@Ilaria Ieie 

Il a 32 ans, une tête de beau gosse, il joue dans un groupe danois qui cogne (Iceage) et il a sorti le 25 octobre son premier album solo intitulé « Heavy Glory » qui flirte avec la folk et le rock sans se prendre les pieds dans le tapis. On a donc demandé à Elias de fouiller dans sa collection de disques pour dénicher cinq disques qui tournent en rond sur sa platine.

La pochette ressemble à celle du « Real Life » de Magazine. Mais à l’intérieur de « Heavy Glory », Elias Rønnenfelt ne baise pas le punk pour inventer le post-punk avant tout le monde — comme l’a fait Howard Devoto en 1978. Non, le leader d’Iceage, 32 ans, sort un premier album solo, coincé entre la folk et le rock plus sophistiqué à la Nick Cave, qui vous noie dans une atmosphère nostalgique, primitive et primaire où le rock, à l’état brut, n’a vraiment pas besoin d’artifice pour atteindre sa cible. La voix d’Elias, tantôt désespérée, avinée, lugubre et tremblotante, et les orchestrations, subtiles, avec ces notes de violons (Doomsday Childplay, Soldier Song qui fait écho à Leonard Cohen), cet harmonica (Another Round) ou ce piano (Stalker), sont autant d’éléments qui aident ce disque à pénétrer votre cerveau, en douceur. Elias ne vous baise pas, il préfère vous faire l’amour.

Avec souplesse et grâce, Elias réussit sur ce disque à ne garder que la quintessence du rock, juste ce qu’il faut pour procurer les bonnes émotions. Pas de synthés chelous, pas d’overdubs qui prennent des mois et qui finissent par passer inaperçus, pas de branlette musicale non plus. Sur « Heavy Glory », on entend quatre trucs basiques : une voix, des paroles pas trop connes inspirées par la poésie, une poignée d’instruments classiques et des beaux arrangements, adroits et délicats. Voilà, la recette est facile, comme celle de la pâte à crêpe. Et pourtant, il y en a un paquet qui arrive à la foirer, et qui finisse par vous servir un truc infâme dans l’assiette. Pas Elias Rønnenfelt.

Sur Worm Grew a Spine, le Danois s’excite un peu, explose les BPM et prouve que s’il le veut, il peut passer la seconde sans caler. River of Madeleine fait retomber l’ambiance comme un soufflé — on poursuit les allusions à la cuisine, que ça vous plaise ou non — avant un final possédé comprenant deux reprises coup sur coup : Walking with Jesus (repbatisé Sound of Confusion) de Spacemen 3, et enregistrée avec Peter Kember, puis No Place to Fall de Townes Van Zandt, enregistrée sans Townes puisqu’il est mort en 1997. L’hommage à Spacemen 3 est double : Pete Kember a produit l’album « Seek Shelter » d’Iceage en 2021 et ce groupe a été une formation marquante pour Elias à l’adolescence.

Alors non, « Heavy Glory » ne sera pas l’album de l’année — on sait tous que c’est « Moon Music » de Coldplay qui remporte la Palme d’or, LOL — mais ça sera peut-être un disque qui reviendra dans votre vie, un peu par hasard, au gré des saisons. Le genre d’album fantôme qu’on oublie jamais entièrement, et qui hante votre esprit en profondeur. On vous laisse avec cette conclusion bancale en compagnie d’Elias, qui a choisi 5 albums dont il a grave envie de vous parler.

@Ilaria Ieie

Leonard Cohen – « Live Songs »

Elias : « Ce disque live montre le Cohen le plus dépouillé, le plus beau, le plus triste, le plus profane, le plus pathétique, le plus saint, le plus obscène, le plus brillant et le plus miséreux. Pour moi, et ce n’est pas un secret, il fait partie des rois. Je ne connais personne d’autre qui ait une telle façon de rendre les mots d’une chanson plus lourds et plus pesants que lui.

Parfois, il fait preuve d’une extrême négativité, mais d’une manière presque festive. Comme dans Diamonds In The Mine (sur l’album « Songs of Love and Hate »), une chanson qui vous sourit vicieusement en plein visage en vous disant que vous n’avez rien et que tout est foutu. Je pense que j’étais en train d’atteindre ces sommets apocalyptiques sur Worm Grew A Spine par exemple. »

Spacemen 3 – « Taking Drugs To Make Music To Take Drugs To »

« Sur ce disque, Spacemen 3 chante les sommets et Dieu s’impose, même si la montagne est une cave et que Dieu est une drogue. C’est un album qui a beaucoup résonné dans ma chambre d’ado et sa distorsion était comme une porte vers un autre monde. Il y a une mentalité de rejeté de la société à laquelle je peux m’identifier. C’est une musique spirituelle qui traverse le corps comme un produit chimique agressif.

Peter Kember, qui a joué dans Spacemen 3, a produit notre album « Seek Shelter ». Il vit à l’extérieur de Lisbonne. J’étais sur le point de faire une performance solo dans une église là-bas, et j’ai trouvé le courage de lui demander s’il voulait jouer Sound Of Confusion avec moi, ne sachant pas ce qu’il pensait de l’idée de rejouer ses vieilles chansons. Il a accepté de jouer les deux accords à l’orgue et moi, j’ai joué les parties de guitare. J’ai le sentiment que lors des répétitions, il a apprécié rejouer ce morceau, et je pense qu’on a fait plus de prises que nécessaires pour cette raison. »

Randy Newman – « Randy Newman »

« Le premier album de Randy Newman nous a servi de référence lors de l’écriture et de l’enregistrement des sections de cordes de « Heavy Glory », en particulier sa version de I Think It’s Going To Rain Today. Elle est tellement nue, amère et douce.

River Man de Nick Drake est un autre exemple éclatant de la perfection des cordes. Il y a un sens de l’humour dans ce qu’il fait qui empêche votre cœur de se briser. C’est totalement dévastateur lorsqu’il proclame que « c’est si dur de vivre sans toi », mais qu’il le dit comme si de la neige était en train de tomber du ciel. »

The Pogues – « Rum, Sodomy & The Lash »

« J’ai fait l’éloge de Shane MacGowan et de ce disque à de nombreuses reprises, et je le ferai encore. Son écriture et sa façon de lier les mots à une mélodie restent une influence constante. Il me manque de savoir qu’il était quelque part sur la planète Terre. »

Fauzia – « Live From The Room » [YouTube]

« Fauzia a attiré mon attention car j’ai été complètement impressionnée par sa performance « Live From The Room ». J’ai écrit Close comme un clin d’œil, en pensant à sa voix, avec l’intention de la lui offrir. C’est une belle chanson qui parle d’un amour imparfait et erroné, mais authentique. Nous nous sommes rencontrés dans un pub à Londres et nous sommes arrivés à la conclusion qu’il serait beaucoup plus cool de la faire ensemble. J’adore les nuances tonales élevées qu’elle a peintes sur Close et je suis très reconnaissant qu’elle ait été là. Je ne pourrais plus l’imaginer sans elle. »

Elias Rønnenfelt // « Heavy Glory »// Label Escho

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