Pour pleins de bonnes et de mauvaises raisons, cette interview n’aurait jamais du avoir lieu. Primo parce qu’après m’avoir pris par surprise avec l’ovni et très bon premier disque « Django Django » sorti en 2013, qui réussissait le miracle de fusionner un paquet de trucs différents pour en sortir une avalanche de tubes sortis de nulle part, le quatuor mi freak-mi sérieux est sorti des écrans radars de mon esprit avec le deuxième album « Born Under Saturn » que je qualifierais de très moyen pour être gentil avec un groupe que j’ai beaucoup aimé.
Django Django est la plus pure représentation du jeune artiste qui met tellement le paquet sur sa première œuvre que tout ce qui arrive après sera forcément moins beau, moins fort, moins puissant. Un syndrome qui a déjà touché des groupes aussi différents que Television avec « Marquee Moon » ou plus récemment Linkin Park avec « Hybrid Theory ».
Par miracle, le groupe réapparaît pourtant dans mon esprit grâce à Vice qui organise une soirée pour la promo d’un troisième disque dont je n’avais évidemment pas entendu parler. « Marble Skies » n’est bien sûr pas au niveau du premier mais a le mérite d’être bien meilleur que le second. Qu’importe, je vais enfin pouvoir faire un bilan psychologique avec le groupe, alors que cinq longues années ont passé depuis leur grand œuvre. Enfin ça, ça serait sans compter les éléments qui vont tout faire pour que cette interview n’ait véritablement jamais lieu.
Nous sommes le lendemain du concert et je reçois un coup de téléphone de l’attaché de presse une heure avant l’interview : « je suis désolé mais on va devoir annuler, ils se sont fait voler leur van’.. ». Rebelote deux semaines plus tard avec une situation tout aussi inexplicable ponctuée d’un nouveau coup de fil’ du même attaché de presse, alors que je tente laborieusement de rentrer en contact avec le batteur Dave Mc Lean avec qui j’ai rendez-vous sur Skype : « Ouais, désolé, il a un peu de mal avec Skype ». Trois ans sans écouter le groupe et deux actes manqués plus tard, me voilà qui me retrouve donc miraculeusement devant Django Django pour tailler le bout de gras, avant un concert vraiment pas désagréable à la Cigale.
Salut Django Django, la forme ?
Vinnie (chant/guitare/interviews) : Ouais ça roule, on essaye de rester en forme justement, avec la tournée..
Je vous ai vu jouer en banlieue parisienne l’autre jour (Vice Party à La Marbrerie, Montreuil, NDR), c’était la première fois pour vous.. Quel effet ça fait ?
Alan James Dixon (basse, Laurent Baffie): Ouais c’est cool de sortir un peu du centre. Les mecs du label nous ont dit que pleins d’endroits poussent en ce moment un peu partout en banlieue.
Vinnie : A Londres les trucs les plus intéressants se passent en banlieue, pas dans le centre.
Après les critiques dans les mags branchés, vous voilà donc dans les soirées Vice... Ça fait quoi d’être devenu un groupe hype ?
Vinnie : On n’était hype avec le premier album, je ne crois pas qu’on le soit encore, ahaha.
Alan James : Aujourd’hui il y a une frénésie de nouveauté, les gens s’excitent aussi vite sur les groupes qu’ils les jettent. C’est de plus en plus dur de durer.
Dans votre cas c’est surtout parce que vous avez tellement tout mis dans votre premier disque que vous avez pris le risque de ne plus rien à voir à dire après..
Vinnie : Ouais, totalement, tu as raison…
Comme beaucoup de groupes britanniques (Beatles, Who, Roxy Music) vous sortez d’une école d’art. Comment vous expliquez ce phénomène très anglo-anglais ?
Vinnie : Pas mal de provinciaux viennent dans ces écoles à la recherche d’un mode de vie. C’est comme un camp de vacances, tu viens pour faire la fête, t’as des locaux pour faire de la musique et tu rencontres des gens un peu comme toi.
Alan James : Si tu veux être artiste mais que tu sais pas encore ce que tu veux faire exactement, l’école d’art est la meilleure option.
De nos jours tous un tas de groupes essaient ce truc casse-gueule de mélange de styles. C’est quoi votre secret pour que ça fonctionne ?
Vinnie : Parce qu’au delà de toucher à pleins de styles, on a trouvé notre son, je crois, quelque chose qui fait que quand t’écoutes on sait que c’est ton groupe, à commencer par notre identité vocale qui est très forte.
Alan James : Tout simplement parce qu’on sait jamais où on va aller quand on commence un morceau. Dès qu’une bonne idée sort on embraye dessus, que ça soit un riff’ surfy où un beat électronique chelou.
Vinnie : La production joue beaucoup aussi. On est capable d’enregistrer un truc surfy et de foutre une production hyper techno par-dessus.
« J’ai grandi en écoutant les compiles Nuggets. »
A propos de votre côté rock, quels sont vos références ? Je vous demande parce que Gonzai est un mag’ de rock..
Vinnie : The Monks, ce côté bizarre qu’on retrouve pas mal dans notre son..
Alan James : Link Wray, tous les trucs surfy des sixties.. J’ai grandi en écoutant les compiles Nuggets.
