Les irréductibles bretons de Komodrag and the Mounodor naviguent le rock à contre-courant : supergroupe formé par la fusion de Komodor et Moundrag, la bande est aussi nombreuse qu’une demi équipe de rugby, tout en rouflaquettes, vestes à franges et rock sudiste américain à la Creedence, Lynyrd Skynyrd et autres Allman Brothers. En amont de leur concert à la Gonzai Night du 16 novembre et quelques jours après la sortie de leur premier album « Green Fields of Armorica », rencontre aux faux airs de Strip Tease avec Slyde et Colin, deux des têtes pensantes du projet.
Commençons par un jeu de mot : Komodrag and the Mounodor, c’est un peu votre rêve armoricain ?
Colin (Moundrag) : Bravo. Oui, complètement. On est un groupe issu des Côtes d’Armor et du Finistère, donc des États-Unis d’Armorique. Et on a la chance de passer énormément de temps sur scène entre potes, donc c’est effectivement notre rêve armoricain.
Tout le monde a une idée de ce qu’est le rêve américain : le combo frigo-voiture-pavillon de banlieue-tragédie familiale, les grands espaces, le rock, la Beat Generation, Las Vegas, le port d’armes. C’est quoi, le rêve armoricain, pour le public ?
C : C’est exactement pareil, mais avec du beurre salé.
Pour la partie Wikipedia, Komodrag & the Mounodor est donc la fusion de deux groupes bretons pour former ce supergroupe à l’ancienne : sept personnes, deux batteurs, trois guitares, quatre aux chants, orgue Hammond, amplis à lampe, matos vintage, l’esthétique américaine et la Bretagne… c’est gigantesque, pourquoi ce choix ?
C : dès le début du projet, on a voulu que ce soit vraiment le mélange de nos groupes, Komodor et Moundrag. Donc on a mis deux batteries parce qu’on s’est retrouvés avec deux batteurs, en fait. Après, ça donne une esthétique à l’ancienne, je pense aux Allman Brothers qui avaient deux batteurs par exemple. En plus, par rapport à l’économie actuelle du rock, on voit que les groupes vont plutôt vers des trios, des duos… il y a une tendance à l’économie, au minimalisme. Nous, on s’est dit qu’on irait aux antipodes de ça et qu’on proposerait un gros show à sept sur scène.
« Il ne faut pas oublier qu’avant que nos groupes de rock ne soient « reconnus », on reste quand même des gros has been avec des cheveux longs et des pantalons pattes d’eph’ »
Slyde (Komodor) : En fait, avant le covid, on tournait séparément avec nos groupes mais sur les mêmes concerts. Et on se retrouvait à la fin pour des jams. Pendant la pandémie, on a pas mal écrit et on a sorti une live session d’un festival qui n’avait pas eu lieu, mais qui avait quand même fait une petite captation vidéo. On a envoyé cette vidéo à Jean-Louis Brossard des Transmusicales, qui nous a donné carte blanche. On pensait que ce serait pour l’édition de l’année suivante… et en fait, on devait jouer moins de quatre mois plus tard. On a dû composer un set entier alors qu’on avait à peine trois morceaux au départ. Bon, c’était un peu tendu mais on a mis les bouchées doubles mais on a réussi, alors on s’est dit qu’on pousserait l’aventure un peu plus loin. Notre première vraie date était aux Tans de 2021.
Vous avez repris des compositions de vos projets séparés ou vous êtes partis sur du tout neuf ?
C : On a tout de suite décidé de faire des compositions originales. Avec Moundrag, on fait plutôt heavy, psych, prog. Komodor, c’est plutôt du rock garage vintage. On ne voulait pas faire doublon avec nos groupes déjà existants, donc on a créé des compos et un son propre à Komodrag and the Mounodor.
Ce groupe élargi vous a sûrement permis des choses impossibles à réaliser quand on est seulement deux ou trois sur scène.
S : Carrément. Mais le truc marrant c’est que plus on est nombreux sur un projet, plus on doit créer de l’espace. Comme tu disais, on a trois guitares. Donc c’est vraiment une autre manière de bosser. Et c’est aussi une rencontre : Camille et Colin (de Moundrag) ont une vraie éducation musicale issue du conservatoire, donc ils ont pu nous montrer d’autres manières de composer. On s’est beaucoup enrichi mutuellement en confrontant des manières de travailler complètement différentes.
