Coqueluche de la presse orientée post-punk et encensé par l’Iguane, L’Objectif a le vent en poupe. Le groupe est jeune (les membres ont à peine dix-huit ans et ont commencé à jouer ensemble à partir de leurs douze ans) mais il a déjà deux solide EPs au compteur et un nouveau single. Tout juste rentrés dans leur Angleterre natale après un concert à Paris, nous avons retrouvé L’Objectif au grand complet pour une interview rappelant de tendres souvenirs de confinement, c’est-à-dire un appel Zoom de qualité défaillante et souvent flou. Un comble pour un groupe nommé L’Objectif.

Vous avez récemment sorti un nouveau morceau accompagné d’un super clip, The Dance You Sell. C’était quoi l’idée de ce nouveau single ?

Saul Kane : en fait le clip était l’idée d’un nouveau réal avec qui on commence à travailler, Ricky Allen. Je lui avais envoyé quelques références et le morceau, qui est une sorte de retour introspectif sur le passé, avec une certaine nostalgie. Et il a pensé à cette histoire avec une vieille voiture cassée, qu’on essaie de faire passer pour un truc génial alors que ça crève les yeux que c’est une ruine. Et le morceau en lui-même est un genre de remake d’un morceau qu’on a fait quand on avait douze ans, c’est pour ça que le refrain est tel qu’il est. J’avais commencé à écrire une intro et je me suis rendu compte que ça faisait écho à ce vieux morceau.

De manière générale, qu’est-ce que vous racontez avec vos chansons ?

Saul Kane : Je ne sais pas vraiment. Pour moi c’est un peu comme une thérapie écrite. Je ressasse des choses, je les digère, ça me permet de gérer mes émotions en racontant des histoires à propos des gens, de la vie… je pense qu’écrire des choses très personnelles permet aussi de tendre une perche aux gens, pour faire écho à leurs propres histoires. Si ça se passe comme ça, c’est génial. J’espère y arriver de temps en temps.

Justement, quels retours avez-vous quand vous interagissez avec le public ?

Dan Richardson : c’est plutôt très positif. On a toujours au moins une personne qui vient nous voir, qui pose des questions sur la suite, qui veut avoir des nouvelles. On a souvent des gens qui demandent « eh, c’était quoi le troisième morceau, le cinquième.. ? ». Je trouve ça super, on discute vraiment, on sent de l’intérêt et une écoute.

Ezra Glennon : je pense qu’on s’en sort vraiment bien. Je reviens sur The Dance You Sell, on était tous super excités avec ce morceau, mais aussi très nerveux. On ne savait pas si les gens apprécieraient. Mais on a eu de bons retours et c’est tellement satisfaisant.

« Écrire des choses très personnelles permet aussi de tendre une perche aux gens, pour faire écho à leurs propres histoires ».

Vous avez même eu des retours positifs d’Iggy Pop, ça fait quoi ?

Saul Kane : ça, c’est complètement fou. C’est une légende. On rentrait en voiture d’un concert à Londres… ou alors on était devant le boulot de la mère de Louis ? Je ne sais plus, mais on a entendu Iggy Pop prononcer nos noms à la radio et c’était incroyable. D’ailleurs il disait qu’on avait treize ans, ce qui est faux, aha. Mais c’était un moment magnifique.

Ezra Glennon : c’est con à dire, mais vu qu’on commence à se faire connaître, c’est comme si son statut de légende nous légitimait un peu. Comme s’il disait aux gens « c’est bien, vous pouvez y aller ».

« Quand on enregistre ou qu’on est sur le point de sortir quelque chose, on se dit que si ce n’est pas la meilleure chose qu’on ait fait jusqu’à présent, ça n’a aucun intérêt ».

Ça ne met pas un peu la pression ? Parce que même de manière générale, les médias ont tendance à vous mettre pas mal en avant.

Saul Kane : eh bien… en fait non, je prends juste le compliment. Ça ne me met pas la pression, juste de la gratitude. Si on disait qu’on est mauvais, bon… ça me ferait remettre beaucoup de choses en question. Même si les critiques constructives sont bienvenues. Par contre, la pression vient de nous, parce qu’on veut toujours faire mieux. On est très critiques envers nous-même, ce qui peut être positif, mais on se compare beaucoup et ce n’est pas très bon… d’autant plus que nous sommes jeunes, ça devient tout juste sérieux, donc on ne se sent pas toujours très légitimes. On se demande en permanence si on est assez bons. Je suppose que c’est une bonne manière de progresser.

