Avant le Covid, ils mixaient tous les week-ends dans ta ville préférée. Depuis, les DJs-Producteurs galèrent pas mal, mais continuent de réaliser des disques magnifiques dont tout le monde se fout. Serait-ce une erreur ? Il semble, pourtant, que les Djs et producteurs de musique techno soient les disciples sous ecstasy de Frank Zappa. En moins pénible…
Je pense qu’il y a méprise. Lisez ces messages concernant nos chroniques zappesques précédentes :
Je viens en paix, les loulous. Vous n’avez pas l’air d’avoir saisi le principe ? Explication : ce moustachu hippie de Zappa a été l’une des principales influences du mouvement krautrock en Allemagne à la fin des années 60. Même si sa discographie ne fait clairement pas l’unanimité, son esprit libertaire, aventureux et enfumé des débuts, lui, reste très présent chez les DJs et producteurs techno. Alors que ces derniers en bavent pas mal en ce moment pour cause de Covid, ils sortent des disques qu’absolument personne n’attend d’eux sur des labels autoproduits. Des productions complètement ésotériques gorgées d’acid-rock, de krautrock dément et de psychédélisme chamanique qui sont, finalement, très pop et accessibles.
Zappesque dans l’attitude plus que dans le son : ici pas de triples disques d’opéra jazz-rock parodique, mais plutôt une optique de défrichage.
Die Orangen – Ride (Manfredas remix)
On continue dans les insultes. Durant un épisode du discret podcast La Pause Clope, dont la thématique était « Les chroniqueurs musicaux ont-ils encore un intérêt », nous nous sommes fait copieusement injurier ! A un moment, le sujet de Gonzaï arrive sur la table, mais est vite éludé par un intervenant digne de Pascal Praud sur CNews : « Gonzaï, je ne les compte pas dans la chronique musicale ! Je les compte dans les sous-merdes ! »
C’est dur. Je ne comprends toujours pas pourquoi il subsiste autant de haine à notre encontre, au vu de l’énergie et de la détermination de l’ensemble de la rédaction afin de vous divertir et vous livrer du contenu de qualité sans paywall. C’est d’autant plus dur de se faire insulter par des provinciaux fans du groupe Tool. C’est dommage, mais on les embrasse quand même. Donnez-leur de la force, ils ont tout de même réalisé de chouettes émissions comme celle – splendide – de trois heures où ils décortiquent avec beaucoup de sérieux TOUS les disques merdiques de Prince. Soit ceux sortis entre 1993 et 2015 et où l’artiste de Minneapolis semble s’approcher de la vraie cosmogénèse de Zappa : celle de la chiantitude la plus extrême à base de quadruples albums. Et sinon ? Die Orangen est un groupe compliqué à appréhender, mais, holy shit, pour ceux qui prennent le temps ce n’est que du bonheur. En plus d’être ambitieux, ce combo de krautrockers australiens – composé de Kris Baha et Dreems – a sorti deux albums inouïs et très riches. Pour continuer à donner une seconde vie à leur deuxième LP, ils sortent régulièrement des maxis en demandant des remixes à leurs potes DJs. Sur celui-ci, j’ai choisi celui par le Lituanien moustachu Manfredas. Ce truc à un potentiel exagérément pop. C’est Duran Duran produit par un Holger Czukay découvrant l’acid house anglaise.
Decha – Niebla (TAPAN Remix)
Et ce truc, alors, on en parle ? Vers 1984, Zappa conçoit un nouveau triple album (soupir) servant de base à un projet de comédie musicale à Broadway. Thing-Fish, c’est le nom de l’œuvre, raconte – accrochez-vous – l’histoire d’un couple venu assister à une représentation d’un spectacle dans lequel ils se retrouvent impliqués. Il y a plusieurs inventions et personnages, dont un homosexuel qui se vante de son orientation comme un levier pour gravir les échelons dans la société ou encore un livreur de haricot. L’intrigue tourne autour d’un certain Evil Prince qui a créé une maladie de toute pièce, le Galoot Cologne, afin d’exterminer les noirs et les gays. Mais cela ne fonctionne pas et les malades se retrouvent avec une tête de patate et un bec-de-canard. Entre-temps, dans certaines saynètes, les personnages s’urinent dessus, mangent des bouts de porcs crus et ont des relations sexuelles avec des poupées gonflables. Voilà. Étonnement, Zappa n’est pas arrivé à financer cette comédie musicale. Mais il a toutefois réussi à en donner un avant-goût sous forme photographique dans le magazine porno Hustler d’avril 1984 – dont sont issus les clichés ci-dessus. Je vous laisse réfléchir à tout cela et je rebondis en vous glissant ce morceau de Decha remixé par Tapan. Qui sont ces mecs ? Ce ne sont pas des mecs, c’est une fille : Viktoria Wehrmeister. La fin du patriarcat, tout ça, quoi.
