Sur leur cinquième album, les Danois de Iceage poursuivent leur évolution sonique avec des morceaux sombres, puissants et épiques produits par rien de moins que l’ancien membre de Spacemen 3, Peter Kember.
On se remet tout juste de ce qu’on vient d’entendre. De l’intensité des morceaux. Des nappes de guitares qui vous tombent sur le coin de la gueule. De cette impression de compression, à l’extrême, qui surplombe certains titres. Mais aussi d’une forme de beauté qui se dégage de ce mur de son enveloppé dans des orchestrations monumentales. Ce qu’on vient d’écouter à plusieurs reprises au point de prendre un rendez-vous chez un ORL s’appelle « Seek Shelter », le cinquième album studio du groupe danois Iceage.
Ce n’est pas un hasard si l’on retrouve une légende vivante à la production (Peter Kember, alias Sonic Boom et ancien membre de Spacemen 3), et qu’une comparaison avec l’album de son ex-collègue Jason Pierce (« Ladies And Gentlemen We Are Floating In Space ») s’impose comme le nez au milieu de la figure. L’ancien membre de Spacemen 3 avait repéré, dès 2012, le talent des Danois. « J’aimerais bien bosser avec ce groupe punk Iceage, avait déclaré l’Anglais dans une interview donnée à Vice. Ils sont un peu décevants en live. Il y a des éléments dans la production qui, a mon avis, peuvent être améliorés. » Huit ans plus tard, Peter et Iceage se retrouvent à Lisbonne, dans le studio Namouche, pour deux semaines d’enregistrement. Entre temps, les Danois ont eu le temps de prendre en maturation. Peter lui, a de la bouteille. Faire des drones, c’est son dada. Des nappes de sons aussi. Iceage a besoin d’un coup de fouet et d’une nouvelle identité musicale qu’il n’arrive pas à trouver. Le déclic se fait avec Peter, « un magicien » comme on peut lire dans le communiqué de presse. On dira plutôt une bonne rencontre au bon moment : ce que recherchait Iceage, c’est exactement la came que fournit Kember depuis des années, dealer de réverbération et d’expérimentations soniques depuis 1982.
L’univers de l’Anglais infuse « Seek Shelter », sans subtilité, mais avec éclat. C’est cet aspect blues rock 90’s, symphonique et grandiloquent, qui frappe en premier. Comme sur un ring, le premier round est celui de l’observation. Sur Shelter Song, premier titre de l’album, les présentations sont faites avec une chorale magistrale, un solo bluesy maitrisé et une intensité qui monte, qui monte, qui monte. La cloche sonne, dring : Iceage enchaîne avec deux crochets du droit, un jab du gauche, et t’explique qu’il va te coincer dans un coin pour pilonner. High & Hurt poursuit l’invitation au voyage cosmique. Une chanson plus expérimentale et foutraque mais avec toujours ce même mot d’ordre qui semble être le leitmotiv de ce disque : bombarder. On lâche tout d’un coup et puis on espère que le chaos ambiant aboutira à quelque chose de beau. Spoiler : ça marche. La preuve avec Love Kills Slowly, qui donne autant l’envie de s’ouvrir les veines que de déclarer sa flamme à son crush secret.
« Seek Shelter » est l’album d’un renouveau pour Iceage. Un nouveau label (Mexican Summer), un nouveau guitariste pour venir étoffer les rangs sonores (Casper Morilla Fernandez, aussi membre de Less Win, un autre groupe danois) et une nouvelle jeunesse. Revigorés, les Danois veulent taper dans le dur, sans y aller par quatre chemins. Ils ont envie que ça sonne, mais qu’il y ait aussi de la profondeur. En plus des machines que ramène Peter dans sa boîte à joujoux, Iceage passe un coup de fil au Lisboa Gospel Collective, la première fois qu’une chorale trouve son chemin sur un disque du groupe (sur Shelter Song et Love Kills Slowly). La comparaison avec un titre comme Come Together de Spiritualized enregistré avec la London Community Gospel Choir est toute faite. Bref, de retour sur le ring, Iceage t’en colle une qui te couche : Vendetta. Un morceau qui parle de la montée du crime un peu partout dans le monde « même dans les endroits où l’on s’y attend pas » précise Elias Bender Rønnenfelt à Pitchfork. Aucune pitié : Iceage n’est pas là pour te passer la main dans le dos en te murmurant que tout ira bien, mais te braque, prend toute ton énergie, te fait les poches pour ramasser les pièces jaunes et repart comme si de rien n’était.
L’album, il tient comme sur des béquilles et dévoile une instabilité, comme si tout pouvait s’écrouler à tout moment. Sur Vendetta, la boucle est répétitive. Papapapapa, elle t’accroche. Tu peux rien y faire, impossible de t’en débarrasser. Puisque t’es au sol, en train d’essayer de reprendre tes esprit, les Danois en profitent pour lâcher Drink Rain (28 accords de guitare différents d’après Elias), le titre le plus décalé de l’album. Le morceau sonne comme une mauvaise reprise des Kinks. C’est à la fois jovial et gênant, et l’histoire raconte celle d’un mec qui boit de l’eau pluie pour se rapprocher d’un être aimé. Vite, la cloche, on a besoin de reprendre nos esprits.
La puissance de feu reprend avec Gold City (pas le meilleur morceau de l’album, il y a de l’harmonica en plus), mais surtout avec Dear Saint Cecilia (re-coucou Spirtualized), une chanson en hommage à Cécile de Rome, la patronne des musiciens et des musiciennes. Iceage donne tout. Il commence même à fatiguer. Enfin, un peu. Les coups sont moins spectaculaires. Moins précis. Hagar, rincé, à bout de souffle, tout au bout du tunnel, Iceage parvient quand même à trouver l’énergie de pondre The Holding Hand. Une dernière incantation maléfique et saccadée. Sublime. Terminus, tout le monde descend. Au même moment, dans un open-space du 18e arrondissement de Paris où sont écrits ces mots, quelqu’un dit « on dirait du Green Day ». Fin de l’histoire.
L’album « Seek Shelter » sortira le 7 mai sur le label Mexican Summer.
1 commentaire
Chanteur insupportable
Se prend pour Bobby Gillespie
Musique boursouflée et prétentieuse.