Saul Kane : en fait, quand on enregistre ou qu’on est sur le point de sortir quelque chose, on se dit que si ce n’est pas la meilleure chose qu’on ait fait jusqu’à présent, ça n’a aucun intérêt. C’est vraiment important pour nous, si on se lance dans quelque chose il faut en être fier à 100%.

Dan Richardson (en français) : c’est vrai.

 

Il y a quelques mois j’ai interviewé Yard Act, qui parlaient de la scène musicale de Leeds et combien elle les avait influencés. Comment vous vous positionnez dans cette scène ? C’est important pour vous ?

Saul Kane : en fait j’ai l’impression qu’on est un peu passés à côté. Quand on commençait tout juste la musique, on nous refusait tous les concerts. Déjà parce qu’on était vraiment très jeunes, mais on était surtout mauvais. Et quand on a commencé à progresser et à pouvoir jouer sur scène, il y a eu le confinement. Donc on n’a pas vraiment pu évoluer dans cette scène, on commence maintenant en fait. Et honnêtement, je ne sais pas dans quelle mesure la scène locale nous influence. Nos parents, c’est autre chose. Ils ne sont pas du tout musiciens, mais la musique est importante pour eux, et ils écoutaient un peu de tout. Je pense qu’ils voulaient vraiment que leurs enfants soient musiciens, ils sont très impliqués d’ailleurs.

« Avant, quand on disait qu’on jouait dans un groupe, les gens pensaient qu’on était une bande de gamins qui jouaient vaguement de la musique, ils ne nous prenaient pas du tout au sérieux ».

Comment ça se passait d’ailleurs, de faire coexister la vie du groupe et la vie scolaire et familiale ?

Saul Kane : c’était un peu bizarre parfois de jongler avec l’école et le groupe. Je me souviens qu’un jour, on venait de sortir un single, juste après le confinement. On avait beaucoup composé et répété pendant ce temps, mais là l’école reprenait. Et mon téléphone vibrait en permanence pendant le cours, j’avais des notifications dans tous les sens, des gens qui twittaient notre single… j’étais surexcité, mais en même temps je trouvais ça tellement bizarre. C’était difficile de rester concentrer sur l’école.

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J’ai lu dans une interview de l’année dernière : « parfois, nous ne nous sentons pas comme un vrai groupe, mais plutôt comme des gamins qui font de la musique ». Vous ressentez toujours ça aujourd’hui ? Vous vous sentez plus légitimes ?

Dan Richardson : complètement. Déjà parce qu’on a terminé l’école. Avant, quand on disait qu’on jouait dans un groupe, les gens pensaient qu’on était une bande de gamins qui jouaient vaguement de la musique, ils ne nous prenaient pas du tout au sérieux. Maintenant, on est un vrai groupe, on joue plus régulièrement.

Saul Kane : je pense qu’être sur scène aide vraiment beaucoup. On prend confiance en nous, on voit ce que c’est pour de vrai. On nous renvoyait beaucoup notre âge, mais maintenant on se sent plus acceptés.

C’est vrai que beaucoup des articles d’il y a un an ou deux parlaient quasiment plus de votre âge (moins de dix-huit ans) que de votre musique. C’est un peu réducteur, non ?

Saul Kane : eh bien, je ne sais pas. Je ne l’ai pas mal pris. Je pense que notre âge était vraiment quelque chose qui avait son importance. Et évidemment, les gens faisaient beaucoup de commentaires dessus. Mais dès le début, on a voulu jouer dans la cour des grands, même quand on avait douze ans… on ne comprenait pas pourquoi on ne jouait pas plus, pourquoi on n’avait pas de succès. Bon, comme je disais, on était vraiment mauvais ! Mais c’était stimulant. Donc peut-être qu’on donne le change, peut-être que si les gens bloquent sur notre âge, c’est que notre musique semble plus mature que ce que nous sommes. Et tout ça a bien changé.

Vous voyez l’évolution dans la composition des morceaux ?

Saul Kane : absolument. Comme j’écris beaucoup selon ma propre perspective, ça change énormément. Donc je sens déjà les choses bouger. Et je pense que dans quelques années ce sera encore différent. Mais bon, pour le moment on n’a même pas encore assez de morceaux pour sortir un vrai album, aha.

https://lobjectif.bandcamp.com/music

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