C : Et pour rebondir là-dessus, il y a plein de moments dans Komodrag où sur scène, on ne joue pas. On écoute ce que font les copains et quand on joue, c’est pour amener quelque chose de plus. C’est marrant d’être sur scène et de ne pas jouer.
Justement, en termes de méthodes de travail, comment vous vous y êtes pris pour « Green Fields of Armorica » ?
C : En fait, comme on avait tous des boulots à côté à l’époque, on a été forcés de fonctionner par pupitre pour la composition de l’album, donc chacun de son côté. Ensuite, on a fait deux ou trois répétitions avant de jouer, pour bien caler les morceaux. Et roule ma poule.
Vous travailliez dans quoi, à l’époque ?
C : Moi je bossais au conservatoire de musique de Rennes.
S : moi j’étais soudeur. Au départ j’étais backliner, mais avec le covid il n’y avait plus de boulot. J’ai dû me reconvertir et j’ai fait une formation de soudeur. Puis le rock’n’roll est finalement revenu vers nous.
C’est assez rock, la soudure. Tony Iommi bossait dans la métallurgie.
C : Oui, dans une usine où il a justement perdu ses doigts sous une presse hydraulique. C’est vrai que c’est rock.
Pour revenir à ce premier album, vous aviez un modèle en tête ? Vous parliez des Allman Brothers, tout à l’heure.
C : Je crois qu’on a surtout voulu faire un album qu’on aimerait entendre.
S : Après, il y avait une esthétique réelle liée à notre nombre, dans le genre Doobie Brothers, Allman Brother, le rock classique sudiste… on s’est retrouvé avec la formule et les musiciens pour aller dans cette direction, donc on s’est dit « pourquoi pas » ? En évitant de tout copier, évidemment. Mais on n’a rien inventé, ça c’est sûr et certain. On fait du rock très classique, mais avec sincérité, je pense. C’est quelque chose de vrai.
« J’ai commencé à faire du rock à Paimpol quand j’avais quinze ans »
En plus, vous avez une esthétique très marquée, assez comique, que ce soit dans les styles, les clips, vos noms… ça doit être un certain jeu d’équilibriste pour jongler avec tout ça, sans être complètement lourdingue et se planter.
S : carrément. Pour les clips, on a bossé avec Gaby Le Bigot, le frère de notre guitariste. Il a réuni une super équipe, ils ont bien capté l’énergie et l’aspect visuel du projet, donc on a pu avoir cette identité très forte dès la sortie de l’album. Ils ont aussi ce côté second degré, qui est important pour nous parce que même si on a maintenant la chance de vivre de notre musique, on ne se prend pas trop au sérieux. On aime bien l’autodérision, l’humour anglais à la Monthy Python.
C : Pour Born In The Valley, on avait une idée d’inspecteur loser et une esthétique de série américaine à la Starsky et Hutch. Le fait de ne pas trop se prendre au sérieux alimente aussi un capital sympathie, je pense. Et pour le côté sérieux, il faut surtout faire de la bonne musique en fait. Même sur le clip de It Could Be You, qui est plus « classe », on a voulu une mise en scène assez drôle. Il ne faut pas oublier qu’avant que nos groupes de rock ne soient « reconnus », on reste quand même des gros has been avec des cheveux longs et des pantalons pattes d’eph’. Faut pas oublier d’où on vient, quoi.
Question pratique, où est-ce que vous trouvez vos fringues ?
S : Les pantalons, je les trouve chez les femmes. J’ai la chance de rentrer dans des petites tailles… en fait je prends tout chez les femmes.
C : Pour le reste, veste, bijoux, chemises, c’est friperie ou Vinted.
S : Mais il y a un business qui s’est créé là-dessus. Il y a quelques années, quand j’ai commencé à acheter ce genre de sapes, on trouvait des choses très abordables en friperies. Mais comme ça revient à la mode, ça devient très cher.
« C’est encore plus fort de dire qu’on vient de petits patelins, qu’on est un peu des nazebroques »
Ça vous intéresserait de bosser l’aspect narratif à l’échelle d’un album ? Et proposer un album-concept, par exemple.
C : C’est vrai qu’il y avait beaucoup d’albums-concept dans les années 70. C’est quelque chose que j’adore. Peut-être qu’on y viendra… avec Moundrag, on a déjà été dans cette direction. Mais disons que l’objectif c’est déjà de bien faire vivre cet album, on verra plus tard pour les prochains.
