary Schneider. Plus que d’avoir partagé un “soutien affectif doublé d’un enthousiasme contagieux” pendant la conception de « Whoosh », celui qui a également posé quelques riffs de guitare dans leur disque “nous a laissé bosser dans sa chambre et utiliser son équipement” explique Gus, reconnaissant. Une résidence bien plus longue qu’en studio, qui s’est soldée par l’arrivée de ce très cohérent premier album, aussi inspiré par l’alternative du début des années 90, le DIY des années 80 et la pop sixties, que par le revenant Bill Fay (si l’on remplace son piano par des synthés, ça donne Entropy), que l’inoxydable Stephen Malkmus. Sans oublier bien sûr, la bonne dose de Dunedin Sound, de rigueur, représenté par The Clean – suffit d’écouter le classique Tally Ho, puis de se délecter du First Time Favourites des Stroppies. Même si ce dernier pourrait sembler être une référence directe et évidente, Gus, y apporte une nuance :

“Je ne me revendique pas spécialement de cette école, les autres, peut être plus. Mais notre musique comporte tout de même beaucoup de similitudes avec ça, et c’est un de mes genres préférés… Ce qui est sûr, c’est que nous adoptons une attitude semblable à certains de ces groupes, même si je pense aussi qu’on s’en éloigne un peu… J’aime tellement d’autres choses que je voudrais essayer (rires). Peut-être que je ne suis pas encore assez bon ? Mais c’est bien normal d’évoquer cette musique, elle est ancrée dans l’inconscient des gens ! ”

Whoosh, un mot qui ne veut rien dire, ou presque

Avant de refermer la faille spatio-temporelle dans laquelle Skype nous lie avec Gus, nous devions poser à cet incorrigible amoureux de la musique, une dernière question : mais que diable signifie donc Whoosh ? “C’est un mot qui ne veut rien dire dans l’absolu, même si pour moi il me ramène à plein de choses, comme les vieux cartoons par exemple. J’ai toujours été attiré par cette sorte d’idiosyncrasie. Puis dans l’exercice de la « pop music », je crois que d’employer des mots spontanés et légers comme celui-ci est beaucoup plus approprié que d’en utiliser d’autres, plus intellectuels ou littéraires et donc plus connotés”. Et si nous tenions ici une excellente définition de ce qu’est la « pop music » ? Demandons directement ça à Gus “Larousse” Lord : “L’idée est là, oui. Je dirais que c’est une courte forme d’expression de concepts singuliers qui peuvent être partagés de plein de manières agréables. Certaines d’entre elles peuvent être innovantes, émotionnelles. Il s’en dégage souvent une certaine habileté”.

Sans pour le moment savoir si cette esquisse de sens peut se figer dans le temps, pour devenir référence quand on pensera à la « pop music », ne faisons pas de généralités hâtives, et accordons-la simplement à la musique des Stroppies, qui, en plus d’être inspirée, est guidée par un sentiment aussi rare qu’essentiel : le romantisme.

The Stroppies // Whoosh // Tough Love ; Differ-Ant

Le groupe sera de passage au Supersonic de Paris le 5 juillet prochain, avant de partir en Angleterre pour quelques dates.

1 commentaire

  1. Pas de référence au velvet?
    D’habitude quand la guitare est en son clair sur pulse en croche sur même accord, c’est soi le retour du velvet soit le meilleurs groop depuis les Strokes,
    Pour les smiths voir arpèges en accord ouvert…
    Si vous bousiller les repères, animal on est mal!!!!

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