Vous connaissez Tim Paris ? Moitié du projet It’s A Fine Line avec Ivan Smagghe, le DJ-producteur français avait disparu des radars depuis des années. Il revient enfin avec son deuxième disque, le lumineux et racé : We Us. Hey mais Tim, t’étais passé où ?

Je suis toujours embêté quand vient le moment de tenter de vous « vendre » des superbes disques par des artistes exigeants que je chéris. La tâche est encore plus complexe quand ces mêmes artistes ont décidé de faire profil bas ou de ne pas trop calculer leur carrière. Et elle s’aggrave encore plus quand ces mêmes artistes décident de sortir de leur zone de confort en arrachant l’étiquette de leurs boites. C’est le cas avec Tim Paris. Ce dernier est un DJ producteur français qui officie depuis près de vingt ans. Son fait d’armes ayant connu le plus de rayonnement, c’est le projet It’s A Fine Line avec Ivan Smagghe : une longue collaboration ponctuée de remixes et de maxis pour accoucher d’un album audacieux en 2017. Une œuvre cold wave exigeante avec des featuring prestigieux. Mais It’s A Fine Line, ce sont aussi des remixes passés à la postérité, comme l’impitoyable « A Shifting Drifting World » pour le groupe Paris de Mike Theis et feu Nicolas Ker en 2011. Tim Paris enchaine en solo avec « Dancers » en 2013 : un hommage à la musique club, aux 80’s, mais surtout aux voix trippé d’outre tombes.

 

Après des années sous les radars, Tim revient tranquillement, les mains dans les poches, avec « We Us ». Un disque assez déconcertant au premier abord : il tourne le dos aux étiquettes technos sombres ou cold-rave pour une œuvre beaucoup plus lumineuse et optimiste. Sur ce point, Tim Paris nous explique qu’il toujours pris « de grande précaution, à ne pas être classé dans une famille de son ». Mais au fond, ne boudons pas notre plaisir : entre pandémie de virus mondiale, guerre aux portes de l’Europe et vision d’apocalypse d’une extrême droite dévastant la province, on apprécie que l’élégant Tim Paris nous apporte un peu de lumière en cette période troublée.

« We Us » est un disque très lumineux moins sombre que « Dancers ». Tu en avais marre de la musique dark

Je t’avoue que j’ai réalisé ce disque la nuit, alors que pour « Dancers » je l’ai fait de jour. Après c’est possible qu’il soit plus lumineux que mon précédent, car les sujets traités sont plus porteurs ou profonds. « Dancers » avait un aspect plus club voire superficiel. « We Us » a été beaucoup plus long à réaliser : pratiquement trois années. Je voulais aussi, par le design de la pochette, évoquer une idée plus lumineuse, car pour moi il est connoté par la nuit. C’est pour cela que j’ai demandé beaucoup de couleurs sur la pochette. J’aime bien écouter ce disque dans la pénombre. Il est lumineux en lui-même.

Sur le morceau Make Shift, par exemple, on rencontre une facette très pop, presque très naïve.

Après c’est assurément dû à la voix, car c’est ma fille qui chante dessus. Elle a 11 ans. Ce que j’ai cherché à faire sur ce titre, c’est le contraste avec d’un côté la musique assez solide et de l’autre, une voix très naïve, une voix d’enfant. Ce morceau est pour moi un peu la pièce maîtresse du disque, avec une écriture très pop. Sur mon travail sur « We Us », j’aime apporter de la nuance aux choses et je passe beaucoup de temps à réaliser mes morceaux. J’aime bien donner plein de détails sonores aux publics. Je suis très touché quand les gens viennent me voir pour me dire qu’ils ont été touchés par un de mes morceaux. C’est mon moteur et ce qui me motive à continuer. Cela me donne une intimité avec les gens. Je les imagine écouter mes morceaux au casque et je trouve cela assez fou de partager ces sentiments.

Il signifie quoi, ce titre, « We Us » ? 

C’est un peu un message aux gens que j’aime, à mes proches. Ce sont eux qui m’ont inspiré. C’est aussi un message plus vaste, pour le public. C’est très important pour moi, de communiquer par la musique de façon la plus détaillé et subtile. Au final, c’est un disque inspiré par la sphère privée, mais qui s’adresse à tout le monde. Et j’aimais bien ce mot.

« Je ne me demande pas si c’est bon ou mauvais pour ma carrière de ne plus sortir de remixes ».

Tu voyais le disque en entier ou tu avais une vague idée ? 

Non, non, je voulais réaliser un album long format. Déjà depuis « Dancers » je voulais faire un deuxième disque, mais je redoutais ce moment et la direction à prendre. Le premier disque peut être vu comme une naïveté, alors que le deuxième cela donne un sens, une direction. Et je ne voulais pas me planter. De plus, je sortais d’un cycle avec « Dancers » qui rassemblait un certain esprit DJ qui s’écoute à la maison. Pour « We Us », je revenais de cela et j’étais nourri par la musique urbaine. J’ai dû réapprendre une grammaire tout en cherchant une cohérence pour le long format. Cela a pris du temps.