Andy Bell – Indica
En 1984, Zappa troque sa guitare pour le synthétiseur Synclavier. Cette découverte tardive l’amène à réaliser un disque évidemment pénible, entièrement basé sur ce nouveau joujou. Le résultat ? Ne vous attendez pas à un « Stevie Wonder’s Journey Through The Secret Life Of Plants ». Si vous n’avez pas encore bien cerné le personnage, Zappa ne fait jamais dans la facilité, voyez-vous. C’est même pour ces raisons qu’il détient des fans. Le disque « Francesco Zappa » est une daube sans nom. La force de Zappa ? Réussir à faire sonner un Synclavier comme un de ces claviers découvertes pour enfants avec des touches en plastique en forme d’animaux de la ferme.
A l’opposé, Andy Bell, lui, a réussi son virage synthé. Ce n’était pourtant pas gagné ! Ce musicien anglais de cinquante ans, a fait partie du groupe Ride puis a été bassiste d’Oasis. Lassé d’attendre que les deux frères Gallagher enterrent la hache de guerre, il s’est enfermé dans sa cave, a ressorti ses vieux synthés ainsi que ses disques de Neu ! J’ai une affection pour les artistes qui se trouvent là où l’on ne les attend pas. Ce mec jouait Wonderwall sur scène pendant des années puis il se retrouve ici à réaliser une oeuvre de kraut-balearic mâtiné d’un soupçon de shoegaze, le tout afin d’offrir un parfum de révolution jeuniste Summer 88. Écoutez, c’est surprenant.
Zongamin – Fractal Maze (Manfredas Remix)
Zappa a repris Lucy In The Sky With Diamonds des Beatles pour le changer en Hookers from Louisiana With Herpes. La classe, nan ? Si je comprends bien, vous citez Edgar Varèse, mais finalement, Frank Zappa c’est juste une version jazz-rock d’Elmer Food Beat. Le japonais Zongamin, lui, revient d’entre les morts. Si ce dernier n’a pas trop donné de nouvelles depuis les années 2000 -Ed Banger, il se présente à nous avec ce merveilleux EP, dont est extrait ce remix neuf étoile encore signé Manfredas.
Love-Songs – Selbstauflöser Teil 2
Bon, j’arrête de dire du mal de Frank zappa : continuez d’écouter ses albums concepts ou encore de traquer les disques solos de son flutiste. Oui, trippez sur sa cosmogonie : on n’a pas tous les jours l’occasion de se faire plaisir, alors kiffez votre race. Soyez fiers d’être vieux. Soyez fiers de porter une paire de Levis 501 avec une ceinture d’inspiration native américaine. Plop! J’ai déjà parlé une fois de ce groupe de Hambourg : Love-Songs. Je récidive, car leur dernière sortie est encore meilleure. Cet obscur combo à un talent indéniable pour la musique de barbus planants pas chiante. Personne ne semble parler d’eux, mais ici on les aime beaucoup.
Urlaub in Polen – Impulse Response
Oui, j’ai travaillé et j’ai pris des notes. Dont celle-ci : Frank Zappa a collaboré avec le commandant Cousteau. C’était pour un documentaire avec des poissons. Je ne sais pas trop quoi faire de cette information, mais même en me relisant, j’ai vraiment envie de garder cette anecdote singulière pour ce qu’elle nous offre, l’espace d’un instant, comme image ou projection mentale. Urlaub In Polen, c’est du kraut allemand, very motorik. Ce groupe de Cologne existe depuis la sortie de l’album « Discovery » de Daft Punk (à vos calculettes, les boomers) et ce morceau est issu de leur sixième album.
Sascha Funke & Niklas Wandt – Weg Vom Leder
Je ne pouvais pas décemment faire des chroniques sur la thématique nouveaux Dieu du kraut, sans placer une nouveauté de Sascha Funke. L’allemand sort perle sur perle et ici c’est encore le cas. Ce que j’aime ? C’est techno, enfumé, les tracks durent un quart d’heure et ça parle en allemand.
Bright Future – Babel
Ce qui s’avère passionnant chez Zappa, ce sont évidemment ses fans – dont ceux qui réalisent son exégèse année après année. Ce sont ces admirateurs les plus loyaux qui sont les plus dingues. Ils distinguent, dans l’œuvre du musicien, des messages cachés un peu partout, comme si cela était l’intégrale de la série The X-Files. Un exemple : les signes chinois inscrits au dos de l’album « Zoot Allures » de 1976. Ces inscriptions sont les mêmes que celles figurant sur les tickets de concerts d’Osaka… quelques mois avant la parution du disque. Coïncidence ? Pas pour Simon Prentis, le spécialiste et traducteur des textes de Zappa pour le Japon. D’après lui, ce n’est pas par pure fantaisie, mais un message en kanji à décoder…L’un deux est SEI et l’autre KUSO, qui peut se traduire par : « sainte merde ». Ok. Est-ce que le krautrock est une musique de vieux ? Peut-être, et on s’en fout, j’ai envie de vous dire. Tenez par exemple, ce projet insensé : sous le nom obscur de Bright Future, on retrouve un parrain de la scène techno frenchy, Gilb’R accompagné de deux amis, Satoshi et Abel. C’est franchement ambitieux, planant et pop. Vous savez quoi ? J’ai passé un très bon moment. Et de nos jours, c’est déjà ça de pris, nan ?