Désolé de vous poser cette question maintenant, mais je vous ai pas rencontré avant.. Dans le 1er album, est-ce que Firewater est une référence à A Day In A Life des Beatles ?
Vinnie : Non, pas vraiment. La mélodie ?
Ouais, cette mélodie vocale qui part hyper loin comme celle de John Lennon en 66.
Vinnie : Ah ouais d’accord, ben non pas du tout, c’est marrant j’y avais jamais pensé. Je vais la réécouter du coup !
Sans vouloir vous offenser, vous semblez être plus un groupe de studio qu’un groupe de live. Je me trompe ?
Vinnie : Hum, non en vrai ça a toujours été entre les deux. Ce qu’on faisait au début c’était enregistrer 1 seul morceau et le jouer ensuite en live dans des clubs pour faire danser les gens. On a du faire des centaines de concerts sur ce modèle là. C’est resté l’idée : faire du bon boulot en studio et faire danser les gens après en live, dans un esprit rave.
En parlant de rave, cet album est plus électronique et synthétique. Pourquoi ?
Vinnie : Tout simplement parce que Tommy qui fait les synthés et les machines chez nous est celui qui se lève le plus tôt ! Pour le prochain j’essaierai de me lever plus tôt pour que l’album soit entièrement acoustique…
Ahah, oui parce que là il n’y en a plus qu’une chanson acoustique, Sun Dials. Une de vos plus grandes obsessions est l’utilisation du delay sur la voix. Vous imaginez un monde sans cette pédale ?
Alan James : Sans cette pédale la musique dub n’existerait pas, ça serait un monde étrange en effet.
Vinnie : Je dois avoir une centaine de pédales de delay et d’écho.. Il n’y en a jamais assez !
Le synthé revient pas mal aussi, et il se trouve que c’est le sujet de notre dernier numéro… Quel sont vos secrets et votre histoire à ce sujet ?
Vinnie : On a commencé avec un « Jen » parce que Dave (Mac Lean, le batteur) en avait un paquet dans sa chambre. C’est une marque italienne et c’est hyper facile à utiliser. Depuis on en a testé pleins et des plus modernes mais celui-ci est resté dans l’histoire du groupe.
Alan James : Le synthé est un instrument magique. Tu te cales dans ta piaule et t’es parti pour des heures à explorer toutes les possibilités du truc.. Une sorte de grand voyage dans l’étrange.
Cool. Un peu comme dans la chanson Champagne, avec ce son de synthé bien chelou. Selon le communiqué de presse ça parle d’une croisière alcoolisée sur la Seine. Qui était le plus bourré ?
Vinnie : On était tous aussi bourrés je crois. Cette chanson parle de notre amour du Champagne en général et de cette soirée en particulier, qui était.. très bordélique.
Alan James : Ouais, et ce son de synthé bizarre reflète bien cette atmosphère…
Ouais, d’ailleurs que je crois que c’est votre chanson la plus malsaine à ce jour.
Vinnie et Alan James : Ahahah, ouais c’est possible.
Revenons à des choses plus saines : vous parlez vachement de la nature dans vos chansons. Il y a le titre de l’album déjà « Marble Skies », Firewater, Sun Dials.. Vous ressentez une connexion spéciale avec le cosmos ?
Vinnie : On habite dans le nord de Londres où règne une sacré agitation, entre le bruit et le trafic incessant.. Je pense que c’est un moyen d’échapper à ça.
Vous vous baladez plus dans votre esprit que dans les grands espaces, si je comprends bien ?
Vinnie : On y va, mais pas souvent c’est vrai.. C’est plus le fait de rêver de la nature que d’y aller vraiment. L’être humain a toujours envie d’être là ou il n’est pas, et j’imagine que si j’étais sur une île paradisiaque j’aurais envie de revenir à Londres pour prendre une bonne bouffée de gaz d’échappement. Cette insatisfaction chronique se retrouve dans notre musique : on a envie de tout tester à la fois.
A propos des paroles, votre bio dit que vous écrivez souvent sans réfléchir, c’est vrai ?
Vinnie : Certains morceaux oui.. Quand on trouve une bonne mélodie et qu’il nous faut un truc direct pour faire la chanson, on choisit le premier truc qui nous vient à l’esprit, ça évite de se prendre la tête..
Un peu comme le surréalisme.. Si je comprends bien vous mettez des paroles parce qu’il faut en mettre pour vendre des disques, mais si ça ne tenait qu’à vous vous feriez de la musique sans aucun texte ?
Alan James : On l’a déjà fait avec Skies Over Cairo. Personnellement j’écoute vachement de BO de cinéma et de Library Music, la musique peut se suffire à elle-même, oui..
Une dernière et je vous lâche. J’ai vu sur Spotify que vous écoutiez votre propre musique : « Django Django listen to.. Django Django ». C’est important d’avoir une bonne estime de soi.
Django Django : Ahahah, je vois pas de quoi tu parles.. Ça doit être quelqu’un de la CIA qui a voulu s’amuser, ou un membre du groupe qui a un ego énorme, mais je dirai pas qui.
Oh putain non il m’en reste une question. Vous serez encore là dans 20 ans pour sortir des disques ?
Vinnie : Peut-être, si on est encore en vie.
Django Django // Marble Skies // Because Music
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1 commentaire
ils/elles n’ont pas reçues des fumigènes @ the fuc?