Que s’est-il passé depuis « Dancers » en 2017 et aujourd’hui ?

Le gros changement, c’est que j’ai quitté Londres pour revenir en France. Après l’épisode It’s A Fine Line avec Ivan Smagghe, j’ai quitté l’Angleterre au moment du Brexit. Ce n’est par le Brexit qui m’a foutu dehors, mais c’était concomitant. Je suis ensuite parti travailler avec le chorégraphe belge, Nicolas Musin. Ce dernier a monté une troupe de danse en Suisse et j’ai été compositeur pour ces spectacles. C’était assez intense et en même temps c’est un peu pour cela que j’ai un peu disparu des radars : pendant près de trois ans, j’ai réalisé de la musique pour des spectacles. Puis tout s’est arrêté à cause du Covid-19.

 

Tu as conscience d’avoir disparu des radars ? 

Quand cette opportunité de spectacle de danse s’est présentée à moi, je savais que je m’engageais pour plusieurs années, donc oui. J’avais aussi envie de revenir en France pour des raisons familiales. Cela faisait près de vingt ans que je faisais le DJ et bon…j’adore ça, mais j’étais contant de faire autre chose. Il y avait aussi le challenge artistique qui était passionnant. En fait, pendant cette période, je n’ai jamais autant travaillé, mais cela ne se voyait pas. Il y avait une couverture médiatique, mais seulement en Suisse. Mais je t’avoue que je ne calcule pas, je ne me demande pas si c’est bon ou mauvais pour ma carrière de ne plus sortir de remixes.

Le retour en France, il est comment ? 

Je ne vais pas te mentir : je ne suis pas mécontent. Les dernières années à Londres étaient moins drôles. Quand Boris Johnson est devenu maire, la ville est devenue moins funky par rapport à mon arrivée en 2005. Ca se gentrifiait très vite, et partout. Ensuite, je ne te cache pas que dès mon arrivée en France, j’ai vite retrouvé les raisons qui m’avaient fait partir. Mais bon, j’adore ce pays. Mais ce n’est que récemment que je découvre et visite tous ces nouveaux lieux, car la sortie du Covid est toute récente.

« C’est très rare les disques de musiques club à écouter chez soi ».

Un mot sur les featurings et le casting de « We Us ». J’ai été étonné et ravi de retrouver le nom d’Aquarius Heaven, par exemple : je l’avais perdu de vue depuis son titre historique Universe il y a presque dix ans. 

Oui, Universe, c’était fou. On est rentré en contact simplement en ligne, je lui ai dit que j’aimerais collaborer avec lui pour mon album et cela s’est fait très simplement. C’était un artiste avec qui j’avais envie de bosser depuis longtemps. Un autre artiste présent sur le disque, Allonymous, cela fait très longtemps que l’on travaille ensemble : près de vingt ans. Pareil pour Sex Judas. Erika Angell, elle, je l’ai découvert il y a douze ans sur un disque où elle faisait les chœurs, et j’ai trouvé cela dingue. De toute façon, en général sur mes disques il y a des idées que j’ai en tête depuis très longtemps qui ressortent.

 

Un long format, pour un DJ, c’est aussi offrir un disque pour un usage domestique. 

Chez moi, je n’écoute pas de set de DJ ni trop de musique club. Avant de faire de l’électronique, j’étais guitariste dans un groupe de rock et j’ai pris cette culture techno – quand j’avais 17 ans – comme une claque dans la gueule : c’était la musique du futur. Mais j’ai toujours écouté des trucs plus vastes. Il faut dire aussi que la musique club, celle qui est fonctionnelle, est bourrée de contraintes à réaliser. J’avais envie de m’en émanciper. C’est très rare les disques de musiques club à écouter chez soi. Après, mon amour pour cette musique est partout et apparait par réminiscence. Comme le morceau Albion qui lorgne vers mon inspiration pour le son de Detroit, par exemple.

Comment vois-tu, avec le recul, la parenthèse du projet It’s A Fine Line, qui t’a mis sous les projecteurs ? 

C’était génial, j’ai adoré It’s A Fine Line et cela nous manque. Avec Ivan on se parle beaucoup et on aimerait bien travailler ensemble à nouveau. Maintenant, avec la distance entre lui à Londres et moi en France, ça devient compliqué. It’s A Fine Line, c’est vraiment une histoire d’amitié : faire de la musique et passer du temps ensemble. On se protégeait l’un et l’autre dans le sens où il y avait une prise de risque total sur ce projet. Je suis vraiment très fier du disque que l’on a réalisé ensemble, car je le trouve assez radical dans les choix.  On a pris des risques et quelques fois certains morceaux peuvent sembler loupé et d’autres super réussi, mais au final il y avait une liberté dans ce projet que je trouvais génial.  

Tim Paris / We Us / Ekleroshock records
http://ekleroshock.com/release/tim-paris-we-us/ 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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