Cyril Cyril – Les Gens
Quoi ? Encore le label Born Bad ? Je vous le jure sur la tête de Phil Collins : je ne savais même pas que ce disque était sorti par eux. Et pourtant, chapeau bas, c’est une fois de plus splendide. Pile dans la cible : un peu twist, un peu yéyé, un peu kraut et terriblement français.
Sutja Gutierrez – Empty Flower Pots (Extended Version)
Si l’on ose jeter une oreille sur un disque comme « Shut Up ’n Play Yer Guitar » nous arrivons à la conclusion qu’il n’y a que des hommes qui écoutent Zappa. C’est un disque instrumental d’1 h 47 rempli uniquement de solos de guitare accompagnés par une indigeste batterie rock-progressif FM. Ça lorgne vers le hard rock le plus crasse et c’est de la musique de mecs qui se paluchent sur leur guitare. Tout dans la démarche sonne comme Le monde d’avant hétérobeauf. Les mecs fantasment sur Zappa comme une sorte de Dieu de la musique qui arrive à créer de la musique tellement complexe et savante, que le commun des mortels est très loin de pouvoir s’en approcher et donc l’appréhender. Bon : ranger vos disques de Pierre Boulez, l’espagnol Sutja Gutierrez lui est un petit peu plus accessible. Ce jeune Espagnol sort des morceaux splendides, très pop sur le label de Dj Chloé. Ce morceau est issu de son album. Oui, je sais : il y a beaucoup trop de disques qui sortent et on manque de temps d’écoute. Mais bon, ce n’est pas comme si… tiens… au moment où j’écris ces lignes je tourne la tête vers la fenêtre : il neige sur Paris.
Baranauskas – Kukheereezan
Baranauskas est un jeune de vingt ans, un peu mannequin, et qui à côté fait des trucs technos enfumés claqués au sol, comme disent les jeunes. Mais dans le bon sens du terme. Baranauskas est Lituanien et est coopté par Manfredas donc. Tout son disque est sublime, le traitement des vocaux, du funk au ralenti mâtiné new wave très gothique.
Niagara – Tília
Voilà. Viens un moment où la décence nous impose de ranger nos disques de Megadeth, ou White Zombie. C’est l’heure. Et donc : avec l’âge on se prend d’affection pour des artistes comme Robert Wyatt ou la scène ambiante japonaise des années 80. Non pas que ces disques ne nous touchaient pas avant : juste que cela ne nous correspondait pas. Pas encore, du moins. Comme si l’on retardait l’échéance. Ici, c’est le combo portugais Niagara.
Ces disques ambiants-kraut contemplatifs, aux pochettes arty illisible digne d’un centre d’art contemporain, ne sont-ils pas uniquement voué à l’apanage du lectorat de Wire magazine ? Est-ce que l’on est en face d’un disque d’ambiance Naturalia pour trentenaires vivant en milieu urbain ? C’est pourtant un disque magnifique que j’ai écouté 12 fois depuis sa sortie. Cet album, « Pails & Filhos », marche dans les pas d’Amon Düül, le côté baba-cool, synthé en bois et tapis persan en prime. Oui, j’ai acheté un nouveau tapis, aussi.
Far East Family Band – Kokoro – 1976
Pour ceux qui ont eu la rigueur de nous lire jusqu’ici : un cadeau ! Oldie but goldie, un vieil album de 1976 signé par groupe de krautrock-psyché japonais, Far East Family Band, et produit par Klaus Schulze. Ce combo est incroyable ; ce sont les portes de la perception qui s’ouvrent. Un mix entre Pink Floyd et Ulysse 31 avec de la guitare branchée sur pédale SuperFuzzzz ! Un détail : la face B contient un morceau de prés de 30 minutes. Loin de la musique à destination de ceux qui ont pour petit plaisir de se prendre en photo dans un Starbuck. « Au final, on est en face d’un disque compact sans faille réelle agrémenté de très grands moments, mais qui manque un petit poil de pêche à mon goût ». Cette dernière phrase n’est pas de moi : je l’ai recopié d’une critique musicale d’un de nos confrères. Pour vous dire la chance que vous avez de nous lire.
5 commentaires
zap mama n’a plus son zippo, ( hors normes)
J’adore le délire, c’est du journalisme surréaliste et pour une fois qu’on parle de ZAPPA j’admets la subjectivité délirante, ça fait partie du personnage.
il fume un 386DX
je cherche ‘valley dolls’ en mp9 pour te l’envoyer entre t nichons verdâtres!!
Cyril cyril nous exterminera tous
Quand les autres feront leur merde en français, j’écouterai.