Jusque là, tout ce que je connaissais de la scène musical finlandaise c'était un type en treillis avec le crâne rasé et un visage peint en noir et blanc - corpse paint pour les intimes - qui hurlait à la lune sur la pochette de "Death before deshonour" de Goatmoon, groupe solo d'un individu du nom de Blackgoat Gravedesecrator. En fait, c'était rien de plus que du National Socialisme appliqué au black métal.

La tendance est connue depuis longtemps : on commence gentiment par se réunir au clair de lune pour faire des offrandes à Satan puis on estime que les satanistes ont depuis trop longtemps été opprimé par ces colonisateurs judéo-chrétiens venus d’ailleurs et on se retourne donc tout naturellement vers un néo paganisme aryen plus local, peuplé de Siegfried de de Dieux en colère. Ca se prolonge fatalement avec le national socialisme – en insistant d’ailleurs plus sur le national que sur le socialisme, et puis on prend la trajectoire de Darkthrone, par exemple. Avec toujours la lune en trame de fond, qu’elle soit glacée (Freezing Moon de Mayhem), funéraire (Under a funeral moon, Darkthrone), voir simplement chèvre comme chez Goatmoon.

Finlande terre d’accueil, la Finlande et ses forêts, la Finlande championne du monde de biathlon et de body count pour un sniper en individuel (Simo Häyhä, 505 kills officiel sur un Mosin Galant russe modifiée pendant la seconde guerre mondiale), la Finlande et son hiver qui dure trois ans. Je connais un ami qui y est allé pour accompagner sa femme à un congrès d’anatomie pathologique. C’est une histoire étrange, sur laquelle je n’ai que peu de détails. Or comme on dit, seul le détail compte, donc bon…

Si l’on évoque le national socialisme, Siegfried et le néo paganisme, on pense bien sur tout naturellement à Wagner qui, l’affaire est entendue, a su inventer avec son Götterdämerung et ses Walküre le Black Metal unplugged à umlaut vers la fin du 19 ième siècle. Tout était déjà là en gestation, c’était le romantisme, fille des noces de l’amour et de la mort. Il suffisait de brancher tout ça sur le secteur pour obtenir avec un seul musicien muni de son multipistes la puissance sonore d’un orchestre symphonique de l’époque, puis d’ouvrir le chemin à toutes sortes d’individus plutôt asociaux et rétifs à la vie de groupe et aux joies de la création musicale. Les conflits au sein des groupes se sont d’ailleurs révélés en scandinavie plus sanglants qu’ailleurs; il suffira de se rappeler le meutre d’Euronymous par Burzum chez Mayhem, sachant que Dead était déjà mort – ce qui faisait pas lourd sur la scène au final – et que  du coup  ce sera le début d’une carrière solo pour Burzum et quelques autres. Dont Ildjarn que je vous encourage à découvrir.

Mirel Wagner est de ceux là. Elle a seulement eu la glorieuse idée de mettre de côté le bruitisme et la provocation politique pour se concentrer sur ce qui fait l’essence du Black Metal, à savoir raconter des histoires au clair de lune dans la forêt du nord.

Seule et accompagnée d’une simple guitare acoustique, le visage même pas corpse paint – elle est d’ailleurs d’origine éthiopienne, l’amie Mirel raconte des histoires d’os, de noyade, de puits, de pleine lune ou de dépression, tout ça d’une voix à placer entre l’enfant mort et le bluesman du mississipi. Ce doit être le climat qui veut ça.
Tout cela donne des chansons qui racontent l’histoire – en vrac – d’une enfant qui descend dans un puits où l’eau noire avale son reflet sous la lueur de la lune (all alone in the sky/ Alone as I), la mort qui ne séparera pas un bébé mort des bras de sa mère (her body is cold / well its gonna get colder / but my love will ignite / what was left to smoulder), d’autres histoires encore qui parlent du diable (leave let me be / let the devil take me), du désespoir (despair came riding on the crest of a big black wave / knocked me down on the floor), de Joe qui va se noyer pour se laver de ses péchés (Tell my mother i was a good boy), un cauchemar (who is this creature crawled into my bed into my head) ou d’une route qui menerait à un lac dark deep and cold où il ferait bon reposer.

Il y a néanmoins un soupirail dans le caveau d’où s’échappe un mince filet de lumière, une innocente petite chanson sur l’enfance dans la glorieuse lignée de ce genre musical très particulier qu’est la chanson de bicyclette bizarre. L’un de mes genres préférés  dans lequel se sont déjà illustrés notamment Syd Barrett (The bike sur Piper at the Gates of Dawn), Freddie Mercury (Bicycle race) ou Kraftwerk (tout l’album Tour de France). La lumière accentuant l’ombre, cette chanson est probablement la plus dépressive. Un truc à en devenir presque comique, d’entendre ce Droopy sur son vélo marmonnant « I’m Happy » avec la nostalgie, l’enfance solitaire, les fiertés innocentes et dérisoires sur son guidon. Sans les mains.

Au terme de ces neuf titres, quelle suite peut-on encore envisager pour Mirel Wagner? La mélancolie a-t-elle un avenir autre que la corde de Ian Curtis ou le devenir hibou auto-parodique de Robert Smith ? Mirel Wagner semble faire partie des ces femmes qui vivent sous le signe de la Freezing Moon et la trainent toute leur vie tel un boulet dans le ciel. Elle frappe par intermittence et sans raison, c’est une mélancolie glaçante qui tombe du ciel pour broyer. Une nouvelle étoile noire est née. Peut-être apercevrons-nous un jour un autre de ses éclats.

Mirel Wagner // Mirel Wagner // Differ-ant
http://www.myspace.com/mirelwagner

4 commentaires

  1. L’album est remarquable d’homogénéité, il suffit d’appuyer sur play. Mention spécial pour ma part pour « The Well », « Red » et donc « No Hands ». Bon évidemment une fois le disque fini, il ne reste plus qu’à aller se pendre.

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