À l’occasion de la sortie de son dernier skeud, « Shifty Adventures in Nookie Wood », nous avons passé un petit coup de fil à John Cale. Pas pour lui parler du Velvet Underground, ni de « Paris 1919 » – il déteste qu’on aborde ces sujets – mais pour bavasser de tout le reste.

Gentil mais ronchon, Monsieur Cale n’a pas manqué de nous remettre dans les rails de la promo quand le sujet n’était pas à son goût, chose qui, Dieu soit loué, n’est arrivé qu’une ou deux fois. Ronchon mais gentil.
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Avez-vous vécu de « shifty adventures » [aventures sournoises, NDA] récemment ?

Tous les jours ! Si je devais tout vous expliquer, ça prendrait une heure.

Bon alors, qu’est-ce que vous entendez par « Shifty adventures in Nookie Wood » ?

« Nookie Wood » est un endroit méchant. Ça veut dire « sexe » en fait (et plus exactement baiser), quand tu demandes quelque chose à une fille et qu’elle sait exactement ce que tu veux. J’imagine cet endroit un peu comme Blade Runner.

Justement, il y a une vraie ambiance cinématographique dans votre dernier album. Qu’est ce qui vous a influencé ?

Oui, ça vient vraiment du cinéma. Quand on regarde un film, on comprend bien où l’action se situe. Lorsque j’écris une chanson, je fais en sorte que celui qui écoute sache exactement où il est.

Vous pensez à des lieux précis quand vous écrivez ?

Non, je les crée de toute pièces.

« Je m’intéresse surtout au hip-hop. »

Certaines pistes, comme Living With You, pourraient être des BO de film. Vous voudriez composer pour le cinéma ?

J’ai déjà composé pour des musiques de films (Paris s’éveille, Antartida, Le vent de la nuit…) et j’aimerais continuer pour toute sorte de films, peu importe le sujet. J’aime le cinéma indépendant pour l’utilisation des silences et des rythmes lents, les longues prises de vue et les cadrages un peu sauvages. Alors que je n’apprécie pas le cinéma rapide, avec beaucoup de cut.

Si vous deviez faire un film, vous le feriez sur quoi ?

J’aimerais parler des cheminements intérieurs d’une personne et de ses processus mentaux.

Dans certaines pistes, vous avez utilisé des techniques modernes comme le vocoder. Vous êtes influencé par ces nouvelles techniques très hip-hop ? Vous pensez que ce sont les futures techniques dominantes de la production ?

Ce dont vous me parlez, c’est juste un effet sur la voix qui m’aide à traduire des sensations. Pour Mothra, on a un effet robot et pour December Rain c’est plus plaintif. Quant à l’avenir de la production, je ne sais pas trop. Je prends ce qui vient au jour le jour.

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Vous avez été influencé par des groupes actuels, dans le hip-hop notamment, pour utiliser ces effets ?

Oui, complètement ! Beaucoup d’idées me sont venues du hip-hop dans le passé. J’aime beaucoup le « hip-hop marrant » des groupes de San Francisco ou du Texas.

Vous avez aussi travaillé avec Danger Mouse, que pensez-vous de ce producteur ?

C’est vraiment simple de travailler avec lui car il est rapide, chose très importante dans ce type de création. J’aime bien les gens qui comprennent vite. Nous avons passé 26 heures en studio ensemble (après lui avoir fait répéter trois fois, ceci est une traduction phonétique de la réponse de John Cale, NDA). L’album est fini depuis un an, mais on a eu un problème d’emploi du temps qui m’a finalement permis de retravailler les pistes.

« Cette interview est à propos de mon nouvel album. »

Vous dites que vous aimez travailler rapidement, mais avec le Dream Syndicate [son groupe de musique expérimentale des années 60, avec La Monte Young et Angus MacLise] vous passiez des heures à improviser.

Ah oui mais ça c’est différent, c’est de la musique avant-gardiste. Quand vous cherchez quelque chose de nouveau, vous devez écouter attentivement et longtemps. On a vraiment travaillé dur, plusieurs heures par jour et on a développé un système. Je pense qu’écouter pendant un assez long moment permet de trouver son propre style et de le développer. On s’asseyait tous ensemble, on décidait quel accord on allait jouer et on commençait. Ça prenait du temps de s’ajuster, de mettre en commun les différents points de vue.

Est-ce que c’était une sorte d’école libre ?

Bien sûr ! Quand on est assis là à jouer pendant des heures, à apprendre comment transformer des accords, on apprend beaucoup de choses.

Est-ce que ce type de travail vous manque ?

Non, parce que c’est très difficile. C’est très lent, on ingurgite énormément de choses. J’étais content de passer au rock’n’roll.

Vous pensez qu’on peut encore travailler comme ça aujourd’hui ?

Oui, c’est possible, mais de manière beaucoup plus encadrée. Aujourd’hui on est dans un autre système qui impose ses règles et ses indications. Je pense que personne ne peut avoir l’esprit que nous avions dans Dream Syndicate. Nous avions des idées beaucoup plus agressives et puissantes. Je ne vois pas qui pourrait reprendre ça.

Pourrait-on parler de Terry Riley et de « Church of Anthrax » ? [son album free-jazz avec Terry Riley sorti en 1971, NDA]

Pas vraiment, cette interview est à propos de mon nouvel album. [Cassé, NDA]

Il y a toujours une scène punk aujourd’hui ?

Oui, même si elle est un peu perdue dans le speed metal. En fait, la scène punk existe toujours mais sous un autre nom. Mais je suis surtout plus intéressée par le hip-hop.

À propos de votre autobiographie, c’était une sorte de thérapie pour vous ?

Oui, complètement. Ça a été écrit il y a quelques années, mais le processus était intéressant. Il y a beaucoup de moi dans ce livre. J’ai aimé l’élaborer, même si il y a eu des moments difficiles. Mais j’ai eu l’impression d’avoir été juste sur moi-même.

C’est comment de vivre à L.A. en ce moment ?

Ahahaha ! C’est génial, là c’est une superbe matinée ensoleillée.

John Cale // « Shifty Adventures in Nookie Wood » // Domino

Remerciements à Pia Galloro pour la traduction.

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