Initialement formé comme backing band pour un concert, le collectif Yar met les petits plats dans les grands. Il décide de sortir un premier album où l’impro devient structurée.
Yar, c’est l’histoire d’une blague qui prend mieux que prévue, ne serait-ce que pour le nom qu’a choisi le groupe. Monté en 3 jours pour accompagner la guitariste-chanteuse Tara Clamart pour une date à la Pointe Lafayette, ses compagnons de jams sessions montreuilloises viennent l’épauler sur scène.
Cette formation impromptue et initialement éphémère dut alors se choisir un nom. « Ça partait d’une blague de merde, se remémore le guitariste-chanteur Pierre Dessauny face au bar Désordre à Paris. Je disais qu’on allait s’appeler Air comme le groupe mais juste la lettre R. Quelqu’un a répondu “bah nan y a R”. C’est parti de là et on a trouvé ça cool. »
Suite au succès imprévu de leur première prestation, une nouvelle occasion d’être sous les projecteurs leur est proposée dès le lendemain. Satisfaits de la réaction du public, les musicien·nes qui opèrent tous dans d’autres groupes (Electric Retro Spectrum, VV Leather, Walter’s Carabine, Eva Brain, S’ennuyer Mieux, Les Savons Sales, Edde, Vince and his Lost Delegation, Fatals, Aqua Nebula Oscillator, Les Vipères, Les Secrétaires Volantes, T.I.T.S., Osage, Turned) ont décidé de peaufiner leurs ébauches de morceaux pour donner corps à ce nouveau projet. « Au tout début, on a monté un groupe en se disant “on joue ensemble et on voit ce qui se passe”, poursuit Pierre Dessauny. On a ensuite beaucoup plus évolué dans la composition grâce au partage d’idées. »
Cette dimension fulgurante qu’a pris la naissance du groupe devient un crédo dans l’approche musicale de Yar. Alors que la nature bourgeonne à la fin du printemps 2022, ils se mettent à enregistrer « Hysteresis », leur premier album. Le batteur, Vincent Posadzki, vit cependant la moitié de l’année au Canada, ce qui freine légèrement la dynamique du groupe qui alors se conçoit plutôt comme un collectif. Tare avantageuse pour s’exporter sur les scènes du pays de Justin Trudeau. « On est remplaçables si non disponibles pour un concert », argumente le guitariste-chanteur pour définir la notion de collectif dans Yar. Les musiciens souhaiteraient intervertir leurs rôles dans de futurs titres et le collectif Yar reste ouvert aux potentiels candidats qui auraient « des idées pertinentes ».
Strange Wave
Dans un article intitulé Dé/Reconstruire la “culture club” (Audimat, 2019), le journaliste Victor Dermenghem analyse :
« L’individu post-moderne est ainsi décrit comme multiple, fluide voire fragmenté. Capable d’aimer de multiples formes esthétiques, d’appartenir à divers groupes sans jamais développer d’attache identitaire trop forte. La musique du XXIème siècle produirait des identités-collages, temporaires et instables. »
Alors que la musique de Yar n’a absolument rien à voir avec la culture club, elle semble néanmoins s’ancrer dans cette réflexion sensée. Nourrie des influences éclectiques de Tara Clamart, Foucauld De Kergorlay, Pierre Dessauny, Vincent Posadzki et Logan Gilles, leur approche est l’expression d’une sentimentalité où se télescopent différentes conceptions de la musique. « Je vois notre album comme une compilation des influences de chacun. C’est un tsunami de son », revendique le batteur.
Amateurs de No Wave « pour son engagement politique, son expressionnisme et sa liberté sonore », peut-on lire dans leur dossier de presse, leur style lorgne vers le post-punk sans pour autant récupérer ses structures archétypales. Le groupe autobaptise Strange Wave son jeu qui mêle éléments post-punk et dimension bruitiste à une structure rock plutôt conventionnelle. Alors que le titre d’ouverture, White Flag, peut évoquer la langueur de Tess Park, I Feel Weird renvoie vers le rock alternatif à sensibilité nineties. The Will Is Turning et Waste invoquent Devo, dimension accentuée par les oscillations sonores bruitistes. On soupçonne aussi un fort tropisme vers Gustaf, notamment dans Backwards ou Inside A Dream.
Vous aurez compris la recette Yar : fourrez ces influences éparses avec le rock en dénominateur commun dans un grand bocal, fermez le couvercle, secouez bien puis laissez décanter. Il ne reste plus qu’à déguster collectivement votre Strange Wave.
Yar // Hysteresis // Le Cèpe Records
https://yargang.bandcamp.com/album/hysteresis