Et ce serait encore à contre-courant des tendances, comme vous parliez du choix anti-minimaliste de faire un groupe à sept.
S : Oui, mais ce n’est pas une mauvaise chose et ça permet de se démarquer. Avec ce projet, on ne partait pas gagnants. C’est difficile de tourner, c’est difficile de se déplacer, la logistique est délicate… mais on en a fait une force, parce que les gens ne sont plus habitués à voir ça ailleurs qu’au théâtre. Finalement, ça interpelle beaucoup les gens. Et on a peu de concurrence, du coup.
Tout à l’heure, vous parliez de votre côté has been et de ne pas oublier d’où vous venez. Au début, quel a été l’accueil autour de vos projets ?
C : J’ai commencé à faire du rock à Paimpol quand j’avais quinze ans et autant te dire que personne ne me suivait. J’ai dû jouer quinze fois au Corto Maltese, un bar de la ville. Il n’y avait jamais personne. C’est à partir du moment où tu commences à faire des festivals et que la presse parle de toi que les gens de ton patelin te respectent et arrêtent de te prendre pour un con. Tu peux toujours trouver des gens comme toi dans les grandes villes, mais dans les villages et les ports, c’est super difficile d’être pris au sérieux. On ne se sentait pas soutenus, en fait.
S : A Douarnenez, c’est très différent. C’est quand même une grosse ville rock, il y a un vivier assez dense de musiciens depuis une bonne trentaine d’années. Notre batteur avait un groupe qui avait pas mal tourné (The Octopus), il y a les Red Goes Black, il y a toujours eu une culture très Detroit, une vibe à la MC5, très punk, rock, garage… on a pris une direction différente avec Komodor mais l’énergie vient de là. Et on n’a pas eu ce problème de crédibilité, on n’a pas été vus comme des ovnis, parce que des gens avaient fait le taff en amont.
C : Je pense que Douarnenez est la ville la plus rock de France. Par rapport au nombre d’habitants. C’est une chance d’avoir des villages d’irréductibles rockeurs qui résistent encore et toujours à l’envahisseur.
Déjà vous n’êtes pas partis pour vous installer à Paris.
C : Je pense qu’aujourd’hui, avec les réseaux sociaux et Youtube, le fait de monter à Paris pour faire décoller ta carrière est un passage moins obligatoire. Et on trouve que c’est encore plus fort de dire qu’on vient de petits patelins, qu’on est un peu des nazebroques en fait. Et ça ne nous conditionne pas à quoi que ce soit. On ne va pas dire « oui, on a fait nos armes à Paris, à Rennes… ». Nous c’est Paimpol et Douarnenez. Et on en est fiers.
Pourtant, sur votre bio Bandcamp vous avez marqué « Miami, Floride ». Pourquoi ce besoin de mentir au public, derrière cette franchise revendiquée ?
C : En fait, c’était un bug… et finalement, j’ai trouvé ça vraiment drôle de mettre Miami. Bon, pour l’instant, 90% de nos envois via Bandcamp sont pour la Bretagne. Donc on ne trompe pas grand monde.
« C’est marrant, d’être sur scène et de ne pas jouer »
En attendant la Gonzai Night du 16 novembre, de quels faits d’armes pouvez-vous vous targuer aujourd’hui ?
S : c’est pas forcément très sulfureux, mais je trouve qu’on a vraiment eu de la chance de se produire rapidement dans des festivals vraiment cools. Je pense au Roi Arthur, il y avait dix ou quinze mille personnes en pleine journée, on voyait tout le monde devant nous, c’était vraiment quelque chose. On a beaucoup de chance, en fait. On a une équipe de gens formidables qui bossent avec nous et qui soutiennent ce projet. C’est important de les remercier.
C : Et un public génial : il faut continuer de sortir de chez soi, d’aller voir des expos, des concerts, parce que nous on est 100% tributaires des personnes qui font ça. Sans vous, on n’est rien en fait. On est voués à disparaître.
Komodrag and the Mounodor // Green Fields of Armorica // Donysiac Records & Modulor Records, paru le 20 octobre
https://komodragantthemounodor.bandcamp.com/album/green-fields-of-armorica
1 commentaire
si tu ‘tombes’ sur boom boom (66) dégage le çà pue la merde de famille