Les retours en pagaille, de The Who aux Pixies, font jouir les quadragénaires aussi vite qu’un ado lors de sa première fois. Mais au-delà de l’excitation éphémère liée à la nostalgie, pourquoi faut-il que les groupes nous emmerdent avec un nouvel album comme s’ils leur fallait une excuse pour revenir dans le monde des vivants ?

Posons directement la question : quelles sont les chances pour qu’un groupe ponde un meilleur album en 2020 qu’en 1980, 1990 ou 2000 ? Minimes. Pourtant, quand la décision est prise de se reformer, ou de revenir après une longue pause, et ainsi remettre péniblement  en marche la machine à cash, ils se précipitent (presque) tous en studio.

Cette démarche est suivie par la quasi-majorité des groupes qui reviennent sur le devant de la scène. Mais elle peine souvent à convaincre les fans et les journalistes. L’album de la réformation est bien souvent un calvaire qui nous emmène pas plus loin qu’au quatrième morceau. On pense à « Who » des Who en 2019, mais aussi à « MBV » de My Bloody Valentine en 2013 ou aux trois derniers Pixies (« Indie Cindy»; « Head Carrier » et « Beneath The Eyrie »). Ce « nouvel élan créatif » entre des musiciens qui se détestent est une bonne excuse pour justifier le come back. L’erreur, c’est justement de croire qu’il en faut une pour repartir sur la route.

Cette erreur, certains ne la font pas. C’est, par exemple, le cas de Mötley Crüe. Les Américains, dont l’horrible biopic sur Netflix (The Dirt) rappelle à quel point ce groupe aurait dû rester à jamais dans les années 80, ont décidé de revenir six ans après leur séparation, mais uniquement pour monter sur scène. Idem pour Bikini Kill, qui pour l’instant, a juste annoncé des dates de concerts pour 2020 (mais rien nous dit que le groupe n’a pas l’intention de retourner en studio) ou de The Black Crowes qui va rejouer « Shake Your Money Maker » sorti en 1990. Idem pour Supergrass qui revient en 2020 avec une compilation (« The Stranges Ones : 1994 – 2008 »). Plutôt que de s’aventurer en studio pour un nouvel album qui viendrait faire tache à sa discographie, NTM est directement passé par la case « concert de reformation », ce qui n’a pas empêché les fans d’être présents au rendez-vous. Même son de cloche chez Rage Against The Machine (même si le Covid-19 fout la merde dans les plans de beaucoup d’artistes en ce moment).

L’instant Konbini

C’est un fait empirique : l’industrie est là pour vendre des disques. Un label sait pertinemment qu’un nouvel album de The Who, qu’il soit bon ou mauvais, se vendra beaucoup mieux que les 10 nouveaux artistes signés dans l’année, et sur qui il faut faire un travail de promotion long et fastidieux. C’est un réflexe pavlovien : à la Fnac, un fan mettra l’album de Pete Townshend et sa bande dans le panier comme il attrape des yaourts nature au rayon crémerie à Auchan.

On connaît le schéma classique après l’annonce d’un come-back, et il ne berne plus personne :

  • En premier, une interview fleuve pour expliquer que « le temps passe vite, que ça faisait trop longtemps, qu’on a renoué contact et qu’après avoir bu un café au Starbuck ensemble, on s’est dit qu’il fallait refaire un disque » (Comprendre : « on se fait chier et on a plus de thune »).
  • En deux :  le nouvel album au goût de pâtes au pesto réchauffées au micro-onde.
  • En trois : le retour sur scène avec une setlist composée au trois-quarts de morceaux issus d’anciens albums.
  • Et pour finir : une interview chez Konbini pour dire qu’on préfère Friends à How I Met Your Mother.

Tout ce cirque permet de redonner une seconde jeunesse au groupe, de se replonger dans sa discographie et de faire monter les streams. Mais ce faux engouement pourrait facilement nous être épargné en choisissant l’option numéro 2 : refaire une tournée, comme les concerts des stars des années 80 et éviter de mettre un pied dans un studio (surtout que l’on n’arrête pas de nous bassiner que l’économie des musiciens aujourd’hui est basée sur les concerts et les tournées, plus lucratives que les ventes d’albums, qu’elles soient numériques ou physiques).

Ce choix est courageux, car d’une manière, ces artistes acceptent de ne plus vraiment être un groupe animé par une dimension créative, mais un objet de divertissement. Il y a donc une réticence logique à admettre qu’ils ne referont jamais aussi bien qu’avant, et qu’ils doivent se résigner à jouer les tubes que le public attend. La pilule est dure à avaler. Mais elle a le pouvoir d’être contraceptive et d’empêcher, à 99 % les disques ratés. Pour finir, saviez-vous que les Kinks seraient en train de travailler sur un nouvel album ? Qui, en 2020, a sérieusement envie de vivre dans un monde pareil ?

Papier édité avec la suppression de Pearl Jam, qui n’a jamais splitté.

8 commentaires

  1. Et « Third » de Portishead est leur meilleur album. Plein d’autres pareils après 10 ans de split. N’importe quoi.

  2. Suede a sorti 3 très bons albums depuis 2013. On parle de Slowdive?
     » Marre de ces groupes qui font des tournées « best of » serait tout aussi pertinent.

  3. Un bon exemple de comeback réussi serait celui de Police, en 2007-2008.
    Leur concert à Tokyo, visible sur YouTube, est juste une tuerie.

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